Secrets d'Histoire

Clovis amoureux, Clotilde vaut bien une messe !

- Par Françoise Surcouf

En ce printemps 492, des cavaliers traversent la Burgondie, dépassent Reims et atteignent le seuil de la villa royale à Soissons. Clovis les y attend avec impatience. Voilà plusieurs mois qu’il les a chargés de lui trouver une nouvelle épouse, belle et bien née. Mission remplie, et au-delà, avec la très chrétienne Clotilde, dont la foi va contribuer à unifier le royaume des Francs.

Àla mort de son père Childéric Ier, Clovis hérite d’un domaine qui s’étend de Reims jusqu’à Amiens et Boulogne. Sa vie durant, il va s’efforcer d’agrandir ce territoire… Pour cela, il fait assassiner tous les chefs, plusieurs de ses anciens compagnons voire des membres de sa famille. Maintenant qu’il est veuf, il entend se remarier et en profiter pour sceller une alliance à la fois politique et dynastique. La fiancée doit donc être de bonne noblesse, en âge de procréer et, pourquoi pas, chrétienne ? Le christiani­sme compte de plus en plus d’adeptes, y compris parmi les chefs gaulois. Nombre d’entre eux ont abjuré paganisme et arianisme pour embrasser la foi de saint Remi. Lequel, au titre de conseiller, n’est sans doute pas étranger au destin matrimonia­l du roi des Francs. Quoi de mieux pour souder une communauté que partager des croyances ? Clovis n’est pas convaincu de l’efficience d’une conversion mais, songe Remi, avec une chrétienne pour femme, qui sait ?

La vengeance d’une Burgonde

Parti à la recherche d’une épouse pour Clovis, Aurélien, conseiller et proche du souverain, peut enfin lui annoncer la bonne nouvelle : il a trouvé la perle rare. Elle s’appelle Clotilde ; elle est la fille de Chilpéric II, roi de Burgondie, et de la très chrétienne Carétina. Elle est orpheline depuis 480. Son oncle Gondebaud, roi de Bourgogne, convoitait le territoire de son cadet. Un jour, il s’est présenté chez Chilpéric, à Lyon. La visite de courtoisie a tourné court : d’un coup de hache, il a fait voler la tête de son frère ! Puis

deux de ses hommes ont empoigné la malheureus­e Carétina et l’ont noyée dans le Rhône. Ils ont ensuite massacré les neveux. Les nièces, elles, ont eu la vie sauve : Gondebaud les a fait conduire dans un couvent. Parmi elles, donc, Clotilde. Qui, quoique très pieuse, a gardé une furieuse envie de se venger de l’assassin de sa famille… En 492, elle accueille la demande de Clovis avec joie. En revanche, Gondebaud, le tuteur légal de la jeune fille, se fait prier. Il ne consent à cette union que contraint et forcé, guère enchanté de voir ce redoutable guerrier mérovingie­n épouser une nièce dont il se méfie. La suite lui donne d’ailleurs raison. Quelque temps plus tard, sur l’insistance de Clotilde, Clovis lui déclare la guerre ; Gondebaud, vaincu, est obligé d’abdiquer.

Une conversion très politique

L’union de Clotilde et Clovis est célébrée à Dijon, en 493. Bientôt, vient au monde un enfant, Ingomer. Profondéme­nt chrétienne, la reine souffre de voir son époux sacrifier aux cultes païens et entreprend de le convertir. Clovis accepte que leur fils soit baptisé. Ce qui n’empêche pas ce dernier de mourir. Le roi y voit le signe de la colère des dieux francs. Peu après, naît Clodomir, auquel Clotilde fait aussi donner le baptême. À peine oint, hélas, il tombe malade. Cette fois, le bébé survit mais la foi chrétienne du père n’est pas forgée. Il faut attendre la bataille de Tolbiac contre les Alamans pour que Clovis franchisse le pas. Il est en mauvaise posture, bien qu’ayant invoqué ses dieux. Il se tourne alors vers le « dieu de Clotilde » et promet que, s’il sort vainqueur, il se convertira. Victorieux, il tient parole. Le 25 décembre 496, le roi et des milliers de guerriers francs se font baptiser. Politiquem­ent, la conversion est payante. Reconnu comme chef par les chrétiens qui peuplent la Gaule et soutenu par les évêques à la puissance colossale, Clovis peut alors s’arroger, au détriment des Wisigoths, un territoire allant de la Loire aux Pyrénées…

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 ??  ?? L’Éducation des enfants de Clotilde et Clovis (1868), de Lawrence Alma-Tadema. Où la figuration seule de la mère, en présence de religieux (tonsurés), évoque la grande piété de Clotilde.
L’Éducation des enfants de Clotilde et Clovis (1868), de Lawrence Alma-Tadema. Où la figuration seule de la mère, en présence de religieux (tonsurés), évoque la grande piété de Clotilde.

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