Rock & Folk

“Un Anglais, tu ne t’amuses pas à lui envoyer du yaourt” MAXWELL FARRINGTON & LE SUPERHOMAR­D De retour avec un album classieux,

Il y a trois ans, leur improbable alliance avait accouché d’un chef-d’oeuvre. le duo semble parti pour durer.

- RECUEILLI PAR ERIC DELSART Album “Please, Wait...” (Talitres)

EN 2021 SORTAIT DE NULLE PART UN PETIT MIRACLE. “Once” de Maxwell Farrington & Le SuperHomar­d, rencontre providenti­elle entre un crooner punk à l’humour situationn­iste et un orfèvre de la chose pop bien faite. Trois ans après ce coup de foudre artistique et amical, les deux compères reviennent avec “Please, Wait...”, disque conçu de façon plus organique que le premier, mais tout aussi réussi.

Le micro de Sinatra

“Le premier album a été fait pendant le covid, donc principale­ment à distance, même si on avait réussi à se voir en chair et en os deux fois, je crois”, se remémore Christophe Vaillant, que l’on a pu rencontrer longuement en compagnie de Maxwell Farrington peu avant un de leurs concerts de rentrée à Saint-Brieuc, ville où réside le chanteur anglo-australien. Plus volubile que son collègue — en récupérati­on d’un concert de la veille un peu trop arrosé —, Christophe Vaillant raconte leur mode opératoire : “Après cet album, on a fait une cinquantai­ne de dates ensemble, donc on a appris à plus se connaître. On a écrit pendant qu’on faisait la tournée et on se voyait assez régulièrem­ent. Par rapport au premier, c’est vraiment plus un travail d’ensemble. On se connaissai­t beaucoup mieux et on connaît nos forces et nos faiblesses.” Les forces du groupe, on les connaît : l’alchimie entre la voix suave de Farrington et les orchestrat­ions soyeuses de Vaillant, et un art de la compositio­n superbe et réellement collégial : “On écrit tous les deux, on mélange des trucs, ensuite je fais les arrangemen­ts et lui écris les paroles. On fait des démos, on s’envoie des trucs, il m’envoie des petites vidéos très drôles où il chante et des mémos de téléphone parfois aussi. Moi j’envoie des fameuses versions nananana, qui seront un jour compilées je pense. Un Anglais, tu ne t’amuses pas à lui envoyer du yaourt, donc je fais ‘nananana’ ”. L’album possède des arrangemen­ts particuliè­rement travaillés. “Je fais des démos assez poussées. C’est-à-dire qu’en général, dans mes démos, la basse, les guitares, les claviers, on va les garder. Je fais faire des voix témoin à Maxwell, on monte des versions et, petit à petit, on upgrade, on rajoute une vraie batterie. Pour tout ce qui est arrangemen­t de cuivres et de cordes, on a fait un partenaria­t avec l’orchestre de l’Opéra national de Nancy. C’est notre label Talitre qui a mis en place le truc. Avec notre ingé-son Patrice, on a installé des micros et on a enregistré l’orchestre, puis on a mixé ça. Pour la voix, je tenais à ce que Maxwell la fasse vraiment en studio parce que pour le premier album, on avait fait ça aux Beaux-Arts de Saint-Brieuc, avec ma carteson, et je trouvais que sa voix méritait beaucoup mieux. Là, il avait le micro de Frank Sinatra.” Farrington interrompt : “Oui, mais Sinatra a une reverb et un slapback (un effet de délai typique de la production des années soixante, nda), mais moi, j’ai pas le droit !”

Iggy Pop

Alors que les deux musiciens argumenten­t chacun leur position quant à l’utilisatio­n dudit effet, on fait remarquer que le nouvel album nous paraît sonner moins enjoué que le précédent. “On nous a tellement parlé de Lee Hazlewood après le premier album que j’ai voulu faire un truc un peu différent, un truc plus John Barry. Plus anglais qu’américain”, avoue Vaillant qui, loin d’être dans une quête puriste, aime glisser des éléments anachroniq­ues dans sa musique et des influences plus subtiles. “C’est sûr que dès que tu chantes un peu grave, dès que tu as une voix un peu crooner, on va te parler de Scott Walker, Lee Hazlewood et Divine Comedy. Mais, par exemple, Maxwell est très fan de Marty Robbins qui est un chanteur country. Le seul mec qui a vu ça en lui, c’est Iggy Pop quand il a fait sa chronique sur la BBC.”“J’étais fou de joie”, ajoute le chanteur australien. “Moi, ce que j’adore quand on fait des concerts avec Maxwell”, poursuit Vaillant, c’est ce petit moment où, comme lors de notre tournée avec Paul Weller, les gens ne nous connaissen­t pas du tout, et quand ils nous voient arriver, ils voient Maxwell qui commence à faire ses petites danses. Ils se disent : ‘Qu’est-ce que c’est que ce mec ?’ Et puis il chante et là, ils ne disent plus rien. Il se les fout dans la poche en cinq minutes et c’est ça qui est super.” Pour l’instant le duo réussit à reproduire ses albums sur scène grâce à un mélange de groupe live et de séquenceur­s. “On est cinq sur scène. Maxwell est au chant, gestuelle et chorégraph­ie. On a un super batteur qui s’appelle Loïc Maurin, Laurent Blot à la guitare et à la basse, Laurent Elfassy qui jouait dans Pony Taylor, et puis moi, je fais guitare et clavier. On aimerait avoir un quatuor à cordes et des cuivres. Mais pour l’instant, c’est un peu compliqué. C’est le cauchemar de notre tourneur !” ★

Newspapers in French

Newspapers from France