Secrets d'Histoire

L’amour à mort

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C’est une des figures les plus attachante­s de l’époque, et l’un des destins les plus tragiques de la Révolution. Épouse bien-aimée de Camille, Lucile Desmoulins le suivra sur l’échafaud à quelques jours d’intervalle.

Camille Desmoulins n’est encore qu’un jeune avocat lorsqu’il croise Mme Duplessis et ses filles dans les allées du jardin du Luxembourg. Il ne remarque alors que la mère, pas la jeune Lucile qui n’a alors que 13 ans, mais, à force de fréquenter la famille, s’attache finalement à la jeune fille. Il se décide à la demander en mariage en 1787. Mais sa fortune bien maigre n’en fait pas un bon parti, et sa propositio­n est rejetée par le père de Lucile.

Des amours contrariée­s

Le couple s’écrit des missives enflammées. Camille : « Vous m’aviez dit, ô Lucile, que je perdrais mon temps à vous aimer. Eh bien, je me résigne à mon malheur, je renonce à l’espoir de vous posséder, mes larmes coulent en abondance, mais vous ne m’empêcherez pas de vous aimer. » Et Lucile : « Ô toi qui es au fond de mon coeur, toi que je n’ose aimer, ou plutôt que je n’ose dire que j’aime, cher C…, tu me crois insensible... Ah, cruel ! […] Je n’ose me l’avouer à moi-même, ce que je sens pour toi ! Je ne m’occupe qu’à le déguiser. Tu souffres, dis-tu, je souffre davantage ! Ton image est sans cesse présente à ma pensée, elle ne me quitte jamais… Je te cherche des défauts, je les trouve, ces défauts, et les aime… »

Le mariage, enfin !

Le 12 juillet 1789, en apprenant le renvoi du ministre Necker, c’est Camille qui aurait appelé, selon la légende, à la prise de la Bastille. Il fréquente les députés de l’Assemblée et fonde en novembre 1789 son propre journal, « Les Révolution­s de France et de Brabant », qui se vend à plusieurs milliers d’exemplaire­s et lui assure des revenus confortabl­es. L’importance grandissan­te de Camille convainc enfin M. Duplessis de lui accorder la main de sa fille. Camille et Lucile se marient le 29 décembre 1790. Parmi leurs témoins, un certain Robespierr­e. Ils s’installent rue de l’Odéon (alors rue du Théâtre-Français) et ont un enfant, Horace, en 1792.

Camille s’isole

En 1791, Camille rejoint le club des Cordeliers. Il s’éloigne de Robespierr­e, se rapproche politiquem­ent de Danton et Marat. Le 10 août 1792, lorsque le peuple prend les Tuileries, Camille joue un rôle important, et Lucile raconte les événements dans son journal. Danton devient ministre et Camille, secrétaire général de la Chanceller­ie. Son bureau est place Vendôme ! Une belle revanche. Député, il vote la mort du roi, puis contribue à la chute des Girondins. Mais remet également en cause la Terreur dans son journal, « Le Vieux Cordelier ». L’étau se resserre…

Unis jusqu’à la mort

Le 31 mars 1794, Camille est arrêté. Ils s’écrivent des lettres déchirante­s. Lucile lui fait passer une mèche de cheveux. Camille est condamné et guillotiné le 5 avril avec Danton. Il remet au bourreau la mèche de Lucile pour qu’il la redonne à la mère de sa femme, et soupire encore, au moment où s’abat la lame : « Lucile ». Celle-ci, qui fréquentai­t les républicai­ns radicaux Sylvain Maréchal ou Stanislas Fréron, et qui était tout aussi engagée politiquem­ent que Camille, est arrêtée et guillotiné­e le 13 avril 1794. Quelques jours seulement après son Camille. « Avec l’exécution des épouses, souligne Éliane Viennot, historienn­e, le pouvoir lance un avertissem­ent aux hommes : si vous vous écartez du droit chemin, si vous trahissez la Révolution, si vous recevez des dissidents, y compris dans votre espace privé, non seulement vous mourrez, mais on tuera aussi vos femmes. »

 ??  ?? Portrait présumé de Lucile Desmoulins en 1794, anonyme. Les Desmoulins et leur fils, scène de famille touchante au coeur de la tourmente révolution­naire et de ses années de sang.
Portrait présumé de Lucile Desmoulins en 1794, anonyme. Les Desmoulins et leur fils, scène de famille touchante au coeur de la tourmente révolution­naire et de ses années de sang.

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