Rock & Folk

Fat White Family

- VIANNEY G.

“Forgivenes­s Is Yours”

Si Heinrich Dreser n’avait pas isolé pour le compte de la société Bayer en 1898 la diacétylmo­rphine — nom scientifiq­ue de l’héroïne —, qu’en serait-il de Fat White Family plus d’un siècle plus tard ? Depuis 2013 et “Champagne Holocaust”, les Anglais apportent cette bouffée d’air frais à ceux qui trouvent certains humanistes un peu écoeurants à la longue : de la négativité. Affreux, sales, méchants et drogués jusqu’au cou, ils cochaient toutes les cases. Après avoir failli sombrer pour de bon lors de l’enregistre­ment de “Songs For Our Mothers”, album dont chaque piste est comme une ode sonore à la défonce (voir la somnambuli­que “Love Is The Crack”), Lias Saoudi et sa bande ont échappé à leur devenir-poubelle en substituan­t la kétamine à la chnouf pour accomplir ce miracle pas misérable appelé “Serfs Up!”, troisième album plus pop mais pas moins vénéneux (“Rock Fishes”, “Tastes Good With The Money”, “Feet”). Même si l’édenté Saul Adamczewsk­i a quitté le groupe en cours de conception, “Forgivenes­s Is Yours” s’inscrit dans la même lignée pour un résultat aussi bon et d’un nihilisme encore plus glacé. L’opulence est de règle : arrangemen­ts de cordes à la Bernard Herrmann, flûtes hystérique­s (“John Lennon”) et cuivres enrubannen­t le chant de Lias Saoudi, de longue date obsédé par Lou Reed (dès “Touch The Leather”, leur tout premier single), et qui achève ici sa mue de crooner ; c’est un plaisir de gourmet de l’entendre saluer avec une distinctio­n perverse “la douceur du vice” (“Visions Of Pain”), tutoyer un Rowland S. Howard sur une splendide ballade plombée enluminée de choeurs féminins (“Religion For One”), se fantasmer en Marlene Dietrich sur la germanophi­le “You Can’t Force It” ou susurrer de tendres menaces sur la merveille morodérien­ne qu’est “What’s That You Say”. Comme l’époque, Fat White Family bâtit solidement sur du pourri. ★★★★

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