Secrets d'Histoire

Mythes et légendes Dans les pas du chat noir

- Par Françoise Surcouf

« Des yeux d’or dans un morceau de velours noir » : c’est ainsi que Barbey d’Aurevilly, auteur des Diabolique­s, décrit sa chatte Desdémone, dite Démonette. Churchill ne jure que par Nelson, un autre félin couleur de nuit qui se vautre sur les documents secrets jonchant le bureau du Vieux Lion. Mais, s’il a ses adeptes, le chat noir a aussi ses détracteur­s et traîne souvent derrière lui une sinistre réputation…

Vénéré à l’époque pharaoniqu­e pour sa sagesse et sa fécondité, le chat, et particuliè­rement le chat noir, est subitement ostracisé au Moyen Âge. Chose d’autant plus curieuse qu’il a rendu d’énormes services au cours de la Grande Peste. Mais, en 1233, le pape Grégoire IX, créateur de l’Inquisitio­n, édicte la première bulle de l’histoire contre les sorcières. Celle-ci considère le chat comme l’incarnatio­n du Diable et menace toute personne qui en possède un de passer sur le bûcher. Ses yeux ne reflètent-ils pas les flammes de l’Enfer ? On affirme que le Malin et ses complices revêtent son apparence pour aller au sabbat et que sous cette forme, les stryges vont étouffer les enfants dans leurs berceaux.

Au Moyen Âge, il représente le Malin

Pour conjurer le mauvais sort, les bâtisseurs prennent l’habitude d’emmurer vivant un chat noir dans les fondations des forteresse­s. Ainsi, dans le château de Combourg où Chateaubri­and, enfant, était terrorisé par les fantômes, on découvre, lors de sa restaurati­on en 1876, le cadavre desséché d’un chat, emmuré dans une poutre maîtresse de la tour dans laquelle l’écrivain avait sa chambre. Dans

le même ordre d’idées, on enferme aussi les malheureus­es bêtes dans les piles des ponts. En Angleterre, on le nomme Grimalkin et on le pend aux fourches patibulair­es et aux gibets tandis qu’en France on le brûle vif le soir de la Saint-Jean. Ces horreurs, dont les inquisiteu­rs retracent le menu dans leur manuel le Malleus Malificaru­m, ou Marteau des Sorcières, vont se perpétuer jusqu’au début de la Renaissanc­e. Enfin, dans le folklore breton, le fameux « chat d’argent », toujours de couleur noire, fait la fortune de son propriétai­re… mais à condition que celui-ci ait vendu son âme au Diable !

Autre superstiti­on, il porterait bonheur

Mais d’autres peuples ont de l’animal une vision très positive du chat noir. Au Pérou, par exemple, ils sont nourris, choyés et caressés. Ils apportent

Rejeté par les uns, adulé par les autres, le chat noir reste un animal controvers­é, encore victime de préjugés.

à leurs maîtres richesses et nourriture et peuvent même découvrir les trésors cachés. En Laponie, ils sont considérés comme les génies familiers de la famille. En Wallonie, on affirme que la possession d’un chaton de cette couleur est un bon présage et que l’on s’attire les disgrâces si on a le malheur de donner celui qui est né dans la maison. En France, du côté de la Gironde ou dans le Midi, le chat noir apporte la chance à sa famille d’accueil. En Béarn, il préserve du mauvais oeil. Quant au Chat Botté de Charles Perrault, il est un des exemples les plus flagrants de cette catégorie un peu spéciale de félidés. Facétieux, ce chat doué de parole fait la fortune de son maître grâce à des ruses. Enfin, voir un chat noir le jour de son mariage porterait bonheur aux époux !

Ces célébrités qui aiment les chats

Rejeté ou adulé, le chat noir reste un animal controvers­é, encore souvent victime de préjugés. Pourtant, nombreux sont leurs inconditio­nnels, arguant que le petit félin sombre serait le plus doux et le plus affectueux des représenta­nts de toute son espèce. Parmi ces amateurs, Churchill, Barbey d’Aurevilly, Hemingway, Brassens ou Richelieu, dont le matou préféré s’appelait… Lucifer !

 ??  ??
 ??  ?? Illustrati­on du conte Le chat botté, tirée de l’ouvrage Contes de fées pour les enfants, vers 1880.
Illustrati­on du conte Le chat botté, tirée de l’ouvrage Contes de fées pour les enfants, vers 1880.
 ??  ?? Une soirée au cabaret du Chat-Noir, à Montmartre, Paris, vers 1920.
Une soirée au cabaret du Chat-Noir, à Montmartre, Paris, vers 1920.
 ??  ?? Ernest Hemingway adorait les chats, il en hébergeait plus d’une centaine dans sa maison de Key West !
Ernest Hemingway adorait les chats, il en hébergeait plus d’une centaine dans sa maison de Key West !

Newspapers in French

Newspapers from France