Marie de Médicis et les Concini, la régence volée
Orgueilleuse et frivole, Marie de Médicis était une proie facile. L’aventurier italien Concini et son épouse la Galigaï n’ont pas grand mérite d’avoir gagné sa confiance et de s’être octroyé tout le pouvoir.
La foule a envahi la place de Grève à Paris, ce 8 juillet 1617. Elle est venue assister à l’exécution de Léonora Dori, dite la Galigaï, condamnée pour actes de sorcellerie, à l’issue d’un procès truqué, voulu par Louis XIII. L’objectif n’est autre que confisquer ses biens à la soeur de lait de sa mère, Catherine de Médicis. Ainsi, le roi achève-t-il de prendre sa revanche après des années d’humiliation.
Deux Italiens à la cour de France
Deux mois et demi auparavant, le 24 avril, Louis XIII, 15 ans, a fait tuer l’époux de la Galigaï : Concino Concini, avec la complicité de son confident, Charles d’Albert, duc de Luynes. Concini, par ailleurs, était le favori de sa mère. Le roi a réussi sa prise de pouvoir. La régence de Marie de Médicis a duré sept années : c’est elle qui a favorisé l’ascension du couple qui l’a accompagnée à la cour de France quand elle a épousé Henri IV. Léonora Dori est fille de modestes menuisiers. Elle a grandi à Florence, au palais Pitti, en qualité de soeur de lait puis de dame de compagnie de Marie. Maigre, d’une laideur effrayante, atteinte de troubles psychotiques, elle exerce un ascendant considérable sur la future reine. Cette dernière a 5 ans quand elle perd sa mère, Jeanne d’Autriche. L’enfant a grandi oubliée par son père, le grand-duc de Toscane, François Ier de Médicis, trop épris de sa nouvelle épouse, Bianca Cappello. Léonora est sa seule compagne. Intelligente et manipulatrice, elle a développé pour les sciences occultes un goût qui terrorise un peu Marie, accentuant son emprise. En chemin pour la France, à Marseille, Léonora a fait la connaissance d’un bel Italien, issu de bonne noblesse mais désargenté, Concino Concini, comte de Penna. Flairant une belle opportunité, Concini lui a fait la cour et, arrivé en France, a
manoeuvré pour l’épouser. Habile, il obtient la mainmise totale sur sa femme et, par ricochet, dispose d’une influence réelle sur la reine. L’assassinat d’Henri IV par Ravaillac, le 14 mai 1610, laisse les Concini maîtres de la place.
Une reine paresseuse et dominée
Le Dauphin, futur Louis XIII, n’a pas 9 ans lors du décès brutal de son père. Devenue régente, sa mère commence par généreusement distribuer l’argent du Trésor royal. Les premiers à bénéficier de ses largesses sont les Concini. Meubles, bijoux, or, argent… rien n’est trop beau pour eux. Ils sont bientôt assis sur une immense fortune ! Fait Premier Gentilhomme de la chambre puis lieutenant général de quelques villes et enfin gouverneur d’Amiens, Concini achète le marquisat d’Ancre. En 1613, Marie de Médicis le fait maréchal de France. Il parvient à faire intégrer au gouvernement ses propres hommes, parmi lesquels un certain… Richelieu. En 1616, devenu membre du Conseil, le favori est le personnage le plus important du royaume. Une sorte de Premier ministre omnipotent. Prétentieux et arrogant, il se rend vite impopulaire. D’autant qu’il augmente lourdement les impôts. Acculé à la misère par les taxes, le peuple gronde. Le Parlement, lui, regimbe. À Paris, l’atmosphère est électrique et Concini fait face à la fronde des grands princes : Bouillon, Condé, Longueville, Mayenne, Soubise… Miraculeusement, il parvient à calmer le jeu. La reine, reconnaissante, le nomme alors lieutenant général de toute la Normandie. Il possède son armée, forte de plusieurs milliers hommes. Le marquis d’Ancre est au sommet de sa puissance : paresseuse, indolente, occupée de ses seuls plaisirs, Marie de Médicis lui a peu à peu abandonné tous les pouvoirs.
Fin de partie
Dans leur incroyable ascension, les Concini ont négligé Louis XIII. Celui-ci grandit et ne supporte pas ce couple de parvenus qui, de surcroît, le méprisent et lui font subir toutes sortes d’humiliations. La fronde des grands princes ne s’est pas calmée, loin de là. La politique de rapprochement avec l‘Espagne, concrétisé par le mariage du roi avec l’infante Anne d’Autriche, déplaît fortement. Erreur suprême : alors que la régence a officiellement pris fin aux 13 ans de son fils, Marie de Médicis refuse de quitter le pouvoir. Spolié, rabaissé, Louis XIII va sourdement mûrir la conquête de son trône et lentement se construire le réseau de partisans qui va lui permettre d’éliminer Concino Concini. Un assassinat applaudi des deux mains par la population… Inhumé à la hâte dans l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, son corps est déterré par la foule, exhibé dans les rues de Paris, pendu, profané et, pour finir, dépecé et brûlé. De la gloire insolente de l’Italien, il ne reste que des cendres.