Rock & Folk

Mark Knopfler

- BERTRAND BOUARD

“One Deep River”

Les fans du guitariste anglais le savent : ce n’est pas sur l’un de ses albums qu’ils découvriro­nt un solo de guitare dévalant gorges et cascades à la “Sultans Of Swing”. Ce qui est très bien ainsi. Il y a une radicalité assez fascinante dans la façon dont Mark Knopfler a pris ses distances avec le musicien qu’il était lors de la première partie de sa carrière. Une façon de refermer la parenthèse pour ne jamais la rouvrir à laquelle on ne voit pas vraiment d’équivalent. “One Deep River” est d’ailleurs son dixième album solo, quand la discograph­ie de Dire Straits n’en comptait que six. On y retrouve les partis pris esthétique­s des neuf précédents : une majorité de tempos lents ou médiums, les guitares en guise d’ornementat­ion (ici à parts égales avec la pedal steel de Greg Leisz) et pas plus, et une quête de la quintessen­ce du songwritin­g. Soit : une bonne suite d’accords, une bonne mélodie, un bon tempo. A cette aune-là, Knopfler est un artisan hors pair, qui déleste la chanson de tout superflu pour lui laisser prendre son envol. L’album s’ouvre par une paire d’accords syncopés qui creusent un groove bonhomme sur lequel se greffe une voix placide (“Two Pairs Of Hands”) — difficile de ne pas penser à JJ Cale, envers lequel Knopfler n’a jamais fait mystère de sa dette (même remarque pour “Scavengers Yard”). Une exquise excursion latine (“Smart Money”), une ballade folk contant les forfaits de trois frères desperados (crépuscula­ire “Tunnel 13”) complètent une première moitié d’album délectable. La deuxième est un poil plus linéaire, mais se clôt par un “One Big River” tout en émotions contenues. La pudeur est d’ailleurs peut-être le terme qui qualifie le mieux cette musique et son auteur. C’est un (vrai) compliment. ★★★★

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