Rock & Folk

Noir et blanc massif

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Rejeton de la décroissan­ce économique mondiale qui a succédé aux Trente Glorieuses, le punk ne va pas tarder à devenir le véhicule préféré d’une certaine jeunesse des années quatre-vingt. Pour nous rappeler cette quasi-décennie de rébellion où les décibels des amplis avaient supplanté les mégaphones pour manifester sa rage de vivre, le scénariste Arnaud Le Gouëfflec et son acolyte Nicolas Moog aux crayons sont allés à la rencontre des participan­ts de ce joyeux bordel afin qu’ils leur racontent cet épisode marquant de l’histoire du rock hexagonal. Le résultat s’appelle “Vivre Libre Ou Mourir” (Glénat), un ouvrage qui parvient à concilier une chronologi­e sérieuse sans toutefois oublier d’y ajouter la touche d’humour nécessaire pour être tout à fait raccord avec l’époque. Comme il fallait s’y attendre, la colonne vertébrale du livre est axée autour du phénoménal duo Bérurier Noir. Malgré le passage du temps, il est agréable de constater que les certitudes d’il y a quarante ans sont toujours aussi présentes dans une tranche de la population désormais retraitée. Réalisé en noir et blanc massif, les auteurs ne pouvaient pas faire autrement pour raconter un mouvement de la jeunesse aussi haut en couleur.

Album après album, la maison rouennaise ne serait-elle pas en train de rédiger l’encyclopéd­ie du rock en BD avec sa montagne de parutions sur le sujet ? Faisant suite à l’épais volume sur le metal, “Led Zeppelin En Bandes Dessinées” (Petit A Petit) revient sur la saga du groupe britanniqu­e qui a su tirer du blues une inspiratio­n que n’aurait pas reniée John Davison Rockefelle­r. Derrière une couverture signée Christophe­r, la bande de piliers habituels de dessinateu­rs et dessinatri­ces (dont Will Argunas, Lauriane Rérolle, Yunbo, Janis Do...) s’est partagé le contenu des chapitres rédigés sous la bienveilla­nte houlette de Nicolas Finet. Comme il est d’usage, les points forts mis en cases sont reliés entre eux par des passages de textes qui se chargent de relier les points. Le tout donne un docu-BD bien ficelé pour étudier la transforma­tion d’une paire de requins de studio en phénomènes du rock.

A 48 ans, Hervé Bourhis n’a rien trouvé de mieux à faire qu’un infarctus. Alors qu’il se remet dans un hôpital où le docteur qui le soigne écorche le nom de sa pathologie, un gag imprévu survient. Dès qu’une personne apprend sa profession, elle lui conseille d’en faire le sujet de sa prochaine BD. C’est gonflant. Le dessinateu­r a donc décidé de couper la poire en deux dans “Mon Infractus” (Glénat) où son problème cardiaque devient le prétexte pour raconter ses souvenirs de DJ, une passion presque aussi forte que le dessin, mais où le rythme cardiaque s’élève en flèche une fois les platines en marche. De sa naissance en Touraine à sa rencontre avec le futur grand du mix Rubin Steiner, Bourhis enchaîne les souvenirs : ses premiers disques, son cheminemen­t musical, les battles entre le magasin Total Heaven et le monde du 9e art pendant L’Escale du Livre à Bordeaux, etc. Dynamique, dessiné et mis en scène avec un grand coeur, cette plongée dans des souvenirs remuants est une bénédictio­n par les temps qui courent.

Avec “Oum Kalsoum, L’Arme Secrète De Nasser” (Oxymore), la journalist­e Martine Lagardette et le dessinateu­r Farid Boudjellal se sont transformé­s en véritables enquêteurs pour reconstitu­er pas à pas l’histoire incroyable qui se cache derrière les deux prestation­s parisienne­s de la diva égyptienne des 13 et 15 novembre 1967. Le résultat est une sorte de thriller passionnan­t à lire du début à la fin. Pour comprendre l’engouement du lecteur, la simple phrase “Mieux vaut laisser le passé aux historiens et la scène aux artistes” peut résumer l’affaire. A ce moment de l’histoire, Oum Kalsoum n’a jamais donné le moindre concert en Europe. C’est donc avec tout un tas d’arguments dans sa valise que Bruno Coquatrix débarque au Caire au mois de juillet 1966. Mais voilà, l’homme n’étant pas devin, il ignore encore qu’il va se retrouver dans un enchevêtre­ment de situations où la politique internatio­nale a son mot à dire. ■

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