Secrets d'Histoire

Louis XIV et Mazarin, l’élève et son mentor

Plus qu’un ministre, même « Premier », Mazarin est un guide, un professeur, un cicérone pour le jeune Louis XIV. Par son attention bienveilla­nte, il contribue, autant qu’Anne d’Autriche, à faire de son filleul le plus grand roi du monde.

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Dans les Mémoires, qu’il rédige dès 1664 à l’attention du Dauphin, Louis XIV ne consacre que quelques lignes à Mazarin, mais elles sont éloquentes : « Un ministre rétabli malgré tant de factions, très habile, très adroit, qui m’aimait, et que j’aimais, qui m’avait rendu de grands services, mais dont les pensées et les manières étaient (…) très différente­s des miennes, que je ne pouvais toutefois contredire ni discrédite­r sans exciter peut-être de nouveau contre lui, les mêmes orages qu’on avait eu tant de peine à calmer… » Ainsi, Louis XIV étouffait sous le joug de son mentor ! Il piaffait à l’idée de pouvoir régner seul. Et, en effet, lorsque Giulio Mazarin disparaît en mars 1661, le roi est prêt au pouvoir. Son ministre l’y a préparé. Il prétend gouverner par lui-même et va surprendre tout son monde en déclarant qu’il n’aura plus de Premier ministre. Cette décision, il l’a prise depuis longtemps. Il a 23 ans et du caractère. Il sait déjà qu’il veut illuminer son siècle, tel le soleil auquel il s’identifie.

Aux prémices, une relation quasi filiale

Le roi a eu une enfance heureuse. De son père Louis XIII, mort lorsqu’il avait 4 ans, il conserve peu de souvenirs. Pour sa mère et régente, Anne d’Autriche, il est une sorte de dieu qu’elle couve. Mais il est aussi roi et elle est préoccupée par son éducation. Elle songe naturellem­ent au parrain de l’enfant, Mazarin, avec qui elle s’entend si parfaiteme­nt… En mars 1646, la régente nomme le cardinal « surintenda­nt de l’Éducation de Sa Majesté ». Louis a 8 ans. Le ministre a de l’affection pour lui. Entre eux, s’est instaurée une relation quasi filiale.

En mars 1646, la régente nomme Mazarin « surintenda­nt de l’Éducation de Sa Majesté ». Louis XIV a 8 ans.

Un maître sur le plan politique

Mazarin est issu d’une famille de roturiers romains. Son père jouit de la protection de la grande famille des Colonna, ce qui lui permet d’étudier et d’embrasser une carrière ecclésiast­ique où il s’acquitte, pour le Vatican, de missions diplomatiq­ues avec la France. À cette occasion, il rencontre Richelieu, qui le fait entrer à son service. Son action auprès du pape a aiguisé son analyse des affaires internatio­nales et lui a permis de maîtriser l’art de gouverner. Cette science, il va l’enseigner au jeune Louis XIV. Avec le soutien d’Anne d’Autriche, il s’efforce de le modeler pour le doter des qualités attendues chez un grand monarque. Mais son élève n’est pas attentif et, à la connaissan­ce, celui-ci préférera toujours l’action.

Un modèle sur le plan personnel

Preuve qu’il prend à coeur son rôle d’éducateur, Mazarin montre à Louis XIV les lettres de Catherine de Médicis expliquant à ses fils Charles IX et Henri III leurs devoirs. S’il tient de sa mère le sens de l’étiquette inhérent à l’Espagne, le roi tire du cardinal les traits les plus marquants de sa personnali­té. Bel homme, toujours mis avec élégance, Mazarin est un être raffiné, affable, ne perdant jamais son sang-froid. À l’instar de son mentor, Louis XIV est constammen­t d’une grande amabilité, d’une politesse parfaite. De son pater-ministre, il acquiert un goût affirmé pour les arts, la musique et la danse. Enfin, il en retient le sens du secret, affichant en public un visage impénétrab­le. Sur le plan politique, Mazarin apprend à Louis XIV la primauté de la raison d’État, élaborée par Richelieu, et lui transmet une défiance pour les extrémisme­s religieux, susceptibl­es de plonger le pays dans le chaos. Ainsi lui apprend-il à se méfier des janséniste­s.

Complices jusqu’à la fin

Enfant, Louis XIV a été marqué par l’épreuve de la Fronde. Il a 11 ans lorsque la rébellion l’oblige à quitter nuitamment le Palais-Royal pour se réfugier à Saint-Germain-en-Laye. Mazarin, qui a organisé la fuite, l’a mis dans le secret. En réalité, il l’associe très tôt aux affaires de l’État. Dès 1653, il l’emmène lors des campagnes militaires de Flandres. Leur complicité est telle qu’il va manigancer avec son élève un coup politique. À 17 ans, Louis XIV fait une entrée spectacula­ire au Parlement, un jour de délibérati­on : habillé comme pour la chasse, il est armé d’un fouet ! Trois ans plus tard, en 1658, un conflit violent les oppose. Louis XIV s’est entiché de la nièce du cardinal, Marie Mancini. Il veut l’épouser ! Pour la reine-mère comme pour Mazarin, il ne peut en être question, d’autant que le pays est en pleine tractation de paix avec l’Espagne. Le traité des Pyrénées, signé le 7 novembre 1659, prévoit un mariage avec sa cousine, l’infante Marie-Thérèse. Louis consent à faire ses adieux à Marie. Plus tard, il remerciera Mazarin de l’avoir rendu à la raison. Il ne s’opposera plus jamais à son parrain. À la mort de celui-ci, en 1661, il fait dire des prières dans les églises de France, un privilège réservé à la famille royale.

 ??  ?? Louis XIV, protecteur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, figuré par Henri Testelin en 1668. Créée vingt ans plus tôt, l’académie signe la mainmise des arts au service de la royauté.
Louis XIV, protecteur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, figuré par Henri Testelin en 1668. Créée vingt ans plus tôt, l’académie signe la mainmise des arts au service de la royauté.
 ??  ?? Mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche, le 9 juin 1660 à Saint-Jeande-Luz, de Jacques Laumosnier (1669-1744).
Mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche, le 9 juin 1660 à Saint-Jeande-Luz, de Jacques Laumosnier (1669-1744).
 ??  ?? L’hôtel de Beauvais, à Paris. C’est de son balcon que la reine-mère et Mazarin assistent, le 26 août 1660, à l’entrée dans la capitale du jeune couple royal, Louis XIV et MarieThérè­se.
L’hôtel de Beauvais, à Paris. C’est de son balcon que la reine-mère et Mazarin assistent, le 26 août 1660, à l’entrée dans la capitale du jeune couple royal, Louis XIV et MarieThérè­se.
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Le cardinal Mazarin (vers 1650), portrait de Philippe de Champaigne.

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