La Sagrada Família, chantier perpétuel
C’est le monument le plus visité d’Espagne. Pourtant, la Sagrada Família reste inachevée. Commencé en 1882, le chef-d’oeuvre de l’architecte Antoni Gaudí doit, en effet, attendre 2 026 pour célébrer la Sainte Famille, comme le souhaitait son commanditaire, Josep Maria Bocabella i Verdaguer. Par Nassera Zaïd
Un temple dédié à la Sainte Famille pour expier ses péchés. Tel est le rêve du riche éditeur Josep Bocabella i Verdaguer, dévot et fervent défenseur du renouveau de la foi catholique prôné par le pape Pie IX. Les idées libérales et les changements induits par la société industrielle de la fin du XIXe siècle ne plaisent guère au Vatican. Et, par conséquent, à Bocabella i Verdaguer qui fonde, en 1866, l’Association spirituelle des dévots de saint Joseph pour diffuser en Espagne les préceptes d’un catholicisme plus traditionnel. Il se rend même à Rome pour offrir au saint-père, au nom de son association, une image en argent de la Sainte Famille. C’est au retour de ce voyage symbolique, en 1872, que l’éditeur espagnol envisage la construction d’un temple où les croyants pourront se laver de leurs péchés. Il va devoir, pour cela, réunir des fonds et trouver les terrains sur lesquels construire bâtiment. Une quête à laquelle il consacre tout son temps à partir de 1876. Cinq ans plus tard, 12 800 m2 sont acquis. Les travaux sont lancés en 1882 sous la direction de l’architecte du diocèse, Francisco de Paula del Villar i Lozano. Mais la collaboration ne dure pas. Sa mésentente avec l’architecte du commanditaire et promoteur Bocabella le contraint à la démission. Diplômé de l’école d’architecture de Barcelone, Antoni Gaudí est choisi pour reprendre le chantier en 1884. Il a 31 ans. L’artiste sait qu’il ne terminera pas l’oeuvre de son vivant. La tâche est démesurée. « Il n’est possible à une seule génération de finir le temple, écrira-t-il. Laissons donc un échantillon vigoureux de notre trace, que les générations à venir soient encouragées à poursuivre, et nous, ne nous attachons pas au reste de l’oeuvre. » Des mots qui prennent tout leur sens lorsque Antoni Gaudí est renversé par un tramway. L’artiste part sans bruit, en laissant toutefois à ses successeurs comme un goût d’inachevé.