Rock & Folk

Vampire Weekend

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“Only God Was Above Us”

Un groupe survit rarement au départ du plus créatif de ses membres.

Alors, quand en 2016 le génial multiinstr­umentiste Rostam Batmanglij prenait la tangente, on ne donnait plus très cher des Vampire Weekend. Si le copieux “Father Of The Bride” paru en 2019 nous avait (à moitié) donné tort, ce cinquième album des Américains nous cloue définitive­ment le bec. C’est un coup de maître. Un disque-monde recrachant en copeaux près d’un siècle de musique : rock, free-jazz, rap, trip hop, world music... Resserrés derrière leur leader Ezra Koenig, les vampires amalgament, soudent, accouplent les styles là où d’autres, armés des mêmes ambitions, se contentent de les superposer. Des rythmiques hip-hop percutent des boucles de piano échantillo­nnées (“Classical”), des choeurs d’église (“Mary Boone”) et des guitares afro (“Pravda”, “Prep-School Gangsters”). Ces petits bourges sortis de Columbia sont malins. Ils ont lu Burroughs et savent qu’il faut “découper le passé pour trouver le futur”. Leur côté “premiers de la classe” agacerait si les chansons n’étaient pas aussi bien roulées. Bourrées de mélodies irrésistib­les (“Gen-X Cops”). Captivante­s même lorsqu’elles sont sinueuses (“The Surfer”). Il y est beaucoup question du temps qui passe (“Trop vieux pour mourir jeune, trop jeune pour vivre seul” chante Koenig sur le magnifique “Capricorn”), d’un New York qui n’existe plus (le trio vit désormais à Los Angeles) et du chaos de notre époque. Un chaos que le groupe accepte, épouse plutôt que de le combattre. Espérant ainsi une fin heureuse. “Fuck the world”, ce sont les trois premiers mots de ce grand disque qui s’achève dix plages plus loin par une déchirante complainte longue de huit minutes baptisée “Hope”. Un final consolant comme une caresse sur la joue. Sauf qu’il ne s’agit pas d’espoir… mais de résignatio­n. ★★★★

ROMAIN BURREL

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