Marguerite, une reine libre et rebelle
Convaincue qu’être femme n’empêche rien, la fière héritière du clan Valois veut faire entendre sa voix. Prenant les armes contre sa mère, contre son frère, puis contre son mari, Marguerite paiera cher sa rébellion. Une émancipation qu’elle signe aussi de
De manière tragique, Marguerite de Valois fait, avec constance, les mauvais choix. Pour occuper une place politique, elle manoeuvre perpétuellement. Elle veut se rendre incontournable pour les forces en présence, en tant qu’intermédiaire ou qu’alliée. Selon sa biographe Éliane Viennot, l’entrée de Marguerite dans l’arène politique remonte à 1569. À cette date, son frère aîné Henri, duc d’Anjou, lui demande de plaider sa cause auprès de leur mère, Catherine de Médicis. Les jeunes gens ont toujours été proches, ce depuis l’enfance, ils se ressemblent beaucoup, se font confiance. Ainsi, lorsqu’il est appelé à commander les armées et donc à s’éloigner de la Cour, Henri prie Marguerite de veiller sur ses intérêts en son absence et de les faire valoir auprès de la reine.
En manque de reconnaissance maternelle En retour, Henri d’Anjou assure à sa soeur qu’il va lui-même intercéder auprès de Catherine de Médicis en sa faveur.
Dans ses Mémoires, Marguerite écrit : « Ce langage me fut fort nouveau, pour avoir jusqu’alors vécu sans dessein, ne pensant qu’à danser ou aller à la chasse, n’ayant même la curiosité de m’habiller ni de paraître belle, pour n’être encore en l’âge de telle ambition, et avoir été nourrie avec telle crainte auprès de la reine ma mère, que non seulement je ne lui osais parler, mais quand elle me regardait je transissais, de peur d’avoir fait quelque chose qui lui déplût. » On voit percer, ici, toute la crainte que lui inspire sa mère, tout comme le manque de reconnaissance et d’amour dont elle semble déjà souffrir. Plus tard, elle n’aura de cesse de s’en plaindre. Les
tensions futures, voire la haine, qui surgiront entre son frère et elle, seront en grande partie liées à la relation exclusive qu’entretient ce dernier avec leur mère. Pour l’heure, Marguerite est flattée de la considération que lui témoigne son frère, d’autant que leur mère la traite désormais en adulte. Mais, quelques mois plus tard, la liaison qu’elle affiche avec le duc de Guise provoque la colère des siens, qui craignent de la voir manipulée par un clan aux ambitions manifestes.
Engagée auprès des Malcontents Son mariage avec Henri de Navarre, chef de file des protestants, et le massacre de la SaintBarthélemy sont un tournant dans la vie de Marguerite.
Elle devait devenir l’intermédiaire naturelle entre protestants et catholiques mais le sanglant événement a ruiné le projet. Désormais, elle cherche à s’affranchir de la tutelle familiale et à jouer un rôle à sa mesure. Elle se rapproche du parti des Malcontents, des membres de la noblesse qui ne veulent pas d’Henri d’Anjou pour futur roi de France – le roi en place, Charles IX, est très malade. Ils lui préfèrent François, duc d’Alençon, le plus jeune des frères de Marguerite. OEuvrant au rapprochement d’Alençon avec son époux, roi de Navarre, elle noue avec lui une alliance sincère qui durera jusqu’à sa mort.
À Nérac, une cour d’amour Dès lors, Marguerite va jouer un jeu trouble, acceptant d’être l’intermédiaire entre Henri III et leur frère Alençon, ou de faire le lien avec son époux, Henri de Navarre.
Elle agit non par fidélité pour la Couronne, mais parce que son propre intérêt l’exige : ce rôle lui permet d’exercer une certaine influence. Et nul besoin, pour cela, de trahir Alençon ou le Béarnais. Son soutien aux deux rebelles lui vaut même d’être plusieurs fois punie par le roi de France. En 1579, l’accord signé entre catholiques et protestants est un succès personnel pour Marguerite, dont les talents de diplomate sont unanimement salués. L’été suivant, le couple de Navarre s’installe au château de Nérac, capitale de l’Albret. En ces lieux enchanteurs, Marguerite crée une cour d’amour, où protestants et catholiques vivent en bonne intelligence, ne se séparant que le temps du culte. Férue de néoplatonisme, elle contribue à diffuser ces idées, attirant les plus grands intellectuels et artistes de son temps. Montaigne lui rend ainsi visite. Shakespeare, plus tard, s’inspirera de la cour de Nérac pour sa pièce Peines d’amour perdues. Dans ses