Mythes et légendes Dans les pas du chat noir
« Des yeux d’or dans un morceau de velours noir » : c’est ainsi que Barbey d’Aurevilly, auteur des Diaboliques, décrit sa chatte Desdémone, dite Démonette. Churchill ne jure que par Nelson, un autre félin couleur de nuit qui se vautre sur les documents secrets jonchant le bureau du Vieux Lion. Mais, s’il a ses adeptes, le chat noir a aussi ses détracteurs et traîne souvent derrière lui une sinistre réputation…
Vénéré à l’époque pharaonique pour sa sagesse et sa fécondité, le chat, et particulièrement le chat noir, est subitement ostracisé au Moyen Âge. Chose d’autant plus curieuse qu’il a rendu d’énormes services au cours de la Grande Peste. Mais, en 1233, le pape Grégoire IX, créateur de l’Inquisition, édicte la première bulle de l’histoire contre les sorcières. Celle-ci considère le chat comme l’incarnation du Diable et menace toute personne qui en possède un de passer sur le bûcher. Ses yeux ne reflètent-ils pas les flammes de l’Enfer ? On affirme que le Malin et ses complices revêtent son apparence pour aller au sabbat et que sous cette forme, les stryges vont étouffer les enfants dans leurs berceaux.
Au Moyen Âge, il représente le Malin
Pour conjurer le mauvais sort, les bâtisseurs prennent l’habitude d’emmurer vivant un chat noir dans les fondations des forteresses. Ainsi, dans le château de Combourg où Chateaubriand, enfant, était terrorisé par les fantômes, on découvre, lors de sa restauration en 1876, le cadavre desséché d’un chat, emmuré dans une poutre maîtresse de la tour dans laquelle l’écrivain avait sa chambre. Dans
le même ordre d’idées, on enferme aussi les malheureuses bêtes dans les piles des ponts. En Angleterre, on le nomme Grimalkin et on le pend aux fourches patibulaires et aux gibets tandis qu’en France on le brûle vif le soir de la Saint-Jean. Ces horreurs, dont les inquisiteurs retracent le menu dans leur manuel le Malleus Malificarum, ou Marteau des Sorcières, vont se perpétuer jusqu’au début de la Renaissance. Enfin, dans le folklore breton, le fameux « chat d’argent », toujours de couleur noire, fait la fortune de son propriétaire… mais à condition que celui-ci ait vendu son âme au Diable !
Autre superstition, il porterait bonheur
Mais d’autres peuples ont de l’animal une vision très positive du chat noir. Au Pérou, par exemple, ils sont nourris, choyés et caressés. Ils apportent
Rejeté par les uns, adulé par les autres, le chat noir reste un animal controversé, encore victime de préjugés.
à leurs maîtres richesses et nourriture et peuvent même découvrir les trésors cachés. En Laponie, ils sont considérés comme les génies familiers de la famille. En Wallonie, on affirme que la possession d’un chaton de cette couleur est un bon présage et que l’on s’attire les disgrâces si on a le malheur de donner celui qui est né dans la maison. En France, du côté de la Gironde ou dans le Midi, le chat noir apporte la chance à sa famille d’accueil. En Béarn, il préserve du mauvais oeil. Quant au Chat Botté de Charles Perrault, il est un des exemples les plus flagrants de cette catégorie un peu spéciale de félidés. Facétieux, ce chat doué de parole fait la fortune de son maître grâce à des ruses. Enfin, voir un chat noir le jour de son mariage porterait bonheur aux époux !
Ces célébrités qui aiment les chats
Rejeté ou adulé, le chat noir reste un animal controversé, encore souvent victime de préjugés. Pourtant, nombreux sont leurs inconditionnels, arguant que le petit félin sombre serait le plus doux et le plus affectueux des représentants de toute son espèce. Parmi ces amateurs, Churchill, Barbey d’Aurevilly, Hemingway, Brassens ou Richelieu, dont le matou préféré s’appelait… Lucifer !