Marie Besnard, la possédée de Loudun
Des cadavres, sept au total. De l’arsenic, à tuer un régiment. Un mobile inexistant. Des experts qui s’embrouillent dans leurs analyses… Presque treize années durant, l’affaire Besnard mobilise l’attention des Français. Le
5 octobre 1947, Marie Besnard se retrouve une nouvelle fois au à cimetière des Trois-Moutiers Loudun (Vienne). Elle y enterre son second mari. Ça devient une habitude ! Au cours des sept dernières années, elle a déjà perdu huit de ses proches (père, cousines, beau-père) et amis. Une douloureuse fatalité qui, si elle émeut quelques-uns, fait jaser, dans cette bourgade percluse d’ennui, certains. Notamment Louise Pintou, locataire des époux Besnard, et Auguste Massip. Ils ont eu maille à partir et avec Marie par le passé Mme Pintou aurait recueilli des confidences de feu Léon Besnard. L’occasion leur est servie sur un plateau de régler de vieux comptes. La rumeur enfle. De concert, ils alertent le juge police et justice. En mai 1949, d’instruction ordonne l’exhumation une du corps de Léon Besnard, pour du autopsie clinique. La conclusion la médecin légiste est sans appel: forte mort a été provoquée par une Marie dose d’arsenic. Le 21 juillet, s’empare Besnard est arrêtée. La presse la du fait divers. Au siècle, ville de Loudun a eu Urbain Grandier elle et ses « possédées » ; désormais, a son « empoisonneuse » !
Le 20 février 1952, Marie Besnard fait face, dans le box des accusés, de la aux jurés de la cour d’assises les Vienne. À la barre, se succèdent yeux spécialistes sur lesquels tous les sont rivés. Mais la science n’éclaire Et les pas vraiment les consciences. de défenseurs de l’accusée profitent nomination ce cafouillage pour exiger la
: les de nouveaux experts éminents professeurs Piedelièvre, Marie Khon-Abrest, Griffon et Fabre. Besnard est maintenue en détention. Elle subit des examens psychiatriques est supplémentaires : elle ». déclarée « anormalement normale cimetière En mars 1952, on exhume du sept autres corps, y compris celui de la mère de Marie Besnard, décédée en janvier 1949. de Le 15 mars 1954, c’est au palais que justice de Bordeaux, cette fois, France la veuve la plus célèbre de ses comparaît. Pintou et Massip, sont deux détracteurs principaux, Leurs longuement questionnés. sur accusations, qui reposent plus médisance des allégations motivées par la pas. et la rancune, ne tiennent ils Quant aux experts scientifiques, s’accordent sur… leur désaccord. Les uns sont convaincus que l’arsenic retrouvé dans les corps des victimes antemortem; est exogène et a été administré que la les autres affirment teneur terre du cimetière affiche une cause naturelle élevée de poison à des cadavres en décomposition on qu’elle recèle. Le ton monte, s’apostrophe sur les méthodes le employées. C’est le chaos dans prétoire ! Le tribunal nomme trois en nouveaux experts. Une remise liberté provisoire de l’accusée est ordonnée: elle était détenue depuis cinquante-sept mois. Automne 1961. Un troisième procès s’ouvre à la cour d’assises de de la Gironde. La culpabilité Marie Besnard n’est toujours pas prouvée. Les doctes experts de continuent de batailler en vaines et assommantes joutes scientifiques, qui ne font que propager encore un peu plus le doute. Cette fois, l’opinion publique n’en peut plus. Un élan de compassion se lève en faveur ». de « la bonne dame de Loudun Frédéric Pottecher, chroniqueur judiciaire qui suit l’affaire depuis le début, commente l’audience sur la seule chaîne de la télévision nationale: « Marie Besnard de gens s’est évanouie. Des quantités ont pensé que c’était de la comédie. rien. Personnellement, je n’en pense mais (…) On a peut-être tort d’être ému, a souffert. c’est oublier ce que cette femme
» (…) Et si elle était innocente? dépérissement La longueur du procès, le des preuves, l’attitude du des médecins experts – celle –, une Dr Béroud en premier lieu défense qui fait valoir des erreurs toxicologique, dans l’étiquetage de relevés la mort d’Auguste Massip…: le autant de faits qui aboutissent, de 12 décembre 1961, à l’acquittement 83 ans, Marie Besnard. Elle s’éteint à 1980, le jour de la Saint-Valentin emportant son secret dans sa tombe.