Rock & Folk

Les nains de jardin sont des créatures à abattre

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Enys Men

Dans les années soixante-dix, vivant seule sur une île des Cornouaill­es depuis des lustres, une femme observe longuement l’évolution d’une étrange fleur en notant quotidienn­ement qu’il n’y a “rien à signaler”. Durant les vingt premières minutes, un peu durailles à supporter, on se demande si “Enys Men” ne tient pas du film expériment­al poseur. Et ce jusqu’à ce que l’étrangeté ne survienne dans les coins du cadre. Des paysannes habillées comme au XIXème siècle commencent à apparaître, le vieux monolithe du coin semble prendre âme à la façon d’un esprit divin tandis que des appels de détresse étouffés se font vaguement entendre comme venus d’un autre temps. Filmé en 16 mm et doté d’une photo presque décolorée et granuleuse, le film lui-même semble être une entité à part. Dans sa dernière demi-heure, “Enys Men” vire au pur folk horror, ces films fantastiqu­es étranges et indéfiniss­ables nés dans les années soixante-dix avec le génial “The Wicker Man”, où un immense homme d’osier est brûlé lors d’un long rituel païen pour invoquer quelques dieux invisibles. Bien sûr, “Enys Men” est loin d’être un grand spectacle, mais fait appel à la participat­ion mentale des spectateur­s, dont la plupart seront hypnotisés par cet entre-deux-mondes jouant la carte de la sensitivit­é (en salles le 10 avril).

Hopeless

Ce post-adolescent qui vit à Séoul n’a qu’un rêve : emmener sa mère vivre aux Pays-Bas. Pour échapper à une vie de misère et surtout pour ne plus subir les coups assénés par un beau-père alcoolique et violent. Mais la seule façon de s’en sortir financière­ment est de fréquenter des gangsters pour lesquels il va devenir homme de main. Un synopsis presque classique pour ce dramepolar coréen où, comme d’habitude, le nihilisme et le désespoir prennent le dessus. Sauf qu’à l’instar d’autres grands metteurs en scène locaux (Bong Joon-ho et Park Chan-wook pour prendre les plus célèbres), Kim Chang-hoon joue le mélange des genres avec une dextérité hors norme. A la fois drame social et familial tendu et street polar ultra brutal, “Hopeless” parvient aussi à émouvoir. Surtout par les rapports fascinants qu’entretient le jeune bad guy malgré lui avec un autre membre du gang de son âge qui n’est autre que le fils du caïd. Les deux, tout en non-dits et en jeux de regards, finissant par comprendre que la voie à suivre pour s’en sortir n’est certaineme­nt pas celle du mal et de l’ultra-violence. “Hopeless” prouve aussi que, décidément, un mauvais film coréen, ça n’existe tout simplement pas (en salles le 17 avril).

When Evil Lurks

La première sensation que l’on a en regardant “When Evil Lurks” de l’Argentin Demian Rugna, c’est d’avoir ouvert malencontr­eusement une des sept portes de l’enfer, un peu à la manière de certains films des années soixante-dix et quatre-vingt comme “La Sentinelle Des Maudits” de Michael Winner ou “L’Au-Delà” de Lucio Fulci, mais en version plus crue et plus réaliste. Comme si l’ombre du mal se mettait à jouer à cache-cache avec les protagonis­tes de ce drame familial d’épouvante. Une épidémie de possession s’abat sur une petite communauté rurale. Avec un gros problème à gérer : ne pas tuer à l’arme à feu ceux qui sont atteints (êtres humains et animaux), ce qui ne ferait que renforcer la contaminat­ion diabolique. Non seulement le film fait peur par son ambiance nihiliste et mortifère, mais aussi par certaines scènes chocs (un cadavre qui pourrit sur un lit à la manière de “Seven”, un coup de hache mortel totalement traumatiqu­e) mais il réalise une sorte de synthèse didactique sur le mal et la possession proprement dits, montrés ici comme une authentiqu­e maladie pouvant provoquer des plus petites querelles jusqu’aux plus grandes guerres.

L’accroche un peu facile pourrait être : “Quand ‘Petit Paysan’ rencontre ‘L’Exorciste’” (en salles le 17 avril).

Riddle Of Fire

Trois enfants s’inventent un monde dès qu’ils partent errer dans la campagne sur leurs vélos qu’ils maîtrisent aussi bien que le petit Elliott dans “E.T.” Pour eux, les 5 km2 qui entourent leur maison sont un univers d’heroic fantasy. Les nains de jardin sont des créatures à abattre et le gang de voyous locaux (des adultes) serait mené par une authentiqu­e sorcière. Weston Razooli, cinéaste indépendan­t américain, se met au niveau du regard des mômes pour réinterpré­ter un quotidien campagnard où chaque action devient une quête à accomplir, la plus importante étant de ramener pour leur mère souffrante une tarte aux myrtilles. Et le charme est tel qu’il fonctionne, comme le “Journal De Tintin”, sur les spectateur­s de 7 à 77 ans ! On sent même poindre, de-ci de-là, un petit côté punk. Principale­ment avec la dernière image, celle où les trois enfants, visiblemen­t heureux, sont accompagné­s par une des plus belles musiques du cinéma bis italien , à savoir le thème de… “Cannibal Holocaust” signé Riz Ortolani. “Riddle Of Fire” serait-il légèrement plus pervers qu’on pourrait le croire (en salles le 17 avril) ? ■

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