Frustration
“Our Decisions”
Le sixième album de Frustration débute par des petits oiseaux qui chantent. Avant qu’un synthé que n’aurait pas renié la Hammer n’entre en scène, accompagné d’une batterie martiale et menaçante. D’entrée, on comprend qu’ici, le futur va se conjuguer au passé. On synthétise : l’homme a tout détruit et la planète se meurt. Le constat est amer et c’est encore un euphémisme. Le titre, lui, est impeccable : triste, désabusé et violent comme il faut avec ses choeurs de hooligans errants. “State Of Alert” cavale entre les cadavres et indique que Frustration a bel et bien décidé de revenir à ses premières amours : le post-punk sauvage et frontal. Ici, on meurt mais on ne se rend pas ! “Omerta”, avec sa basse qui casse des gueules, dévoile un Fabrice qui chante en français, mi-ironique, mi-rageux, et c’est jubilatoire. “Catching Your Eye” est limite punk hardcore et donne direct envie de tourbillonner dans un pit en fusion. “Pawns On The Game” a la mélancolie cold wave et c’est heureux. “Riptide” commence comme un giallo mutant, flippant à souhait et se mue en une créature mécanique qui ne prédit aucun lendemain qui chante. D’une beauté crépusculaire et post-industrielle remarquable. “Pale Lights”, dépouillé, dégringole l’escalier de la vie avec une ténacité indiscutable. “Vorbei”, écrit par le guitariste Nicus, qui a aussi produit le disque, avec un feat d’Anne du duo rouennais Hammershøi, est une magnifique complainte hivernale où des chevaux progressent inexorablement. Les Cavaliers de l’Apocalypse ? Allez savoir. Les destriers emmènent celui qui écoute jusqu’à “Consumés”, en français lui aussi, qui chante le désenchantement mais sans passer par la case Mylène Farmer. Enfin, “Secular Prayer”, ultime titre, conclusion sombre d’un disque qui sonne moins comme un bilan que comme un hurlement impuissant au coeur de nos ténèbres. Mesdames et messieurs, Frustration ! ★★★★
JERôME REIJASSE