Lieu mythique
Depuis deux mille ans, le Vatican est de façon ininterrompue le centre majeur de la chrétienté. Aujourd’hui, c’est toujours vers lui que se tournent un milliard de catholiques. Occupant 44 hectares au coeur de Rome, richement dotée en bâtiments et en oeuv
Le Vatican Un lieu chargé d'histoire et de secrets
Sept collines, un fleuve, une louve : ce sont les éléments utilisés par les jumeaux Romulus et Remus pour fonder Rome, en 753 avant notre ère. Le Vatican, lui, patientera encore huit siècles avant d’entrer à son tour dans l’Histoire. D’ailleurs, la colline qu’il occupe ne fait pas partie des sept présentes aux origines mythiques. Dans l’Antiquité, alors que le Palatin ou le Quirinal sont célèbres à travers le monde civilisé, ses abords restent malsains, marécageux, seulement fréquentés par quelques devins étrusques qui y pratiquent leur art (ce qui expliquerait le nom de Vatican, dérivé de « vaticinium » : augure). Entre 64 et 67 de notre ère, sous le règne de
Néron, a lieu l’événement qui fonde le destin du Vatican : Pierre, le premier des apôtres, y est martyrisé, la tête en bas. Le Christ avait dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » et, de fait, son tombeau va devenir un point de ralliement.
Le quartier général de la chrétienté
L’habitude d’enterrer le pape (l’évêque de Rome), près de la sépulture du saint homme, est prise à partir d’Anaclet, à la fin du ier siècle. Mais le chemin est encore long pour que le Vatican devienne véritablement le quartier général de la chrétienté ! Un pas décisif est franchi lorsque l’empereur Constantin se convertit au christianisme (censément sur son lit de mort, en 337, mais plus vraisemblablement avant), en faisant de facto la religion d’État. Une impressionnante basilique s’élève alors audessus de la tombe de Pierre. Mais les papes continuent d’habiter loin de là, à Saint-Jean- de-Latran, qui jouit du privilège d’être la plus ancienne église d’Occident. Il faudra attendre encore un millénaire et Nicolas III pour que les papes prennent l’habitude d’y résider. Peu après, le schisme d’Avignon et le départ des papes pour la France semblent mettre en question l’existence même du Vatican. Tout rentre dans l’ordre avec un pontife à la poigne de fer : Jules II pose en 1506 la première pierre de la nouvelle basilique Saint-Pierre, qui reste aujourd’hui encore l’un des bâtiments les plus admirés au monde – son acte de naissance aligne les noms de Bramante, Michel-Ange, Le Pérugin, Raphaël…
Un État-confetti
Les invasions et les émeutes (comme le sac de Rome en 1527), les scandales (avec le népotisme des Borgia) ou encore l’unification de l’Italie avec la prise de Rome en 1870 n’y feront rien. Le Vatican surmonte tous les périls ! Les accords du Latran signés en 1929, entre le pape Pie XI et Mussolini officialisent son statut moderne. Que recouvre-t-il exactement ? Deux réalités dans les mêmes murs : le Saint-Siège et l’État
Jules II pose en 1506 la première pierre de la nouvelle basilique Saint-Pierre, qui reste aujourd’hui encore l’un des bâtiments les plus admirés au monde. Le pape Jules II ordonnant les travaux du Vatican et de Saint-Pierre à Bramante, Michel-Ange et Raphaël (1827), d’Horace Vernet.
du Vatican, dirigés par le même homme, le pape – l’actuel, François, est le 266e à occuper la charge. Certes, c’est un État-confetti : 44 hectares à peine, soit le plus petit État du monde. Il est néanmoins doté d’un drapeau, jaune et blanc avec la clé de saint Pierre, d’un hymne, la Marche pontificale de Gounod, et de deux langues officielles, l’italien et le… latin.
Plus de 800 habitants
En faire le tour n’est guère fatigant : ses frontières mesurent 3,4 km et, s’il épouse une colline, son dénivelé est abordable, avec un point le plus bas sur la place Saint-Pierre (à 19 m d’altitude) et un point culminant à 77 m. Le pape contrôle 28 sites en dehors du Vatican, dont les différentes basiliques romaines et le palais Castel Gandolfo, sa résidence d’été. Le pape n’est d’ailleurs bien sûr pas seul à vivre au Vatican : la population permanente dépasse 800 habitants (la moitié seulement possède la nationalité vaticane). Il faut bien que le gouvernement (appelé gouvernorat) fonctionne, ainsi que la justice, la police (130 gendarmes), le corps des pompiers ou l’armée (la fameuse Garde suisse et ses uniformes dessinés par MichelAnge). État atypique, le Vatican fait partie, en tant qu’observateur, de plusieurs organismes internationaux, dont l’ONU depuis 1964. Il a souscrit à nombre de conventions (dont celle sur la non-prolifération des armes nucléaires) et entretient des relations diplomatiques avec 180 États. Si le Vatican conserve un attachement évident aux traditions, il a su se moderniser à sa façon. Il accueille sur son territoire un bureau de poste, plusieurs distributeurs bancaires (avec des instructions en latin !), ainsi qu’une station-service. Les transports ne sont pas en reste : outre un héliport, construit en 1976 sur les bastions, il possède aussi son réseau ferré. Celui-ci est modeste (682 m) mais inclut une gare, inaugurée en 1934. Le trafic, paisible, est essentiellement réservé aux marchandises. Il faut dire que les papes ne sont
pas adeptes du train : il a fallu attendre 1959 pour qu’un premier pontife, Pie X, l’utilise. Ce n’était pas de son plein gré puisqu’il est mort en… 1914 ! Il s’agissait de sa dépouille mortelle que l’on convoyait chez lui, à Venise, pour l’exposer et respecter sa volonté : « Vif ou mort, je reviendrai ». D’autres papes sont montés en wagon : Jean XXIII, en 1962, ainsi que JeanPaul II, en 1986, lequel était bien heureux de disposer de ce moyen de transport car l’Italie était alors bloquée par d’abondantes chutes de neige… Au xxe siècle, les papes ont aussi doté leur État d’une radio (1931), d’une chaîne de télévision (1983) et d’un site internet (1995). La question épineuse des frontières Les « vaticanistes » (exégètes du Vatican) sont intarissables sur les curiosités locales. Ainsi, la question épineuse des frontières, a priori traitée dans l’article 3 des accords du Latran, n’est pas réglée. Il existe, près du Passetto (le passage reliant la place Saint-Pierre au château Saint-Ange), des mètres carrés que se disputent encore l’Italie et le Vatican. De même, certaines des 284 colonnes du Bernin sont en terres italiennes. Et que dire de la salle des Audiences, le chef-d’oeuvre de l’architecte Pier Luigi Nervi ? Son bâtiment a été édifié à cheval sur la frontière : quand le pape monte sur l’estrade, il est au Vatican, mais s’il s’assoit avec les spectateurs, il se trouve en Italie ! Des archives miraculeuses Cependant, ce qui excite le plus l’intérêt des néophytes, ce sont les archives secrètes, abritées dans une aile du palais apostolique. Elles occupent plus de 85 kilomètres de rayonnages et un bunker souterrain où sont protégés les documents les plus précieux. Avec l’agitation qu’a connue le Saint-Siège, c’est un miracle que puissent encore s’y trouver les aveux de Galilée ou le certificat de l’Éperon d’or
Le Vatican est un État-confetti : 44 hectares à peine, ce qui en fait le plus petit État du monde.
décerné à Mozart ! On y trouve toutes sortes d’écrits comme le Liber Diurnus, un parchemin du viiie siècle, la correspondance d’Érasme. Également des documents en langue mongole, comptant parmi les plus anciens, qui délivrent un message brutal du grand khan Güyük à Innocent IV, en 1246 :« Ceci est un ordre envoyé au grand pape (…). Toi en personne à la tête des rois, tous ensemble, sans exception, venez nous offrir vos services et vos hommages. »
Des archives multi-disciplinaires
Ces archives couvrent toutes sortes de disciplines. Les historiens de l’aviation peuvent y étudier un surprenant manuscrit : Machine aérienne pour voyager en barque dans les airs. L’auteur, Bartolomeu Lourenço de Gusmão (1685-1724), un prêtre brésilien, en fit une démonstration devant le roi Jean V du Portugal : peut-être le premier meeting aérien de tous les temps ! Les « américanistes », de leur côté, ont aussi de la matière. Comme avec ces remerciements gravés sur une écorce de bouleau, envoyés par les Indiens de l’Ontario à Léon XIII en 1887. D’autres pièces ont changé la marche de l’Histoire. Ainsi, la demande de divorce d’Henri VIII d’Angleterre, que Clément VII a refusée en 1530. Si le pape avait répondu favorablement, l’Église anglicane n’aurait peut-être pas vu le jour… Il y a encore ces conclusions, dévoilées en 2001 seulement, d’une enquête pontificale de 1308, contredisant celles du roi de France sur la culpabilité des Templiers… Ces archives secrètes méritent leur nom romanesque : qui sait combien de trésors s’y cachent encore ?
Les archives secrètes du Vatican méritent leur nom romanesque : qui sait combien de trésors s’y cachent encore ?