« Une femme sulfureuse et toxique »
Stéphane Bern revient sur le tournage de l’émission consacrée à la duchesse de Windsor et sur la personnalité mystérieuse de cette femme au destin incroyable, pour l’amour de qui le roi d’Angleterre et empereur des Indes abandonna sa couronne. Par Aurélie Domaine
Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire de Wallis Simpson ?
La duchesse de Windsor est fascinante à plus d’un titre… Elle m’est toujours apparue comme une femme sulfureuse et toxique. Ce n’est pas très positif, mais lorsque l’on traite un personnage, on n’est pas obligé d’être en empathie avec lui. Et puis, il y a cette histoire d’amour impossible. C’est un épisode important de l’Histoire contemporaine. Cette femme a quand même réussi à faire tourner la tête d’un homme au point qu’il renonce au trône pour elle. Ce n’est pas rien. Elle a changé le cours de l’Histoire et le destin d’Élisabeth II : sans cette affaire Windsor, l’actuelle reine ne serait peut-être pas montée sur le trône… Et toute la question est de savoir si cette relation a été un prétexte ou la seule raison de l’abdication d’Édouard VIII. Selon moi, cela a été un prétexte qu’Édouard, qui ne voulait pas régner, a donné au gouvernement, lui-même bien content de se débarrasser d’un roi un peu trop proche des nazis. C’est tout cela que raconte ce numéro de « Secrets d’Histoire » sur la duchesse de Windsor.
Vous avez pu tourner au château de la Cröe, celui de Candé ainsi qu’à l’hôtel particulier du duc et de la duchesse de Windsor, au bois de Boulogne : qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans ces lieux emblématiques ?
Je vais reprendre à mon compte la réponse du doge de Gênes à Louis XIV qui lui demandait ce qui l’impressionnait le plus à Versailles : « Mais Sire, c’est d’y être ! » Ce qui m’a le plus impressionné au château de la Croë, sur la Côte d’Azur, c’était d’y être. Cette demeure est interdite au public. C’était la première fois qu’une équipe de télévision y filmait. Nous y avons donc tourné en étant conscients de bénéficier d’un immense privilège. J’étais aussi très heureux de mettre en lumière le château de Candé, qui a joué un rôle historique en accueillant le mariage des Windsor. Il appartenait à ce moment-là à deux Américains proches du chancelier Hitler. Aujourd’hui, c’est la propriété du département d’Indre-et-Loire, et je pense qu’il mérite vraiment d’être montré (et visité !).
En plus d’historiens, de nombreuses personnes qui ont connu Wallis Simpson témoignent dans l’émission : sa secrétaire, lady Angelika Cawdor, son coiffeur, Hubert de Givenchy… Comment les avez-vous convaincus de parler d’elle ?
Elle est morte il y a trente ans, en 1986. Il y a donc prescription maintenant, ce qui leur permet de parler librement. Et ils ne sont d’ailleurs pas tendres avec elle ! Ce sont les derniers témoins de ce qu’était réellement la duchesse de Windsor. Même si elle n’était pas très aimée, elle reste une femme fascinante. On ne peut pas être indifférent à sa personnalité et à son parcours. Ils avaient envie de raconter ça.
Quelle facette de la duchesse de Windsor vous a le plus surpris ?
Je dirais le fait qu’en plus de tout, elle était méchante, ce que je ne savais pas. Elle avait un côté Cruella. Je pense qu’il y avait un rapport particulier entre Édouard et Wallis. Lui était très « petit garçon ». Il était d’une certaine façon immature, y compris sexuellement, tandis qu’elle était une maîtresse dans tous les sens du terme. Elle le dominait. Aujourd’hui, on pourrait dire qu’ils entretenaient un lien sadomasochiste. Il y a donc ce côté toxique et, d’un autre côté, quelle femme ! Quelle élégance ! Quelle classe ! La duchesse de Windsor était une véritable icône de la mode en France. On voit bien dans l’émission toute l’étendue de son influence sur les carnets de commandes des créateurs parisiens. Elle a inventé le style Windsor. À défaut d’avoir régné sur l’Angleterre, elle a été l’une des reines de Paris.
Était-elle « la plus vile des viles, une femme irrémédiablement immorale », comme la qualifiait la duchesse d’York ?
Oui, je crois qu’il y a quelque chose de cela. Henriette de Belgique, la duchesse de Vendôme, disait : « les Américaines sont les fleurs empoisonnées de la royauté », car elles étaient brillantes, aventureuses. Elles faisaient fantasmer les hommes, et particulièrement les princes. Mettez-vous à la place du prince Édouard, façonné par une éducation étriquée. Une mère autoritaire. Un père incapable d’exprimer ses sentiments. Il n’y a pas d’amour dans tout ça ! C’est normal qu’une femme aventurière comme Wallis le fasse fantasmer, rêver… Elle symbolise pour lui l’inconnu.