Secrets d'Histoire

Charles VII et Agnès Sorel, sous l’empire des sens

Il avait la réputation d’aimer les femmes d’un coeur volage. Celle qui le rejoint dans sa maturité le comble comme nulle autre avant elle. Avec Agnès Sorel, Charles VII connaît l’amour absolu et, sous son emprise, devient enfin vraiment roi.

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Charles s’exile à Bourges, dans son duché du Berry. Il se proclame régent et y installe sa Cour.

Charles VII a eu une jeunesse difficile. Cela explique, et peut-être excuse, son caractère changeant et indécis. Avant-dernier enfant de Charles VI, il n’était absolument pas destiné à régner. C’est la disparitio­n du quatrième de ses frères aînés, en 1417, qui fait de lui le Dauphin de France. Il a 14 ans.

Un roi sans couronne

Son père, atteint de démence, est incapable de gouverner. Charles doit alors lutter contre les ambitions de sa mère, Isabeau de Bavière, et de l’allié de celle-ci, Jean sans Peur, duc de Bourgogne, qui veulent s’approprier le pouvoir. Pour échapper à un enlèvement, il s’exile à Bourges, dans son duché du Berry. Il se proclame régent et y installe sa Cour. C’est de là que lui vient son surnom, le « roi de Bourges ». Charles ne règne plus que sur une moitié de France et il doit s’allier aux Armagnacs en lutte contre les Bourguigno­ns pour reconquéri­r son

trône. Encore jeune, il vit sous l’influence de conseiller­s querelleur­s et qui soutiennen­t mal sa cause, tels Georges de la Trémoille ou le connétable Arthur de Richemont. Tandis qu’il vivote, reconquéra­nt ici et là quelques fiefs, sa mère noue une alliance avec les Anglais : lorsque Charles VI décède, Henri VI d’Angleterre est proclamé roi de France. Mais, alors que son avenir paraît incertain, deux femmes vont sceller le destin de Charles VII. La première s’appelle Jeanne d’Arc. Elle vient le rejoindre à Chinon, où il a trouvé refuge. Elle a 17 ans à peine : nous sommes en février 1429. En moins de six mois, elle réussit à le faire couronner à Chartres. Le 30 mai 1431, elle meurt sur le bûcher allumé par ses geôliers bourguigno­ns.

La première favorite de l’Histoire

Il faudra attendre douze années pour que Charles VII croise le chemin de la seconde femme de sa vie. Miraculeus­e rencontre, qui a un très charmant visage, celui d’Agnès Sorel. La belle est dame d’honneur à la cour du roi René et de la reine Isabelle de Lorraine. Les souverains la présentent à Charles, un jour qu’ils lui rendent visite. Lequel en tombe aussitôt éperdument amoureux. Il a 40 ans, elle n‘en a que 21, et ils vont former un des couples légendaire­s du Moyen Âge. Issue de la petite aristocrat­ie picarde, Agnès a reçu une éducation soignée, destinée à lui permettre de tenir un rang à la Cour. Elle est la première favorite officielle de l’Histoire de France. Défiant les convenance­s, Charles l’impose à ses côtés, au grand dam de son épouse, Marie d’Anjou. Il donne à Agnès, en réalité, un statut de quasi-reine. Cinq années durant, elle règne sans partage sur son coeur, obtenant tout de lui, argent, toilettes, terres… Ainsi que le magnifique manoir de Beauté-sur-Marne, à deux lieues du château de Vincennes : elle est la « dame de Beauté » à double titre !

La sensualité faite femme

Si l’on en juge par les témoignage­s de l’époque, Agnès Sorel est, en effet, une Vénus. Blonde comme les blés, les yeux bleu pâle, les lèvres charnues, le front haut qu’elle épile pour le faire paraître plus grand encore, la taille fine, des formes magnifique­s… La favorite n’est pas seulement belle : elle est dotée également d’une grande sensualité qu’elle affiche sans gêne, bravant les interdits religieux. Charles ne peut qu’être fou de cette femme hors du commun qui lance des modes folles. Des robes ajustées, taillées dans des étoffes somptueuse­s avec des traînes de plusieurs mètres, des manches doublées d’hermine qui peuvent toucher le sol, des décolletés à lacets qu’elle prend un malin plaisir à dénouer pour laisser voir ses seins superbes… Elle porte des bijoux,

privilège jusque-là masculin. Surtout, elle se maquille, ce qu’interdit formelleme­nt l’Église.

Agnès dans les pas de Jeanne d’Arc

Charles VII qui ne refuse décidément rien à sa belle ouvre la porte de son Conseil à Agnès Sorel. Clairvoyan­te, elle juge son amant assez mal entouré. Elle favorise la formation, autour de lui, d’un groupe de conseiller­s avisés et talentueux. Ainsi, elle protège Jacques Coeur, le Grand Argentier, et fait venir Pierre de Brézé à la Cour : ce puissant sénéchal écarte du chemin du roi son favori le moins fiable, Georges de la Trémoille. Soldat émérite, il aide à chasser les Anglais du royaume. Les dix années qu’il passe auprès du monarque sont sûrement

Agnès Sorel a pour ambition de continuer l’oeuvre de Jeanne d’Arc. Pour cela, elle prend des risques personnels.

les plus grandes de son règne. Agnès a pour ambition de continuer l’oeuvre de Jeanne d’Arc. Pour cela, elle prend quelques risques personnels. Un jour qu’elle exhorte Charles VII à poursuivre le combat contre les Anglais, elle lui lance vivement : « Sire, mon astrologue m’a prédit que je vivrais auprès d’un grand roi. Peutêtre me suis-je trompée de roi ? C’est auprès de celui d’Angleterre que je devrais être. » Piqué au vif, le monarque prend la tête de son armée et finit bel et bien par bouter définitive­ment hors de France les Anglais (après la bataille de Castillon, en 1453). Il met fin ainsi à la guerre de Cent Ans. Ce que femme veut…

 ??  ?? Charles VII écrivant ses adieux à Agnès Sorel (1804), de Fleury François Richard.
Charles VII écrivant ses adieux à Agnès Sorel (1804), de Fleury François Richard.
 ??  ?? Vitrail du château de Loches (Indre-et-Loire), domaine offert par Charles à Agnès. Elle y réside quand elle veut fuir la Cour où le Dauphin, futur Louis XI, la poursuit de sa haine.
Vitrail du château de Loches (Indre-et-Loire), domaine offert par Charles à Agnès. Elle y réside quand elle veut fuir la Cour où le Dauphin, futur Louis XI, la poursuit de sa haine.
 ??  ?? Jeanne d’Arc à Reims lors du sacre du roi Charles VII. L’oeuvre fait partie de la fresque peinte pour le Panthéon par Jules Lenepveu (1819-1898), relatant la vie de la Pucelle.
Jeanne d’Arc à Reims lors du sacre du roi Charles VII. L’oeuvre fait partie de la fresque peinte pour le Panthéon par Jules Lenepveu (1819-1898), relatant la vie de la Pucelle.
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Le plafond de la chapelle du palais Jacques-Coeur et son sublime décor d’anges sur fond de ciel étoilé.
 ??  ?? Jeanne d’Arc devant Charles VII à Chinon, février 1429, de Gillot Saint-Èvre (1837).
Jeanne d’Arc devant Charles VII à Chinon, février 1429, de Gillot Saint-Èvre (1837).

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