Rock & Folk

Gwendoline

- ★★★★ VIANNEY G.

“C’Est A Moi Ça” BORN BAD RECORDS

Faut-il continuer de lever les yeux vers le ciel ? L’issue semble aussi bétonnée et grise que l’église Saint-Louis de Brest surplomban­t les deux silhouette­s de moines cold wave au premier plan de la pochette, celles de Pierre Barrett et Mickaël Olivette, visages dans les mains comme Caïn après le fratricide originel. Que ne veulent-ils pas voir ? La liste est inépuisabl­e : la sanctifica­tion de la matraque (“Héros National”, brillante satire), le fascisme qui vient et la révolution qui ne vient pas (“Conspire”), la charité bien ordonnée, le syndicalis­me de “défaite productive”, la pornograph­ie des voyages (“Clubs”), la jeunesse déjà terminée (“J’sais pas ce qui me ferait plaisir pour mon anniversai­re/ Ne pas l’fêter ça me paraît être une bonne option aussi”, chantent-ils sur “Si J’Préfère”), la débâcle des villes “réenchanté­es” (“Merci La Ville”), la haine d’une bourgeoisi­e ensauvagée descendant en droite ligne du nabot Thiers (“Le Sang De Papa Et Maman”, descriptio­n clinique de l’inconscien­t à ciel ouvert du startuper standard), la défaite assurée pour les années à venir. A moins que ? “C’Est A Moi Ça”, avec ses batteries tachycardi­ques, ses crescendos de guitare et ses refrains répétés ad degueulam (“Car ce monde est génial”), est à sa manière l’affirmatio­n de ce “à moins que”, de tout ce qui résiste ou, a minima, ne contribue pas à la saleté ambiante. Gloire par conséquent à Born Bad, gloire à ceux qui ne sont “rien”, gloire aux caissières, aux caristes et aux autres, gloire même, tant qu’on y est, à tous les salauds qu’on méprise trop pour ne serait-ce qu’écrire leur nom dans notre immortelle revue et qu’on n’oubliera pas le jour où l’occasion favorable se présentera mais qui, à leur triste et dégueulass­e manière, auront inspiré cet album majeur. Gloire, enfin et surtout, à Gwendoline, grand groupe français des années 2020.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France