La biscuiterie LU
Un Petit-Beurre, un Boudoir, une Langue de Chat, un Prince, un Petit Écolier… Tous les enfants, d'hier comme d'aujourd'hui, ont une histoire personnelle avec un de ces biscuits. Du goûter de quatre heures aux gâteaux emportés en balade, la fabrique nantaise fait partie du quotidien des Français depuis 1846.
LLa Maison Lefèvre-Utile modifie l'offre à laquelle sont habitués les Nantais, en élaborant des recettes en provenance de l'Est de la France.
'histoire de la Maison Lefèvre-Utile débute à Nantes. Dans ce grand port de commerce, les biscuits anglais comblent les solides appétits des marins lors des navigations au long cours. Les gâteaux, afin de se conserver le plus longtemps possible, étaient cuits à deux reprises. D'où le nom : « bis-cuit ».
Des produits de luxe
Jean-Romain Lefèvre et Pauline-Isabelle Utile, son épouse, sont originaires de Varennes-enArgonne (Meuse). En 1846, ils décident de tenter l'aventure pâtissière, en ouvrant une fabrique artisanale à l'en-tête « Biscuits de Reims et de bonbons secs », au 5 de la rue Boileau. La Maison Lefèvre-Utile, LU, modifie profondément l'offre à laquelle sont habitués les Nantais, en élaborant des recettes en provenance de l'Est de la France. Face à une demande grandissante, le couple pousse les murs de sa boutique : il fait l'acquisition, en 1854, de l'annexe voisine de ses locaux, au 7 rue Boileau. L'adresse attire curieux et gourmands. Dans un cadre à l'architecture moderne et raffinée, diverses variétés de biscuits (macarons, biscuits vanillés, boudoirs, massepain…) sont présentées comme des produits de luxe, servies par des vendeuses qualifiées. Le tout, dans ce que l'on appellerait aujourd'hui un packaging innovant. La famille Lefèvre-Utile a toujours
également apporté grand soin à l'aménagement de ses points de vente et lieux de production. Pas étonnant que l'entreprise LU et ses bâtiments soient devenus, depuis, emblématiques de la ville de Nantes.
Un marketing de génie
Toutes les familles connaissent à un moment ou un autre des heures sombres. En 1882, après la disparition de Jean-Romain, le troisième fils du fondateur de la biscuiterie, Louis LefèvreUtile reprend l'affaire. Âgé de 24 ans, il a fait ses études en Angleterre. Sur place, il s'est intéressé de près à l'industrie agro-alimentaire, en particulier à la société Huntley & Palmers : celle-ci possède à l'époque la plus grande usine de biscuits du monde. Louis est entrepreneur dans l'âme. Il décide de créer une manufacture dans les locaux de l'ancienne filature Bureau, 2 000 m2 sur l'île Gloriette, quai Baco, au bord de la Loire : fours ultramodernes et chaîne de production mécanisée. En 1885, 130 ouvriers sortent 3 tonnes de biscuits par jour. Le fameux Petit-Beurre nantais, « inventé » en 1886, se taille la part du lion, avec plus d'un tiers de la production. La modernisation de l'entreprise porte ses fruits, les machines tournent à plein rendement, la notoriété se renforce, les récompenses affluent, dont une médaille d'or à l'Exposition de Nantes 1882 suivie d'un grand prix à l'Exposition universelle de 1900. Lors de cette grande manifestation, le pavillon LU, conçu par l'architecte Auguste Bluysen, flanqué de sa haute tour en forme de boîte à biscuits en fer-blanc, est l'attraction du moment. Surfant sur la vague du succès, Louis LefèvreUtile s'associe à son beau-frère pour créer la société LU. Ensemble, ils font preuve de génie, tant dans le domaine du marketing que de la publicité. Entre autres bonnes idées, ils sollicitent des artistes renommés : grâce aux créations (affiches, boîtes, calendriers…) de peintres
et illustrateurs comme Mucha, Loir Luigi, Firmin Bouisset ou Savignac, le Petit LU a une cote d'enfer ! La marque part à la conquête du monde. À Nantes, LU ne cesse de s'agrandir. Auguste Bluysen l'affuble de deux tours – une seule subsiste – qui transforment l'usine en une véritable oeuvre d'art (déco). À l'orée de la Première Guerre mondiale, la fabrique emploie plus de 1 200 salariés qui produisent 20 tonnes de biscuits par jour. Durant le conflit, l'usine est réquisitionnée pour faire le pain des soldats.
La marque préférée des Français
Les générations vont se succéder, chacune porteuse de projets. Dans les années 1930, le fils de Louis Lefèvre-Utile, Michel, met en place un réseau de représentants exclusifs. Dans les années 1950, c'est au tour du fils de Michel, Patrick, de lancer les lignes de fabrication en continu des différents biscuits. En 1956, il veut un logo clairement identifiable ; il fait appel au célèbre designer et graphiste français Raymond Loewy, lequel a travaillé pour Coca-Cola. À compter des années 1960, face à la concurrence internationale, il mise sur le regroupement industriel (notamment avec Brun et BN, deux grands rivaux) et sur l'exportation. Toutefois, la quatrième génération de la famille perd le contrôle. En 1975, la société subit de nombreux rachats : Générale Biscuit, BSN qui devient Danone et, enfin, Kraft Foods en 2007. Ce dernier groupe ayant été divisé, LU appartient depuis 2012 au géant américain Mondelēz International. Même sous bannière américaine, la biscuiterie nantaise, qui emploie aujourd'hui 300 personnes, reste dans les mémoires et au palais un produit « bien de chez nous ». En 2014, une étude réalisée par Toluna et le Grand Livre des marques plaçait LU en tête des marques préférées des Français.
En 1956, Patrick Lefèvre-Utile veut un logo clairement identifiable pour LU. Il fait appel au célèbre designer et graphiste Raymond Loewy, qui a travaillé pour Coca-Cola.