Secrets d'Histoire

Henri II et Diane de Poitiers, un roi chevalier soumis à sa dame

De vingt ans son aînée, Diane de Poitiers fascine Henri II. Le roi l’aime tant qu’il en fait, non seulement sa maîtresse et favorite, mais également une conseillèr­e écoutée qui pèse sans conteste pendant dix ans sur ses choix politiques.

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En 1537, Henri est âgé de 18 ans. Il n’est encore que duc de Bretagne et, depuis peu, dauphin de France, puisque son frère aîné François vient de décéder. Diane de Poitiers a 38 ans. Veuve de Louis de Brézé, sénéchal de Normandie, elle est revenue vivre à la cour de France. François Ier l’a chargée de prendre sous son aile l’épouse du Dauphin, qui est par ailleurs une cousine. Catherine de Médicis arrive, en effet, d’Italie et elle ignore tout des moeurs françaises… C’est avec un réel plaisir qu’Henri retrouve Diane : elle a été sa gouvernant­e quand il avait 11 ans. Le futur souverain lui voue depuis une adoration sans limite. Profondéme­nt marqué par les années où il a été retenu en otage par Charles Quint à la suite de la défaite de son père à Pavie, il a développé un caractère ombrageux, taciturne. Elle seule est jamais parvenue à le dérider. Devenu un tout jeune homme, Henri est follement épris de Diane. Depuis ce qui semble bien être une première nuit d’amour, ce sentiment ne cesse de grandir. Rien n’est trop beau pour l’ancienne gouvernant­e Née comtesse de Saint-Vallier, Diane de Poitiers est la fille d’un seigneur du Dauphiné, affilié à la famille royale. C’est pourquoi elle qui a perdu sa mère très jeune est élevée par Anne de Beaujeu, fille de Louis XI et régente de France pendant la jeunesse de Charles VIII. Femme austère, intelligen­te et cultivée, elle a, entre autres choses, initié Diane aux jeux de pouvoirs de la Cour et à la politique. Par la suite, cette dernière n’aura donc aucune peine à fréquenter l’entourage de François Ier. Le monarque est ébloui par ses dons de cavalière de Diane mais bien plus encore par sa beauté. Il va lui accorder sa protection et ce, en dépit de la jalousie de sa favorite, Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes. À la mort de François Ier, en 1547, la faveur dont jouit Diane auprès du Dauphin éclate au grand jour. Celui qui est monté sur le trône sous le nom d’Henri II la couvre de présents. Anne de Pisseleu devient indésirabl­e : elle est exilée et tous les présents offerts par François Ier lui sont confisqués, pour mieux les donner à Diane ! Les bijoux de la Couronne, un hôtel parisien, de l’argent, le duché d’Étampes, le château de Chenonceau et

François Ier est ébloui par les dons de cavalière de Diane mais bien plus encore par sa beauté. Il va lui accorder sa protection jusqu’à sa mort.

ses terres… Rien n’est trop beau pour l’ancienne gouvernant­e devenue maîtresse. Henri II la fait aussi duchesse de Valentinoi­s, un titre qui l’autorise à s’asseoir en présence de la reine. Catherine de Médicis va devoir composer avec son ancienne dame de compagnie ! Le clan d’Anne de Pisseleu est évincé ; les protégés de la nouvelle favorite prennent place aux postes-clés : garde des Sceaux, trésorier de l’Épargne… Diane favorise l’ascension des Guise, de François Ier de Lorraine (futur duc d’Aumale) et de son frère Charles (futur cardinal de Lorraine). C’est le moyen qu’elle a trouvé pour contrebala­ncer l’influence du favori d’Henri II, le connétable Anne de Montmorenc­y. Enfin, elle convainc le roi de montrer de la fermeté face aux réformiste­s. À de nombreux édits réduisant les droits des protestant­s s’ajoute la mise en place, en 1547, d’une terrible « chambre ardente », un tribunal chargé de statuer sur les affaires spécifique­s des protestant­s. Chaque jour, des condamnati­ons au bûcher tombent, tandis que tous les biens des victimes sont confisqués. Car, si Diane a un goût prononcé pour le pouvoir, elle vénère tout autant l’argent.

La maîtresse et la reine

Dernier domaine sur lequel Diane de Poitiers exerce sa toute-puissance: la charge de la reine Catherine de Médicis, que François Ier lui avait confiée et qu’Henri II a confirmée. Le roi n’aime pas son épouse. Il faut tout le pouvoir de persuasion de sa maîtresse pour qu’il rejoigne, l’heure venue, le lit conjugal – grâce à quoi,

Chassée sur-le-champ à la mort d’Henri II, Diane trouve refuge dans son château d’Anet, riche de doux souvenirs avec son amant.

il parvient tout de même à faire dix enfants ! Pour tout ce qui concerne les « affaires » féminines de la reine, grossesses, accoucheme­nts, éducation des enfants, il s’en remet totalement à Diane. Et le mariage des enfants royaux ne fait pas exception : la favorite les arrange aussi. C’est elle qui a convaincu Henri II d’unir son fils, le Dauphin François, à Marie Stuart. Elle, aussi, qui a tout arrangé pour faire venir l’Écossaise en France, en 1541.

La mort d’Henri II signe la déchéance de Diane

Intelligen­te et ne voulant pas déplaire au roi, Catherine de Médicis accepte ce rôle de subalterne qui lui est imposé. Mais sa vengeance, lorsque l’occasion lui en sera donnée, ne pourra être que terrible… Elle va se présenter lors d’un tournoi organisé, en 1559, pour le double mariage de ses enfants : Élisabeth de France avec Philippe II d’Espagne et Marguerite de France avec Emmanuel-Philibert de Savoie. La lance de l’adversaire d’Henri II, Gabriel de Montgomery, capitaine de la garde écossaise, se brise dans l’oeil royal. Malgré les soins prodigués par le médecin Ambroise Paré, le roi meurt dix jours plus tard, dans d’atroces souffrance­s. Le chagrin ne détourne pas la

Diane de Poitiers devient duchesse de Valentinoi­s, un titre qui l’autorise à s’asseoir en présence de la reine.

reine de sa vengeance. Chassée sur-le-champ, Diane se réfugie dans son château d’Anet, riche de doux souvenirs avec son amant. Tous les bijoux qu’il lui avait donnés en gage d’amour lui sont repris. Mais elle ressent plus douloureus­ement la confiscati­on du château de Chenonceau, qui est échangé contre celui de Chaumont. Le « règne » de l’ancienne gouvernant­e aura duré plus de dix années.

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 ??  ?? Diane de Poitiers et Henri II de France (1838), peinture d’Édouard Cibot. Nue, sous les traits de Diane chasseress­e. C’est le plus souvent ainsi que les artistes rendent hommage à la beauté de la favorite.
Diane de Poitiers et Henri II de France (1838), peinture d’Édouard Cibot. Nue, sous les traits de Diane chasseress­e. C’est le plus souvent ainsi que les artistes rendent hommage à la beauté de la favorite.
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 ??  ?? Photos cidessus et ci-dessous : La façade et la salle à manger du château d’Anet (Eureet-Loir), bâti en 1550.
Photos cidessus et ci-dessous : La façade et la salle à manger du château d’Anet (Eureet-Loir), bâti en 1550.
 ??  ?? Diane de Poitiers implore la grâce de son père à François Ier (1828), toile de T.B. Bitter.
Diane de Poitiers implore la grâce de son père à François Ier (1828), toile de T.B. Bitter.
 ??  ?? Henri III et le duc de Guise (1855), toile de Pierre-Charles Comte.
Henri III et le duc de Guise (1855), toile de Pierre-Charles Comte.

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