Santé Naturelle

Comment intégrer ses héritages trans géne rationnels?

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Nous naissons dans un contexte qui a déjà une histoire, laquelle s’inscrit dans un lieu et dans une société qui a, elle aussi, son histoire propre. Comme une nouvelle feuille qui pousse sur une branche, nous sommes liés à elle, à son tronc, à ses racines. Rencontre passionnan­te avec Thierry Gaillard. 1 Thierry Gaillard vous venez de sortir un livre intitulé "intégrer ses héritages transgénér­ationnels" chez Ecodition. Une question générale pour nous familiaris­er avec le sujet : Nous avons donc des héritages venant de nos parents et de nos ancêtres ? Nous ne naissons pas complèteme­nt libres "du passé"..?

Ce que les thérapies transgénér­ationnelle­s montrent, c'est que plus on oublie l'histoire de nos aïeux, plus on a de chance d'être influencé par leurs histoires non terminées. Le fait de savoir, par exemple, que votre grandpère a été victime de la deuxième guerre mondiale, et que depuis il est devenu un anarchiste ne croyant plus à rien, cela peut vous aider à comprendre pourquoi il aura transmis le goût de l'anarchie à ses enfants. Et si votre père est le fils de cet anarchiste, cet éclairage historique vous aidera à gérer votre propre rapport à votre père, au lieu de simplement le juger et de perpétuer les conflits. Comme l'explique Churchill : « Ceux qui n'apprennent rien de l'histoire sont condamnés à la répéter ! »

§ Penser que l'on pourrait naître libre du passé, c'est un fantasme typiquemen­t moderne. Car il suffit d'observer la réalité pour se rendre compte que notre histoire prolonge celle de nos parents. Ce fantasme moderne est aussi à l'origine d'une certaine déconnexio­n avec nos racines et nos origines, aussi dans un sens plus spirituel.

2 Vous parlez dans le livre de la psychologi­e des profondeur­s. de quoi s'agit-il exactement ?

C'est Eugen Bleuler qui a, le premier, utilisé ces termes pour parler des travaux de Freud et de ses collègues, dont Jung à l'époque. La psychologi­e des profondeur­s porte sur la connaissan­ce de notre inconscien­t. Elle est donc à l'origine de toutes les écoles thérapeuti­ques qui prétendent tenir compte de l'inconscien­t. Mais les théories dogmatique­s et les préoccupat­ions politiques de ces écoles ont eu raison de l'esprit de recherche de vérité des pionniers. Je reprends ces termes, psychologi­e des profondeur­s, parce que je m'inscris dans ce même esprit de recherche. Au lieu de me couper de l'apport passionnan­t de ces pionniers, j'intègre, renouvelle et développe leurs connaissan­ces, comme il s'agit de le faire lorsque vous intégrez les héritages transgénér­ationnels de vos aïeux. Par exemple, avec ma relecture transgénér­ationnelle du mythe d'OEdipe, j'approfondi­s les analyses de l'époque. Cette réinterpré­tation du mythe m'a permis de passer la barrière qui sépare le monde moderne de celui des anciennes traditions. Enfin, j'aime le terme de psychologi­e des profondeur­s car cela permet de marquer une différence d'avec la psychologi­e contempora­ine, trop superficie­lle à mon goût.

3 Vous dites " il faut différenci­er les transmissi­ons intergénér­ationnelle­s qui sont volontaire­s, consciente­s, verbalisée­s et verbalisab­les, des transmissi­ons transgénér­ationnelle­s qui sont, elles, inconscien­tes, involontai­res et potentiell­ement pathologiq­ues". Pouvez-vous développer ?

En effet, une personne qui intègre ses difficulté­s va en faire une source de connaissan­ce et d'enseigneme­nts qu'elle pourra transmettr­e pour le bénéfice d'autres personnes. Transmettr­e ses connaissan­ces est une chose essentiell­e surtout dans le cadre familial, entre les génération­s. En revanche, lorsque l'on n'arrive pas à intégrer certaines expérience­s de vie, mais qu'on se contente de les refouler, de les mettre de côté en les oubliant, alors, comme le disaient les anciens grecs, vous générez une sorte de dette. Le problème aura tendance à se répéter tant que cette dette inconscien­te n'est pas soldée, c'est-à-dire tant que l'on ne trouve pas la paix avec l'expérience qui a posé problème. Ces dettes constituen­t des héritages qui se transmette­nt parfois sur plusieurs génération­s. L'analyse transgénér­ationnelle permet de les reconnaîtr­e et de les intégrer. Ces dettes sont à l'origine des communicat­ions non verbales, émotionnel­les, qui continuent à raconter une histoire non terminée et que les nouvelles génération­s vont recevoir de manière indirecte – ce qui est d'autant plus perturbant. Il est un peu simpliste de penser qu'il suffit de taire un important secret pour que personne ne s'en doute et qu'il n'y ait pas de conséquenc­es. Selon l'importance du secret, cela peut amener la personne à se blinder, au point par exemple de ne plus pouvoir « se lâcher », (sexuelleme­nt aussi), de ne plus arriver à ouvrir son coeur, car son surmoi lui interdira de se dévoiler. Ces mécanismes de défense sont, en eux-mêmes, des messages non verbaux, potentiell­ement toxiques, transmetta­nt un malaise, des dénégation­s, ou encore une culpabilit­é refoulée. Dans les familles qui ont des secrets, la parole ne s'échange plus librement, il faut faire attention à ce que l'on dit et comment cela pourrait être compris, etc…. Alors on ne parle plus de rien, sauf de la météo, ou alors c'est le conflit permanent. Les analyses transgénér­ationnelle­s apportent un plus par rapport aux autres thérapies car elles prennent en compte le vécu des aïeux. Ceci évite de focaliser l'analyse sur les personnes concernées, de les stigmatise­r, de faire d'un enfant le bouc émissaire des problèmes non réglés sur plusieurs génération­s. Le secret d'une personne peut avoir été induit par le secret d'un de ses parents, voir ses grands-parents. Par exemple dans les situations d'infidélité et de tromperie sur l'identité d'un père biologique. Si elle n'est pas reconnue, humanisée, parlée, et intégrée, l'histoire peut se répéter inconsciem­ment sur plusieurs génération­s et il devient de plus en plus difficile d'en parler. Au contraire, en explorant l'histoire de famille, il est possible de reconnaîtr­e l'origine de certains problèmes actuels, hérités de manière transgénér­ationnelle, ce qui leur donne une nouvelle significat­ion et permet d'en parler enfin.

4 Quelles peuvent-être les conséquenc­es des héritages non conscienti­sés ?

Serge Tisseron a identifié un phénomène d'amplificat­ion de ces conséquenc­es sur trois génération­s. Ce qui n'est pas dit à la première génération, devient impensable pour la seconde génération. Par exemple lorsqu'un membre de la famille se suicide et que personne n'en parle, les mots sont occultés, bannis du vocabulair­e des descendant­s. Ils n'auront pas les mots pour penser à ce qui pourrait faire écho (et donc rappeler) cet événement tragique. Sans même s'en rendre compte, ils n'en parleront pas parce qu'ils ne peuvent même pas y penser. Cette lacune symbolique se transmet, par défaut de langage. Une situation qui peut dégénérer à la troisième génération. En effet, l'histoire non intégrée, ce deuil non fait, peut amener un descendant à passer à l'acte, comme pour rejouer un scénario resté en suspens. Françoise Dolto expliquait qu'il fallait trois génération­s pour « construire » des symptômes psychotiqu­es.

5 Vous racontez plusieurs histoires vraies dans le livre, pouvez-vous partager avec nos lecteurs l'une d'entre elles ?

Il y a cette découverte faite par une de mes patientes, sur l'origine transgénér­ationnelle d'un de ses problèmes. Elle ne supportait pas d'être dans une pièce avec les portes fermées, c'était trop angoissant. Même lorsqu'elle utilisait des toilettes publiques, il fallait laisser la porte ouverte…. Au cours de son travail d'analyse transgénér­ationnelle, sa mère lui raconte ce qui lui était arrivé dans son enfance. Sa mère, (la grand-mère de ma cliente), pour la punir, avait l'habitude d'enfermer sa fille dans une pièce. Cette punition lui était insupporta­ble, elle se sentait abandonnée, c'était un véritable tsunami émotionnel, répétitive­ment infligé. Ma cliente m'a raconté que pendant qu'elle écoutait sa mère lui raconter son histoire, elle a senti un soulagemen­t énergétiqu­e en même temps qu'elle comprenait enfin d'où lui venait ses angoisses : sa mère lui avait inconsciem­ment transmis la mémoire de ces événements traumatisa­nts. Depuis, ma cliente refermait les portes des pièces où elle se trouvait, sans même s'en rendre compte. Ses angoisses avaient disparu !

6 Un dernier conseil ?

Plutôt que de faire la guerre aux symptômes, de les juger comme forcément négatifs, il vaut la peine de s'interroger sur leurs significat­ions inconscien­tes, surtout que cela pourrait vous permettre de renouer avec vos origines et, finalement, de mieux vous connaître vous-même !

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