L'Échange des princesses, de Marc Dugain
La vie… ce n’est pas toujours du cinéma. Les films ou séries historiques prennent parfois leurs aises, volontairement ou non, avec la réalité. Erreurs historiques, anachronismes, trucages font partie du jeu cinématographique. Saurezvous démêler la fiction de la réalité dans le film de Marc Dugain, L’Échange des princesses ?
Féru d’histoire, l’écrivain Marc Dugain passe pour la quatrième fois derrière la caméra, avec un épisode peu connu de l’Histoire de France. Cette adaptation du roman éponyme de Chantal Thomas revient sur les circonstances des premières fiançailles de Louis XV. À l’issue de la guerre qui les a opposées, la France et l’Espagne scellent dans la durée leur réconciliation par une double alliance matrimoniale : Marie Anne Victoire, la fille du roi d’Espagne Philippe V, épousera Louis XV ; et Louise-Élisabeth d’Orléans, fille du régent, s’unira à l’héritier du trône d’Espagne, Louis, prince des Asturies. Précision qui a toute son importance, les quatre fiancés sont encore des enfants : ils ont respectivement 3, 11, 12 et 14 ans ! Le destin de ces unions dictées par les calculs politiques et personnels de leurs entourages, ne sera pas heureux…
Les caractères des personnages
Réalité
Tourné à hauteur d’enfants, ce film rend avec justesse la psychologie des protagonistes : la mélancolie de Louis XV, le caractère enjoué et charmant de la petite infante, la timidité du prince des Asturies, le mysticisme et la neurasthénie de Philippe V, le côté roué et manipulateur du duc de Bourbon, les calculs du régent… Quant à la jeune Louise-Élisabeth, elle a effectivement beaucoup choqué la très austère cour d’Espagne : on la disait mal éduquée, de mauvaise volonté, rebelle et libérée – des rumeurs évoquaient des tendances homosexuelles. Toutefois, comme dans le film, les témoins de l’époque, unanimes, ont rapporté son comportement exemplaire et attentionné auprès de son mari à l’agonie, veillant nuitamment sur lui.
UN FILM PASSÉ AU DÉTECTEUR DE MENSONGES
Les circonstances de l’échange
Réalité
Le 9 janvier 1722, la cérémonie a bien eu lieu sur l’île des Faisans, sur la Bidassoa, le fleuve frontalier entre la France et l’Espagne. Si, dans le film, l’escorte de Louise-Élisabeth est considérablement réduite pour des raisons budgétaires, les costumes font l’objet d’une reconstitution soignée. Conformément au protocole, les princesses ont abandonné toutes leurs affaires, ainsi que leur suite, en franchissant les Pyrénées : en laissant derrière elles leur passé, elles adoptent ainsi symboliquement la patrie de leur époux. Quant à l’épisode de la poupée offerte par Louis XV à sa toute jeune fiancée, il est attesté ! Pour l’anecdote, c’est également sur l’île des Faisans qu’a eu lieu un autre échange de princesses : en 1615, Élisabeth, fille d’Henri IV, a été donnée en mariage à Philippe IV, roi d’Espagne, tandis que la soeur de ce dernier, Anne, épousait Louis XIII.
Le rôle de Madame de Ventadour
Réalité Madame de Ventadour était la gouvernante de Louis XV. Comme il est montré dans le film, l’enfant est devenu l’héritier du trône dans des circonstances tragiques : la rougeole emporte son père, sa mère et son frère. Louis n’avait alors que 2 ans. La Ventadour lui a sauvé la vie, en empêchant les médecins de le saigner… À son arrivée à Versailles, en 1722, l’infante est confiée à la Ventadour qui s’y attache. Le roi, jaloux de l’affection de celle qu’il considère comme une mère, en conçoit du ressentiment.
Les lieux du tournage
Fiction Le film n’a été tourné ni en France, ni en Espagne, mais en Belgique : au château de Beloeil et au palais d’Egmont pour les scènes versaillaises, ainsi qu’au château de Gaasbeek pour celles se déroulant à la cour de Philippe V.
Le double portrait
Réalité Dans le film, Louis XV et l’infante posent ensemble pour un portrait. Ce tableau existe. Il a été réalisé par François de Troy, en 1723 et est conservé au palais Pitti, à Florence. Le roi y apparaît en adolescent à la stature affirmée, contrastant avec la petitesse de sa fiancée. La princesse, qui ne pourra se marier et enfanter que bien des années plus tard, est sacrifiée aux exigences de concevoir rapidement un héritier. Elle est renvoyée en Espagne. Ultime trahison, la vérité lui est tue. Pour la faire partir, on lui affirme que ses parents veulent la voir. C’est seulement quand elle arrive à la frontière espagnole qu’on lui révèle l’annulation de ses fiançailles. Souvenir de son passage à la cour de France : le jardin de l’Infante, créé pour qu’elle puisse l’admirer de ses appartements du Louvre. Il se situe face au pont des Arts.