Gwendoline
“C’Est A Moi Ça” BORN BAD RECORDS
Faut-il continuer de lever les yeux vers le ciel ? L’issue semble aussi bétonnée et grise que l’église Saint-Louis de Brest surplombant les deux silhouettes de moines cold wave au premier plan de la pochette, celles de Pierre Barrett et Mickaël Olivette, visages dans les mains comme Caïn après le fratricide originel. Que ne veulent-ils pas voir ? La liste est inépuisable : la sanctification de la matraque (“Héros National”, brillante satire), le fascisme qui vient et la révolution qui ne vient pas (“Conspire”), la charité bien ordonnée, le syndicalisme de “défaite productive”, la pornographie des voyages (“Clubs”), la jeunesse déjà terminée (“J’sais pas ce qui me ferait plaisir pour mon anniversaire/ Ne pas l’fêter ça me paraît être une bonne option aussi”, chantent-ils sur “Si J’Préfère”), la débâcle des villes “réenchantées” (“Merci La Ville”), la haine d’une bourgeoisie ensauvagée descendant en droite ligne du nabot Thiers (“Le Sang De Papa Et Maman”, description clinique de l’inconscient à ciel ouvert du startuper standard), la défaite assurée pour les années à venir. A moins que ? “C’Est A Moi Ça”, avec ses batteries tachycardiques, ses crescendos de guitare et ses refrains répétés ad degueulam (“Car ce monde est génial”), est à sa manière l’affirmation de ce “à moins que”, de tout ce qui résiste ou, a minima, ne contribue pas à la saleté ambiante. Gloire par conséquent à Born Bad, gloire à ceux qui ne sont “rien”, gloire aux caissières, aux caristes et aux autres, gloire même, tant qu’on y est, à tous les salauds qu’on méprise trop pour ne serait-ce qu’écrire leur nom dans notre immortelle revue et qu’on n’oubliera pas le jour où l’occasion favorable se présentera mais qui, à leur triste et dégueulasse manière, auront inspiré cet album majeur. Gloire, enfin et surtout, à Gwendoline, grand groupe français des années 2020.