Churchill avait compris la menace nazie
Durant les années 1930, écarté du gouvernement et dégagé de la gestion politicienne à courte vue, Winston Churchill prend de la hauteur, par la force des choses. Il peut dès lors mesurer à quel point les démocraties se compromettent, comme fascinées sinon séduites par les régimes totalitaires.
Elle devait être la « Der des ders ». Après la guerre de 1914-1918, un nouvel embrasement était jugé impossible. Pourtant, un simple examen de l’Europe redessinée par le Traité de Versailles suffit pour comprendre que l’Allemagne, lorsqu’elle se serait relevée de sa défaite, ne resterait pas sans réagir. Comment des diplomates ont-ils pu couper l’Allemagne en deux, pour donner à la Pologne une extension vers la mer ? Ajouté à cela, le fait que l’Allemagne a perdu un septième de son territoire et un dixième de sa population, ainsi que toutes ses colonies… Quant à son économie, elle est asphyxiée par le paiement de dommages de guerre écrasants. En 1940, en entendant les membres de son cabinet arguer en faveur des négociations, Winston Churchill a tout cela en tête : pourquoi Hitler ferait-il preuve de mansuétude ?
Entre fascisme et communisme, un équilibre trompeur
Le Traité de Versailles est une bombe à retardement. Qui allumera la mèche? L’Allemagne nazie? Ou la Russie des bolcheviques, dont on a retracé les frontières sans lui demander son avis, remplacé les monarchies par des Républiques, laissé des nations prendre leur indépendance en créant de nouveaux États ? Autriche, Hongrie, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Finlande, Pays baltes, Pologne, Géorgie, Azerbaïdjan… ont cru à la paix : ils finiront par le payer au prix du sang,
dévorés d’un côté par l’Allemagne et, de l’autre, par l’URSS. Winston Churchill déteste le communisme et pas seulement pour des raisons doctrinaires. Dès 1919, l’idéologie s’est répandue en Allemagne, en Hongrie, en Italie… Partout, la peur d’être dépossédé de ses biens au profit de la collectivité engendre des groupes paramilitaires, formés d’anciens combattants. Bientôt, la confusion règne entre l’action politique et l’action armée. Ainsi, dès le début des années 1920, Benito Mussolini crée le Parti national fasciste. En 1922, il marche sur Rome à la tête de 25 000 hommes et arrache au roi d’Italie sa nomination comme chef de gouvernement. Adolf Hitler, dans le même temps, fonde le Parti national-socialiste qui, en 1923, compte 50 000 adhérents. En Italie comme en Allemagne, l’opposant est le Parti communiste, affilié à Moscou. Et d’autant plus dangereux qu’en 1925, sous la férule de Joseph Staline, l’URSS affiche une politique extérieure séductrice, prônant la paix universelle. Un équilibre trompeur s’établit. Dans l’Allemagne qui retrouve une vitalité économique dès 1924, le parti nazi est, un premier temps, boudé électoralement. Quant à la plupart des nouveaux petits pays, ils sont devenus des dictatures militaires ou monarchiques : Grèce, Albanie, Yougoslavie, Bulgarie, Portugal, Hongrie, Espagne… Pourtant, les démocraties anglaise et française y voient surtout un facteur de paix.
L’impuissance de la SDN
À tel point que le monde entier croit cette paix durable. En 1928, la France et l’Allemagne sont liées par le pacte Briand-Kellog, aux termes duquel la guerre est condamnée comme instrument de la politique nationale. Ce pacte sera ratifié par… 63 pays ! L’apparent équilibre ne résiste pas à la crise économique, née en 1929 dans ce grand pays qui se désintéresse alors de la marche du monde : les États-Unis d’Amérique. Effondrement des cours, faillites, fermetures d’usines, chômage de masse… frappent tous les pays. Face à la colère de la population, les gouvernements cherchent des responsables hors de leurs propres frontières. C’est toujours le même refrain, il est tentant de s’emparer de la richesse qui fait défaut, là où elle se trouve… Le premier à céder à la tentation est le Japon, en 1931. Dirigé par des militaires ultranationalistes, il envahit la Mandchourie.