Le Sahara à pied en solitaire !
De son côté, Gérard Bailloud a fait connaître l’art rupestre d’une région saharienne du Tchad, l’Ennedi, à la richesse phénoménale. Au milieu des années 1950, il en a rapporté 200 magnifiques relevés. Avec une formation d'ethnologue, ce préhistorien discret a commencé sa carrière au Musée de l’Homme en 1942, comme photothécaire. En 1946, il était le premier à explorer la grotte d’Arcy-surCure (dans l’Yonne) et ses gravures pariétales. Il fut alors séduit par la préhistoire et se spécialisa dans le Néolithique. Il mit notamment en évidence l’importance de la céramique pour l’étude des groupes humains anciens. Mais sa principale contribution scientifique sera l’importante documentation, qu’il rapporta du Sahara, lors de sa « Mission des Confins du Tchad » en 1956.
Pendant un an, à dos de chameau et à pied, il sillonna la région de l’Ennedi, un grand plateau de grès au nord-est du pays, près du Soudan. Sculpté par l’érosion, cet endroit offre des décors de canyons, de vallées aux falaises vertigineuses et d’arches dignes du Grand Ouest américain. Les parois des surfaces rocheuses portent des figures peintes et gravées d’une richesse étourdissante, datant de plusieurs millénaires.
Lui a choisi d'explorer la région en solitaire, s’appuyant sur des aides locales, dans des conditions difficiles. « Quand on sait toutes les difficultés qu’il faut surmonter pour oeuvrer en régions sahariennes, le vent, la chaleur, la médiocrité et la monotonie du ravitaillement, la déplorable qualité des eaux, de surcroît la présence incessante et exécrable des mouches... on se rend bien compte que ce travail-là n’est point à la portée du premier venu et qu’il implique une belle dose de caractère et de résistance physique », témoignera Henri Lhote en 1966, dans le Bulletin de la Société préhistorique française. Gérard Bailloud rapportera de ce voyage un catalogue de données impressionnant : il a repéré 500 sites et réalisé 200 relevés, pris des centaines de photographies, collecté du matériel archéologique et des notes sur les cultures et organisations des populations locales.
Il parvint à distinguer une quinzaine de styles, et à en proposer une chronologie. Les plus anciens montrent surtout des animaux sauvages gravés : éléphants, girafes, rhinocéros, etc. Dans les périodes suivantes, on observe principalement des animaux domestiques, surtout des bovidés aux robes décorées. Plus tard apparaissent le cheval, le chameau. Nous sommes au Néolithique.