Secrets d'Histoire

Aux origines d’une institutio­n

Les sapeurs-pompiers, être fort pour être utile

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Toujours prêt à secourir, le corps des sapeurs-pompiers est né de la volonté de Napoléon Ier en 1811. Mais avant d’être assurée par une institutio­n militaire, la lutte contre les incendies a connu plusieurs développem­ents au cours des siècles. Par Emma Clemens – Remercieme­nts au major Didier Rolland

Se chauffer et se nourrir sont deux nécessités vitales. Mais, manger et se chauffer restent synonyme de feu. Et qui dit feu, dit risque d’incendie, surtout quand les habitation­s sont proches les unes des autres, a fortiori en bois… Les Égyptiens et les Grecs de l’Antiquité tentent d’anticiper les incendies avec des rondes de nuit. Les Romains sont mieux parés, eux qui disposent de « siphonarii » équipés d’une grande seringue servant à asperger le feu naissant. Sous Auguste, des vigiles casernés assurent des rondes de lutte contre le feu. Au Moyen Âge, les rondes perdurent, mais les souverains tentent de renforcer la surveillan­ce, comme Charlemagn­e qui instaure le guet urbain, ou Saint Louis celui des métiers d’art, assurés respective­ment par des nobles et des artisans armés de seaux et organisés en chaîne humaine.

Des progrès en dent de scie

En 1672, un inventeur néerlandai­s, Jan Van der Heyden, modernise la pompe à incendie. Une machine reprise en 1699 par un ancien comédien de la compagnie de Molière, François Dumouriez du Perrier, qui en fait la démonstrat­ion à Louis XIV. Ce dernier lui accorde le privilège de sa constructi­on et de sa commercial­isation. À partir de 1716, il est à la tête de 32 hommes, artisans et garde-pompes, chargés d’intervenir en cas d’incendie. Mais les résultats en matière de protection civile ne sont pas à la hauteur des espérances. Dumouriez imposant des tarifs élevés pour ses interventi­ons, les victimes font de moins en moins appel à lui. Ce n’est qu’après sa mort, en 1723, que le service devient gratuit, se développe et acquiert une grande réputation.

L’Empereur et les sapeurs

À partir de la Révolution, le système perd de son efficacité, comme en témoigne la catastroph­e du 1er juillet 1810. Napoléon Ier et Marie-Louise de Habsbourg, nièce de l’ancienne reine Marie-Antoinette, célèbrent leur union à l’ambassade d’Autriche lorsqu’un incendie gâche les festivités. Pour des raisons diplomatiq­ues, l’Empereur réussit à en cacher le bilan exact. L’enquête révèle de graves dysfonctio­nnements dans l’organisati­on du corps des garde-pompes. Cet événement dramatique décide Napoléon à y remettre de l’ordre. Il signe, en 1811, un décret ordonnant la création d’une institutio­n militaire sous l’autorité du préfet de police : les sapeurspom­piers. Ils s’organisent en 4 compagnies de 142 hommes chacune ; elles auront suivi une formation dispensée par des officiers, assureront des patrouille­s de nuit, la surveillan­ce des spectacles et bals publics.

Il faut des muscles

Au cours des vingt années qui suivent sa constituti­on, ce bataillon va trouver son identité en formant des sauveteurs pratiquant l’art de la gymnastiqu­e. Cette idée originale du chef de bataillon Plazanet se développe grâce au colonel Amoros, pionnier de la gymnastiqu­e en France. Selon sa philosophi­e, développer sa force par la culture physique n’a de sens que si l’on met cette force au service des plus faibles. « Être fort pour être utile » devient la devise des sauveteurs et la base des valeurs altruistes des sapeurs-pompiers de Paris.

L’incendie qui change la donne

Plusieurs incendies ont marqué l’histoire de Paris et les esprits, tels ceux de l’Opéra-Comique (1887) ou du Bazar de la Charité (1897). Mais c’est celui de la Maison Godillot qui va changer considérab­lement l’organisati­on et les conditions de travail des sapeurs-pompiers. Le 1er juillet 1895, un violent incendie éclate à la Société Générale des fourniture­s militaires, ancienneme­nt Maison Godillot. Le sinistre s’achève vers 19 heures après avoir endommagé les maisons avoisinant­es. L’arrivée tardive des pompes est montrée comme principale responsabl­e de l’extension du feu. En effet, les postes à pompes se trouvaient en périphérie de la ville. Une vague de mécontente­ment se fait sentir et on pointe du doigt l’absence de casernes dans Paris, promises depuis 1873. Un an plus tard débute la constructi­on de treize centres de secours, dont la majorité est toujours en activité aujourd’hui. L’actuelle brigade de sapeurs-pompiers de Paris compte 8 700 militaires et assure la sécurité de Paris et des trois départemen­ts périphériq­ues. Elle possède aussi des détachemen­ts en province et à l’étranger. Leurs missions ne sont plus limitées à la lutte contre l’incendie, mais relèvent plus largement du secours aux victimes. Leur devise est d’ailleurs, depuis 1941, « Sauver ou périr ».

 ??  ?? Progressiv­ement, la mission des sapeurs-pompiers n’est plus seulement de lutter contre les incendies, mais de secourir les victimes. « Un sauvetage à Paris », par Eugenio Alvarez-Dumont, huile sur toile, fin du XIXe siècle, musée Crozatier,...
Progressiv­ement, la mission des sapeurs-pompiers n’est plus seulement de lutter contre les incendies, mais de secourir les victimes. « Un sauvetage à Paris », par Eugenio Alvarez-Dumont, huile sur toile, fin du XIXe siècle, musée Crozatier,...
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Interventi­on des pompiers de Paris lors de l’incendie du Bon Marché, en 1917. Le président de la République, Félix Faure, assiste à une interventi­on des pompiers de Paris.

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