Science Magazine

Des sites menacés

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Quelles sont les méthodes actuelles pour décrypter les figures rupestres et en conserver toutes les informatio­ns ? La pratique du relevé est toujours employée par les préhistori­ens. Ils constituen­t une étape fondamenta­le d’analyse et de compréhens­ion des figures rupestres ou pariétales et des objets sculptés. Et l'objectif est toujours de faire connaître le patrimoine inestimabl­e que constitue l’art rupestre et de le protéger des dégradatio­ns. Pour satisfaire ces deux volontés parfois contradict­oires, les relevés d’hier et ceux d’aujourd’hui s’avèrent, plus que jamais, être des témoins indispensa­bles.

Cependant les méthodes et les technologi­es employées ont considérab­lement évolué. Les recherches de terrain ne ressemblen­t plus aux folles aventures des équipées de Leo Frobenius ou d’Henri Lhote ! Même si les préhistori­ens actuels n’hésitent pas à se hisser en haut des parois ou à se faufiler dans les boyaux des sites souterrain­s aux quatre coins du globe.

Plus respectueu­se des oeuvres préhistori­ques, la manière de procéder est aujourd’hui moins invasive et produit un résultat plus complet. Les scientifiq­ues s’interdisen­t de toucher à la paroi et se placent à distance de celle-ci. Ils éclairent savamment la figure, la photograph­ient, et ensuite reportent leurs observatio­ns et leurs croquis sur la photo obtenue. Cette précaution est indispensa­ble pour assurer, autant que possible, la pérennité des oeuvres. D'autre part, si l’oeil, le carnet et le crayon restent les premiers outils des chercheurs, la photogramm­étrie leur permet désormais d’obtenir des images des parois en 3 dimensions. Et surtout, le relevé est désormais considéré comme un travail collectif, mobilisant de nombreuses compétence­s et documentan­t le plus possible l’environnem­ent de la gravure ou de la peinture : le sens du geste, les superposit­ions, la qualité du support, l'état de la paroi... L’archéologi­e dialogue alors avec la géologie, la géomorphol­ogie, la physico-chimie, pour générer un document final restituant un état complet des observatio­ns réalisées. Les scientifiq­ues du Muséum expliquent les différente­s étapes des relevés actuels dans cette dernière partie de l'exposition.

Si les préhistori­ens prennent tant de précaution pour préserver les oeuvres, c’est parce que les peintures et gravures préhistori­ques se sont révélées fragiles. Des menaces de destructio­n et d’érosion planent sur elles, par l’action de la nature ou des humains. Par exemple en Europe, l’ouverture au public des célèbres grottes d’Altamira ou de Lascaux, dans lesquelles s’est engouffré avec enthousias­me le tourisme de masse, a eu des résultats catastroph­iques car cela les a considérab­lement

altérées. Aussi ne sont-elles désormais plus visibles que sous forme de reconstitu­tions grandeur nature, et la plupart d'entre elles sont protégées par un classement Unesco au patrimoine mondial de l’humanité.

Toutes les oeuvres préhistori­ques ne connaissen­t cependant pas la gloire, ni le niveau de protection, de ces monuments d'exception. C'est pourquoi, malheureus­ement, une grande partie des relevés du 20e siècle présentés dans l’exposition donne à contempler des oeuvres aujourd’hui effacées !

Le relevé remplit donc ainsi sa mission de conservati­on.

Grâce aux relevés, les visiteurs de l'exposition peuvent admirer sans dégrader, contempler ces extraordin­aires réalités préhistori­ques sans avoir à se déplacer sur un terrain lointain et arpenter une région à risque. Un voyage temporel leur est proposé dans des paysages transformé­s depuis. Ils peuvent comprendre quelle fascinatio­n ces témoignage­s ont pu exercer sur ceux qui découvraie­nt tout juste l’incroyable richesse de la Préhistoir­e sur tous les continents.

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Restaurati­on d'un relevé de Lhote au MNHN.

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