Philippe Contamine : « L’amour que Charles VII vouait à Agnès Sorel l’a porté dans sa reconquête du royaume »
L’historien Philippe Contamine est l’auteur de Charles VII – Une vie, une politique (éditions Perrin).
Quel caractère avait Charles VII ? On le dit indécis, changeant. Était-il un roi faible ?
Faible de caractère ou bien jeté dès le départ, malgré lui, dans une situation de tragiques faiblesses politique et militaire ? Il faut à Charles VII reconquérir la partie du royaume, au nord de la Loire, qui lui a échappé : cela prend des années, tant l’adversaire est coriace et la situation politique incertaine. Il n’y parvient qu’en 1453, avec le retour de la Guyenne dans son obéissance. Pendant tout ce temps, il fait preuve de persévérance et d’une relative habileté.
Comment expliquer sa décision d’afficher ouvertement sa relation avec Agnès Sorel ?
Tout porte à croire que la « Belle Agnès », comme on l’appelait, est le grand amour de Charles VII. Peut-être a-t-elle été l’« ornement » de la Cour à une époque où celle-ci retrouve un certain lustre… Mais, surtout, elle est traitée par Charles VII en véritable princesse, ce qui déplaît à beaucoup. Le statut ostentatoire et coûteux, que le roi lui reconnaît, est mal vu par une partie de l’opinion. Agnès Sorel vit dans un luxe certain (tapisseries, joyaux, fourrures…), sans être une protectrice avérée des arts et encore moins des lettres. On blâme surtout Charles VII de donner, avec cette favorite, le mauvais exemple à ses sujets.
Agnès Sorel a-t-elle influencé Charles VII ? En quelle occasion ?
La favorite exerce une certaine influence sur le roi qui l’aime véritablement. En 1449, Charles VII décide de reconquérir son duché de Normandie et il semble que ce soit Agnès Sorel qui l’y a poussé. Et de fait, quoiqu’enceinte de plusieurs mois, elle le suit dans cette expédition qui devait lui être fatale *. Pour une fois, l’amour, la « folle amour », avait incité Charles VII à l’action. * La favorite est morte en 1450, après avoir donné au roi un enfant qui n’a pas survécu. La présence de mercure dans ses restes a fait penser à un empoisonnement volontaire. Autre hypothèse : il pourrait s’agir d’un remède, le mercure étant utilisé dans le traitement de certaines affections.