Beau gosse, voix de velours et aussi beau costard
Tom Petty JEAN DO BERNARD Editions Du Layeur
On n’a jamais très bien compris pourquoi l’immense Tom Petty n’était pas en France aussi légendaire qu’il l’est dans tous les pays pourvus d’électricité et d’oreilles. Oui, bien sûr, il a rempli les plus grandes salles et vendu des brouettes de disques ici aussi mais son étincelante réputation n’a jamais vraiment dépassé le public rock. C’est donc ainsi que sort seulement maintenant, sous la plume de Jean Do Bernard, la première biographie de la star, un manque flagrant que remplit très honorablement l’auteur même si — début d’explication à son manque de notoriété médiatique en France — Petty n’a jamais mené la grande vie du rock’n’roll, et cette absence de scandales ne fait ni les couvertures des tabloïds ni une biographie pleine de détails personnels croustillants. En revanche, musicalement, wow wow wow, Petty, en solo ou avec son groupe les Heartbreakers, a tout réussi et, sans même compter ses nombreux tubes devenus des classiques ou ses nombreuses collaborations avec les plus grands, il a amplement démontré, tout au long de sa carrière ses immenses talents : guitariste sobre et efficace, chanteur expressif et surtout compositeur et auteur brillant et très inspiré qui n’a finalement jamais sorti un mauvais titre de toute sa prolifique carrière. Pas étonnant donc qu’elle l’ait mené à accompagner Bob Dylan, à jouer avec George Harrison devenu son pote et monter avec eux, entre autres étoiles, l’iconique Traveling Wilburys. Mort prématurément d’une overdose accidentelle, l’héritage de Petty ne se limite pas, loin de là, à l’americana mythique qu’il a chanté, rock, blues, pop, country unis dans son style inimitable, il a aussi écrit des textes parfaits, simples et vivants qui parlent aussi clairement aujourd’hui qu’à leur création, aux vieux punks comme aux jeunes énervés : “Gonna stand my ground/ And I won’t back down” sera toujours une jolie définition de l’esprit rock.
Marvin Gaye, Le Dandy De Motown PHILIPPE MARGOTIN Editions de La Martinière
Même si ensorceler les jeunes filles a toujours été le fonds de commerce des dirigeants de la Motown, ils ont rarement aussi bien atteint leur but qu’avec Marvin Gaye, beau gosse, voix de velours et aussi beau costard, à en juger par le titre du très beau livre que Philippe Margotin lui consacre, “Marvin Gaye, Le Dandy De Motown”. Margotin, minutieux auteur de tonnes de biographies musicales, se penche ici avec la même exhaustivité sur la vie et la carrière du musicien tragiquement assassiné à 44 ans par celui qui lui avait déjà pourri sa jeunesse, son propre père. On parle d’un mec qui pour se remettre d’une dépression est allé s’installer en hiver à Ostende, hein, pas le mec gai gai, donc. Dandy peut-être mais surtout un musicien génial qui n’a pas connu une vie personnelle aussi heureuse que ses harmonies divines auraient pu le laisser espérer et qui, comme tant, n’a rien arrangé en se défonçant. Deuils, angoisses, relations pro compliquées — il avait épousé la soeur de son patron tyrannique à la Motown, ça n’arrange rien — et drogues ont compliqué sa carrière époustouflante, sans jamais l’empêcher de créer non seulement des chefs-d’oeuvre mais, mieux, des chefs-d’oeuvre aux messages puissants et complexes, encore aujourd’hui, hélas, parfaitement justes.
Sans minorer en rien le boulot de Margotin, précisons que la beauté de l’abondante iconographie est pour beaucoup dans la réussite du livre, les photos sont partout et magnifiques, un vrai beau livre. ■