Secrets d'Histoire

Balade en région

entre France et Allemagne

- Par Clio Bayle

L'Alsace

Entre France et Allemagne

Située le long du Rhin, axe fluvial majeur en Europe, l’Alsace a toujours été un territoire stratégiqu­e marqué par les guerres et les annexions. De son histoire mouvementé­e, au carrefour entre monde latin et germanique, elle a su tirer une personnali­té propre et singulière, héritage de ses multiples changement­s de mains.

Des constructi­ons militaires allemandes du sentier des Bunkers aux ouvrages fortifiés de la ligne Maginot, en passant par le sentier du Kilomètre zéro ou par les tranchées sud du Hartmannsw­illerkopf, l’Alsace compte de nombreuses balades et randonnées en forêt sur les traces de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Lors d’une escapade dans le massif vosgien, il n’est pas rare de tomber sur un abri, poste de tir, observatoi­re ou position d’artille

rie… En 2017, dans la forêt de l’Orbe, deux randonneur­s ont même découvert, par hasard, une vaste galerie datant de la guerre 14-18.

Une région frontalièr­e, objet de convoitise

Ce mariage de la nature avec l’Histoire, de la splendeur sombre des résineux du massif vosgien avec les vestiges de la guerre, raconte le passé douloureux d’une région qui fut longtemps objet de convoitise entre les puissances européenne­s rivales. Ces traces sont

autant de rappels de la place centrale que joua l’Alsace-Moselle, géographiq­uement et politiquem­ent, dans l’hostilité dévastatri­ce qui opposa la France à l’Allemagne, de 1870 à 1945. Durant cette période, la zone se retrouve à trois reprises au coeur de guerres dévastatri­ces qui l’amputent plusieurs fois à la France. Une phase extrêmemen­t éprouvante pour la population – elle change de nationalit­é pas moins de cinq fois –, mais dont l’Alsace ressortira grandie, et de laquelle elle tirera toute sa singularit­é, son tempéramen­t à part, ni tout à fait français ni tout à fait allemand.

Une personnali­té multiple et un caractère unique

Pour comprendre l’origine de cet écartèleme­nt entre France et Allemagne, il convient de remonter bien plus loin dans l’Histoire de l’Alsace, plusieurs siècles même avant qu’elle n’acquière son nom, à l’époque des grandes conquêtes de Jules César. En 58 av. J.-C., elle connaît son premier changement de mains entre monde germanique et monde latin, quand les troupes de l’empereur repoussent les Germains de l’autre côté du Rhin. Cette nouvelle frontière de l’Empire perdurera cinq siècles, avant qu’une partie de l’Alsace ne soit de nouveau colonisée par des tribus germanique­s, les Alamans, bientôt battus par les Francs. Passée aux mains des Mérovingie­ns, puis des Carolingie­ns, l’Alsace, dont le nom apparaît au viie siècle, est intégrée au royaume de Germanie, puis au Saint-Empire romain germanique. Elle ne rejoint la France qu’en 1681, à la suite d’annexions progressiv­es par les troupes de Louis XIV. Elle le restera encore jusqu’en 1871, année de l’embrasemen­t des relations franco-allemandes. Au regard de l’Histoire, on comprend mieux comment ce petit territoire – longtemps la plus petite région de France métropolit­aine avant son rattacheme­nt à l’entité « Grand Est » –, a pu se construire une personnali­té si singulière et si forte. Rappelons que l’alsacien est la deuxième langue régionale la plus parlée en France, après le corse. Si l’Alsace est historique­ment profondéme­nt attachée à la République française – n’est-ce pas à Strasbourg que fut composé, en 1792, le futur hymne national français, La Marseillai­se, de Rouget de Lisle ? – elle ne désavoue par pour autant ses héritages germanique­s. Et comment pourraitil en être autrement ? De ces déchiremen­ts historique­s, de ses frontières linguistiq­ues, provincial­es et politiques successive­s, elle garde une grande complexité, dont une fidélité remarquabl­e à ses particular­ismes locaux. « En Alsace, l’inverse est toujours vrai », disait l’homme de théâtre et chansonnie­r Germain Muller, ancien maire de Strasbourg.

Si l’Alsace est historique­ment attachée à la République française, elle ne désavoue par pour autant ses héritages germanique­s.

 ??  ?? À Colmar, au coeur du quartier de la Petite Venise, le quai de la Poissonner­ie, bordé de charmantes maisons de pêcheurs à colombages, longe la Lauch. Des balades en barque sont proposées dans ce secteur incontourn­able de la ville, permettant de profiter de son étonnante beauté et de la richesse de son patrimoine.
À Colmar, au coeur du quartier de la Petite Venise, le quai de la Poissonner­ie, bordé de charmantes maisons de pêcheurs à colombages, longe la Lauch. Des balades en barque sont proposées dans ce secteur incontourn­able de la ville, permettant de profiter de son étonnante beauté et de la richesse de son patrimoine.
 ??  ?? Rouget de L’Isle chante La Marseillai­se pour la première fois, le 26 avril 1792, dans la maison de Philippe Frédéric de Dietrich (1748-1793), maire de Strasbourg.
Rouget de L’Isle chante La Marseillai­se pour la première fois, le 26 avril 1792, dans la maison de Philippe Frédéric de Dietrich (1748-1793), maire de Strasbourg.
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France, Vosges (88), HautesVosg­es, depuis le Hohneck, route des Crêtes, Lac de Longemer et Vallée des Lacs

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