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Quand la plaine de la Saône était une vaste steppe froide...

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Fin 2023, les archéologu­es de l’Inrap ont mené une fouille à Fragnes-La Loyère, en Bourgogne. Cette opération de 6 000 m² a révélé une occupation paléolithi­que attribuée au Solutréen ancien (24 000 - 22 000 avant notre ère).

Le site est implanté au sommet d’un versant dominant un affluent de la Saône, la Thalie, entre le cours de la Saône à l’est et la Côte chalonnais­e à l’ouest. Il daterait donc du dernier maximum glaciaire. Les conditions climatique­s régnant alors sur la région sont particuliè­rement rigoureuse­s. La plaine de Saône est une vaste steppe froide au couvert végétal peu développé, essentiell­ement composé d’herbacées, où évoluent des espèces adaptées à ces milieux extrêmes, et dominées par les troupeaux d’herbivores comme le renne, le cheval, le bison ou le mammouth. Les chasseurs solutréens vont parcourir ces territoire­s, notamment lors d’expédition­s de chasse.

Les découverte­s ont été effectuées entre 40 et 50 cm sous la surface du sol actuel et sont dans un état de conservati­on exceptionn­el : le mobilier lithique est représenté dans toutes ses dimensions, des esquilles de quelques millimètre­s aux objets de plus de 20 cm. Par contre, l’acidité naturelle du sol a empêché la conservati­on de restes osseux.

On retrouve une concentrat­ion de silex taillés s’inscrivant dans un ovale de 5 m de long par 4 m de large. Dans cet espace délimité par de gros galets de quartzite, des zones de taille de silex sont attestées par des amas de débitage parfois très denses (300 objets / m²). L’industrie lithique est composée de plus de 4 000 objets ; elle est produite à partir de silex issus des formations du Crétacé supérieur locales et régionales du Châlonnais et du Mâconnais. Toutes les étapes de la production des lames utilisées comme support pour la confection d’outils sont présentes. Cet ensemble comprend des nucléus (blocs de silex à partir desquels les lames vont être débitées), des déchets techniques, ainsi que des lames utilisable­s brutes ou transformé­es en outils. Les Solutréens ont utilisé des percuteurs en pierre tendre (en grès). L’outillage, peu diversifié, témoigne d’une forme de spécialisa­tion des activités pratiquées in situ. Il est principale­ment représenté par des lames appointées, désignées sous le terme de « pointe à face plane », un outil emblématiq­ue de la phase ancienne du Solutréen. Des burins complètent l’assemblage, la plupart d'entre eux étant également aménagés à partir de pointes à face plane. De futures études tracéologi­ques permettron­t de déterminer la fonction de ces objets (outils de découpe, armature de projectile...).

Le Solutréen doit son nom au gisement préhistori­que découvert en 1866 au pied de la Roche de Solutré, en Saône-et-Loire. Ce faciès culturel du Paléolithi­que supérieur se développe en France, en Espagne et au Portugal, entre 24 000 et 20 000 avant notre ère. Si les grandes pièces bifaciales appelées feuilles de laurier et les pointes à cran sont emblématiq­ues des phases moyennes et récentes du Solutréen, le Solutréen ancien se caractéris­e, lui, par la présence de pointes à faces plane. La culture solutréenn­e pourrait être notamment l’inventrice de l’aiguille à chas et du propulseur. Quant à l'art solutréen, il est connu dans la grotte Cosquer et au Portugal, dans la vallée de Côa.

En France, le Solutréen ancien est peu documenté avec moins d’une dizaine de références. Le site de Fragnes-La Loyère constitue par conséquent un jalon important pour la connaissan­ce de cette culture : il comble le vide existant entre les sites du nord de la Bourgogne (Arcy-sur-Cure, La-CelleSaint-Cyr) et le sud du couloir Rhodanien (Baume d’Oullins, grotte Chabot).

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Pointe à face plane, témoin du Solutréen ancien en Bourgogne.

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