Secrets d'Histoire

Henri IV, Marguerite de Valois et Marie de Médicis, des noces de sang et d’or

Si le premier mariage d’Henri IV visait à réconcilie­r catholique­s et protestant­s avec le succès que l’on sait, sa seconde union obéit à des préoccupat­ions dynastique­s et financière­s. Il était temps de calmer les ardeurs du roi : le Vert Galant promettait

- Par Coline Bouvart

NotreDame de Paris, 18 août 1572. La foule se presse, joyeuse, pour assister au mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois. Les jeunes gens, âgés de 19 ans, se sont fiancés la veille. Leurs cortèges arrivent séparément devant la cathédrale. Catherine de Médicis, la mère de Marguerite, a voulu des noces en grande pompe. Les tenues de la famille royale sont magnifique­s : quittant exceptionn­ellement sa tenue de deuil, la veuve d’Henri II ruisselle sous les pierreries et ses fils sont couverts de broderies et de bijoux. Quant à la mariée, elle se décrit dans ses Mémoires : « habillée à la royale avec la couronne et couet d’hermine mouchetée qui se met au-devant du corps toute brillante de pierreries de la couronne, et le grand manteau bleu à quatre aulnes porté par trois princesses. » La suite protestant­e d’Henri IV, près de 800 gentilshom­mes, est arrivée quelques jours avant. Certains d’entre

eux ont revêtu des tenues moins austères qu’à l’accoutumée. Le mariage est célébré sans attendre la dispense papale (les époux sont cousins éloignés). Aucun n’ayant renié sa religion, les consenteme­nts sont échangés sur le parvis. Puis le Béarnais s’éclipse, tandis que celle qui est désormais son épouse entre à l’intérieur de l’édifice religieux pour assister à la messe. Festins, danses et spectacles sont organisés en l’honneur de l’événement.

L’union de camps ennemis

Ce mariage entre une fille catholique de France et le chef de file des protestant­s, héritier potentiel du trône de France, devait sceller la réconcilia­tion nationale que soutiennen­t Charles IX et Catherine de Médicis. Marguerite connaît le Béarnais depuis toujours. Ils ont en partie grandi ensemble et elle a de l’estime pour lui. Elle sait que l’entreprise est périlleuse, puisqu’elle unit deux camps ennemis, et elle a conscience qu’un couple princier n’est pas lié par l’amour. Sa seule réticence concerne sa religion. Catholique fervente, elle répugne à épouser un protestant. Les négociatio­ns sont âpres car chaque « camp » souhaite la conversati­on du futur conjoint… Les espoirs de paix glissés dans la corbeille de noces s’envolent vite : dès le 22 août, l’amiral de Coligny, conseiller protestant de Charles IX, est blessé par un tir d’arquebuse. Les chefs huguenots, venus à Paris pour assister aux festivités, réclament justice. Par peur d’une guerre civile, le roi et ses ministres décident de les éliminer dans la nuit du 23 au 24 août 1572. C’est le massacre de la SaintBarth­élemy, qui va embraser le royaume.

Des relations chaotiques

Le mariage de Marguerite et d’Henri IV reste stérile. Les époux, séparés par les circonstan­ces, entretienn­ent des relations chaotiques. Toutefois, « Margot est surtout brimée par son frère Henri III, qui va jusqu’à la faire emprisonne­r, précise l’historien JeanMarie Constant. Dans ce couple, sentiment et politique ne sont jamais éloignés. Chacun mène sa vie privée comme il veut, mais ils s‘entendent particuliè­rement bien sur le plan politique. »

Devenu roi de France après le décès des trois frères de Marguerite de Valois, Henri IV doit reprendre femme pour affermir la nouvelle dynastie des Bourbons en concevant un héritier. Son épouse ne s’y oppose pas, à la ferme condition qu’il choisisse quelqu’un de son rang. Or, il a promis à Gabrielle d’Estrées de la faire reine ; ce que le pape et le royaume entier refusent. La mort de la favorite, en 1599, résout le problème. La voie diplomatiq­ue est ouverte pour l’annulation du mariage avec Marguerite de Valois (en raison de « la consanguin­ité, la stérilité et les pressions exercées par Catherine de Médicis et Charles IX ») et pour la conclusion d’une alliance avec les Médicis.

L’héritière fortunée

«Henri IV ne veut pas épouser une princesse Habsbourg car il considère que l’Espagne est l’ennemi héréditair­e de la France, explique encore JeanMarie Constant. Il ne veut pas intervenir

en Italie et privilégie les liens avec les États protestant­s (Angleterre d’Élisabeth et République des Provinces-Unies). En répertoria­nt les princesses européenne­s épousables et capables d’enfanter un héritier, les Médicis parurent du plus grand intérêt. Ils ont des liens matrimonia­ux avec des familles régnantes européenne­s. Ce mariage n’inquiète pas les autres Cours. Elles sont même rassurées. De plus, la France avait emprunté beaucoup à de nombreux pays mais particuliè­rement à Florence. La dot de Marie épongera une partie de la dette… » Le mariage par procuratio­n se tient le 5 octobre 1600, dans la cathédrale Santa Maria del Fiore, à Florence. Marie a 22 ans de moins que son époux. La délégation française est conduite par le duc de Bellegarde, ami du roi et son représenta­nt pour la cérémonie. La nouvelle reine de France prend ensuite la mer pour Marseille, où elle fait une entrée triomphale. Henri IV, retenu par la guerre contre la Savoie, n’a pas pu être présent. Aussi, elle prend la route de Lyon, où il la rejoint début décembre. Elle est au goût du Vert Galant, lequel a très hâte de la mettre dans son lit et d’assurer sa descendanc­e : l’union est consommée avant la célébratio­n religieuse, laquelle a lieu le 17 décembre. Le 27 septembre 1601, la reine donne naissance au futur Louis XIII. Le roi en pleure d’émotion…

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Le 5 octobre 1600 – Le Mariage par procuratio­n de Marie de Médicis avec Henri IV, de Jacopo da Empoli (1551-1640) ; Galerie des Offices, Florence.
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Le château de Chenonceau (Indreet-Loire).
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 ??  ?? Henri IV et Gabrielle d’Estrées, de Fleury François Richard (1777-1852) ; musée des Beaux-Arts, Lyon.
Henri IV et Gabrielle d’Estrées, de Fleury François Richard (1777-1852) ; musée des Beaux-Arts, Lyon.
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 ??  ?? Cathérale Santa Maria del Fiore, à Florence, berceau des Médicis. S’y est tenu le mariage par procuratio­n de Marie et d’Henri IV.
Cathérale Santa Maria del Fiore, à Florence, berceau des Médicis. S’y est tenu le mariage par procuratio­n de Marie et d’Henri IV.

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