Secrets d'Histoire

Les Romanov et Raspoutine, l’emprise d’un starets débauché

Homme de Dieu ou escroc ? Difficile, aujourd’hui encore, de dire qui a été réellement Raspoutine. Ce qui est sûr, c’est que l’homme au regard hypnotique dispose d’un puissant atout pour séduire le tsar Nicolas II et sa femme Alexandra : un don de guérison

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Depuis sa conversion à la religion orthodoxe, la tsarine Alexandra a sombré dans un mysticisme excessif. Devant l’absence de réponse divine à ses prières pour que lui vienne l’enfant mâle qui héritera de l’Empire, elle reporte ses espoirs sur les vendeurs de miracles. Le palais d’Hiver ne désemplit plus de moines, guérisseur­s et charlatans de toutes sortes. Après la naissance de quatre filles, le garçon qu’elle donne enfin au tsar Nicolas II, le 30 juillet 1904, lui apporte un ineffable bonheur. Il ne dure guère. Le tsarévitch Alexis est atteint d’hémophilie. Nicolas II et Alexandra, très épris l’un de l’autre, forment avec leurs enfants une famille unie mais la découverte de la maladie incurable d’Alexis ébranle la belle harmonie. Elle annonce, pour eux comme pour le pays, le temps du malheur.

Un envoyé de Dieu

Le 22 janvier 1905, la répression sanglante d’une manifestat­ion ouvrière à Saint-Pétersbour­g marque le début d’une première révolution et d’un terrible enchaîneme­nt qui va mener au bouleverse­ment de 1917. Dans ce contexte agité, apparaît à la cour de Russie un personnage étrange. Il est présenté par une demoiselle d’honneur, Anna Vyroubova, sur recommanda­tion du confesseur de la tsarine, l’archimandr­ite Théophane. Il s’appelle Grigori Raspoutine. Lorsqu’il le reçoit pour la première

fois en 1907, Nicolas II est rebuté. Celui qu’on lui a annoncé comme un starets, un patriarche, homme de Dieu, paraît peu soucieux de sa personne : cheveux longs et hirsutes, barbe jamais peignée, ongles sales… Le saint homme porte une blouse paysanne sur un large pantalon dont le bas est enserré dans des bottes. Bref, c’est un… moujik ! Il possède, dit-on, un don de guérisseur. De fait, les soins qu’il prodigue au tsarévitch font des miracles. Lui seul parvient à stopper les terribles hémorragie­s qui, à tout moment, terrassent l’enfant. Alexandra ne jure bientôt plus que par lui. La chose est certaine : Raspoutine est un envoyé de Dieu qui peut sauver son fils, alors il peut sauver la Russie !

Le nouveau maître du pays

Nicolas II ne partage pas l’enthousias­me d’Alexandra mais il est reconnaiss­ant à Raspoutine d’avoir plusieurs fois rendu la vie à son fils. Grâce à lui, sa famille a retrouvé un semblant de bonheur. Il se laisse gagner par le même envoûtemen­t que son épouse. Le guérisseur est invité aux cérémonies officielle­s, où sa tenue débraillée et sa rudesse font sensation. Il fait, en quelque sorte, partie de la famille. Pour les Romanov, il est devenu le « grand ami ». Rien de grave au final, si le moujik ne s’était piqué de jouer un rôle politique. Bientôt, il fait et défait les ministres, les généraux, les évêques. Il est tout-puissant. Même le tsar se plie à ses ordres : en août 1915, il a renvoyé le grand-duc Nikolaïevi­tch et l’a luimême remplacé à la tête de ses armées.

La chute

Monnayant son influence, Raspoutine s’enrichit de pots-de-vin. Il est débauché, buveur et même violeur. Par sa conduite, il ne cesse de dégrader l’image de la dynastie. Pour le peuple, il est la cause des malheurs qui accablent la Russie. La rumeur court qu’il est un espion allemand, oeuvrant avec la tsarine, née allemande, à la perte de l’Empire. Un groupe d’aristocrat­es proches du tsar organise l’éliminatio­n du starets, le 29 décembre 1916. Son assassinat rocamboles­que, qui nécessite tour à tour le poison, le pistolet puis finalement la noyade dans les eaux de la Neva, ne modifie pas le cours de l’Histoire. Le 15 mars 1917, le tsar abdique. La dynastie tricentena­ire des Romanov s’effondre. Moins de deux ans après la mort de Raspoutine, en juillet 1918, le tsar et toute sa famille sont assassinés à Ekaterinbo­urg, dans l’Oural, dans des conditions restées mystérieus­es. Comme l’avait prédit le moujik visionnair­e.

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Photo de famille (vers 1910). Le tsar Nicolas II pose avec sa femme et leurs quatre filles: Olga (née en 1895) Tatiana (1897), Maria (1899) et Anastasia (1901).
 ??  ?? Le palais Catherine à Pouchkine, près de SaintPéter­sbourg, est un lieu de villégiatu­re pour la famille impériale russe.
Le palais Catherine à Pouchkine, près de SaintPéter­sbourg, est un lieu de villégiatu­re pour la famille impériale russe.
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Imagno / La Collection­W Raspoutine (vers 1910).

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