Au coeur d’une passion
Winston Churchill a incarné la résistance de la Grande-Bretagne à Hitler et il est passé à la postérité comme un grand homme d’État qui a été l’un des artisans de la victoire alliée. Aurait-il eu ce destin hors du commun s’il n’avait pas été épaulé par un
Sir Winston et Lady Clementine L'amour dure cinquante ans
De Winston Churchill, un personnage « Larger Than Life » comme disent les Anglais, on imagine des amours innombrables, difficilement casées dans les rares temps morts de sa fulgurante ascension politique. Cet ambitieux au teint clair et aux cheveux blonds publie son premier livre à 23 ans, participe à 24 ans à la célèbre et dernière charge de cavalerie des temps modernes à Omdurman au Soudan, est capturé par les Boers, s’évade de manière rocambolesque, avant d’être accueilli en héros à son retour. Et il n’a pas 25 ans quand il est élu député en 1900…
Avant Clementine, aucune romance
Comment dès lors ne pas imaginer qu’il ait également fait chavirer les coeurs ? Comment ne pas penser qu’il ait un tableau de chasse sentimental aussi garni que celui qu’il rapportait de ses safaris aventureux au Kenya ? Et pourtant ! On ne connaît du jeune Churchill, avant la rencontre avec Clementine, en 1908 – il a 34 ans – que quelques flirts sans conséquences : aucune romance, encore moins de scandale. Peutêtre a-t-il vu, dans le couple formé par ses parents, un exemple à ne pas suivre ? Son père Randolph, en qui le parti conservateur formait de grands espoirs – il avait été chancelier de l’Échiquier à 37 ans –, est mort dans la misère, paralysé par la syphilis, séquelle d’une vie dissolue, en 1895 : il allait avoir 45 ans.
Un jeune homme timoré
La mère de Winston Churchill, Jennie Jerome, américaine de naissance, possède du sang iroquois. Son titre de gloire ? Elle a été classée parmi les grandes « horizontales » du xixe siècle et on lui prête la bagatelle de 200 amants, parmi lesquels le prince de Galles et le fils de Bismarck. En comparaison, son fils serait plutôt du genre timoré. Il n’a connu que de rares et platoniques romances, comme avec la nièce
du baron Hindlip, Molly Hacket, ou la danseuse Mabel Love. Les biographes évoquent une demande en mariage faite à Ethel Barrymore, célèbre actrice américaine, qui la rejette. Autant le succès lui sourit en politique – il est sous-secrétaire d’État aux Colonies en 1905, à 29 ans –, autant l’amour se refuse à lui ! Mais tout change donc en mars 1908. Lors d’un dîner, il est placé à côté de Clementine Hozier, 23 ans. Il l’a croisée quatre ans plus tôt à l’occasion d’un bal ; il avait alors admiré sa beauté mais sans y prêter davantage attention. Au contraire, ce soir-là, la jeune femme le captive à tel point que, grossièrement, il n’adresse pas la parole à son autre voisine de table : lady Lugard, spécialiste de l’Afrique, est pourtant l’invitée d’honneur de la réception.
Le béguin de Churchill est immédiat
La rencontre a failli ne pas avoir lieu. En effet, Winston se rend à l’invitation uniquement sur l’insistance de son secrétaire, Eddie Marsh. Il arrive d’ailleurs en retard. Clementine Hozier, elle, a été conviée l’après-midi même par l’hôtesse, lady St Helier, sa grand-tante. Qui le fait pour une raison prosaïque : éviter de se retrouver treize à table ! Clementine, écossaise issue d’une famille désargentée, n’a pas de robe présentable ni même les indispensables gants blancs. Elle aurait volontiers décliné mais ne pouvait décemment attirer le mauvais sort sur son aïeule… Le béguin de Churchill est immédiat comme le prouve l’abondante correspondance qu’il entretient avec Clementine, après ce dîner. Le 12 avril, ils se revoient lors d’un week-end mondain et font une promenade romantique sous la pluie. Alors que son emploi du temps politique trop rempli menace de faire dérailler l’idylle, Churchill, en fin stratège, utilise à son avantage une occasion dramatique : le 6 août, un incendie se déclare au château de Burley-on-the-Hill, alors qu’il y loge pour la nuit. Le 7 août, la lettre angoissée de Clementine, qui a craint pour sa vie, trahit ses sentiments. Le 8 août, Churchill lui adresse sa demande officielle. Le 12 septembre, six mois après leur rencontre, le mariage est célébré en l’église St Margaret, à Westminster.