Fascinant et horripilant
Universal Theory
Depuis les productions Marvel et le succès surprise en 2022 du bien zinzin “Every Everywhere All At Once”, tout le monde connaît désormais le principe des multivers, ces mondes parallèles qui existeraient sur le même plan temporel que le nôtre. Le réalisateur allemand Timm Kröger s’y plonge à son tour en suivant les déambulations d’un écrivain et ancien scientifique qui, à travers ses écrits basés sur la théorie quantique, veut prouver qu’un multivers existe bel et bien. Allant totalement à l’encontre des films Marvel à grand spectacle, “Universal Theory” la joue hyper arty avec une photo en noir et blanc très ombragée reprenant le look des polars noirs américains des années quarante, une bande-son étouffée et un ésotérisme volontairement abscons. C’est à la fois fascinant et horripilant, culotté et longuet, original et un brin poseur. Comme un étrange rêve invasif exténuant dont on n’arrive jamais à se défaire (actuellement en salles).
Les Derniers Hommes
Il y a de gros points communs entre “Les Derniers Hommes” et “La 317e Section” de Pierre Schoendoerffer, le film de guerre culte français des années soixante où l’on suit les déambulations de soldats français et laotiens pendant la guerre d’Indochine. Idem dans le film de David Oelhoffen où l’on s’attache durablement aux affres subies par une vingtaine de légionnaires français qui, envoyés en pleine jungle indochinoise, vont essayer de rejoindre une base alliée tout en étant poursuivis par l’ennemi nippon. Chaleur, faim, soif, pétage de plombs : les valeureux soldats tombent les uns après les autres en parcourant 300 km à pied au milieu d’une jungle hostile. Une folie anxiogène de plus en plus contagieuse s’empare progressivement d’eux alors que leurs plaies se multiplient sous une chaleur terriblement humide, comme si la nature elle-même se mettait à absorber leur chair et leur mental. Tourné visiblement sans grands moyens, “Les Derniers Hommes” repose sur des acteurs très investis et pour la plupart inconnus du grand public, ce qui permet de s’identifier facilement à leurs souffrances et à l’atmosphère ambiante limite kamikaze. Tellement suicidaire que le film flirte par instants avec un onirisme étrange. Comme si l’enfer et le paradis se mettaient à chatouiller leurs âmes partant à vau-l’eau. Malgré quelques longueurs inhérentes à la situation (on a aussi le droit de s’ennuyer quand on marche sans fin), “Les Derniers Hommes” est suffisamment immersif pour que l’on compatisse pleinement au sort de ces soldats qui ne savent plus trop s’ils sont morts ou vivants (actuellement en salles).
Une vie
Dans les années quatre-vingt, un vieil Anglais distingué mène son quotidien tranquillement aux côtés de sa femme aimante. Un couple comme un autre, en quelque sorte… Sauf que cet homme, Nicholas Winton, a été un héros durant la Seconde Guerre mondiale. Et personne jusqu’à il y a une quarantaine d’années ne le savait. Par pure compassion, il a sauvé 669 enfants tchécoslovaques des camps de la mort en les faisant transporter par train jusqu’en Angleterre, où ils furent recueillis par des dizaines de familles anglaises. Ce biopic signé James Hawes, signataire de quelques épisodes d’excellentes séries comme “Penny Dreadful” ou “Black Mirror”, raconte le réel parcours de ce quidam qui ne se considérait pas comme un héros, son quotidien, presque morne, étant montré en parallèle avec son exploit d’antan. Si la reconstitution des années quarante est un peu ripolinée, l’émotion survient grâce à l’interprétation de Sir Anthony Hopkins, totalement bouleversant dans la peau de cet Oscar Schindler british. Surtout dans la dernière partie où, après qu’une journaliste a mis la main très tardivement sur les preuves de ses exploits, le septuagénaire a droit à un hommage à la télévision anglaise, entouré de ceux et celles qu’il a extirpés naguère des griffes des nazis. Et là, franchement, impossible de retenir sa larmichette (actuellement en salles).
Vampire Humaniste Cherche Suicidaire Consentant
Cette comédie de vampires canadienne au titre presque agaçant pourrait a priori rebuter. Surtout par son pitch (une love story entre une ado vampirette accro au sang et un jeune homme suicidaire), qui aurait dû faire basculer l’entreprise dans une certaine niaiserie. Ou alors un film destiné aux mômes entre cinq et sept ans. Et c’est tout le contraire que l’on découvre. Plus le film d’Ariane Louis-Seize avance, plus le charme agit. La relation de fascination entre ces deux êtres largués par la vie joue avec un humour fin sur un sujet qui, normalement, devrait donner le bourdon puisque dépression, mélancolie et amour impossible sont constamment au programme. Mais ce big no future annoncé pour le duo maudit mute peu à peu, par petites touches drôles et émotionnelles, en un feel good movie initiatique, les codes du cinéma d’horreur étant détournés avec un tact et une sensiblerie jamais appuyés (en salles le 20 mars). ■