Hurray For The Riff Raff
“The Past Is Still Alive” NONESUCH
Dans la perception sidérée que l’on peut avoir des Etats-Unis de 2024, recevoir les onze morceaux de cet album a quelque chose de rassurant. La pochette déjà : Alynda Segarra, le regard frondeur sous un chapeau blanc, et le désert qui s’échappe derrière elle. Loin des affres de l’époque, l’Amérique de la compositrice de 36 ans, ce sont les trains empruntés à la volée pour fuir les flics du Nebraska (“Ogalla”), les road-trips en Floride, gamine, à dérober quelques victuailles dans les magasins à l’heure du déjeuner (“Snake Plant”), les chevauchées vers Santa Fe en quête d’un amour aussi indomptable qu’un troupeau de bisons (“Buffalo”). “The Past Is Still Alive” a été enregistré en Caroline du Nord un mois après le décès du père de la chanteuse, réactivant les souvenirs d’une jeunesse pour le moins singulière, dont le Bronx new-yorkais puis la Nouvelle-Orléans furent les points de départ de toutes les embardées. C’est un album très différent du précédent, qui s’appuyait sur des sonorités synthétiques (“Life On Earth”). Retour ici à des sonorités plus folk, avec une mise en son qui sublime les grands espaces suscités par la musique. La voix d’Alynda est une splendeur de délicatesse et de défiance mêlées, harmonisée avec elle-même ou, sur la valse vénéneuse “The World Is Dangerous”, avec celle de Conor Oberst. Dans la dernière chanson, “Ogalla”, Alynda confesse avoir longtemps pensé être née à la mauvaise époque, s’être trompée de génération. Avant d’assurer, sur fond de saxophone grondant et de pedal steel lumineuse, qu’en ce monde fonçant à sa perte, elle sera finalement fière de rester sur le pont du Titanic jusqu’à la fin, les larmes aux yeux, et sa résolution tranquille donne envie de se tenir à ses côtés. ★★★★