DIDIER LE FUR : LE RÊVE D’UN EMPIRE CHRÉTIEN UNIVERSEL
Dans votre dernier ouvrage, vous mettez l’accent sur la vision très idéalisée que nous avons de la Renaissance. En quoi est-elle si angélique ?
Selon cette vision, qui s’est fixée au xixe siècle, les xve et xvie siècles marquent une rupture avec l’obscurantisme supposé du Moyen Âge. Grâce à l’humanisme et à la science, l’homme serait parvenu à se dégager de la puissance de la religion pour devenir maître de son destin. Lorsque l’on regarde cela de près, on s’aperçoit que ça ne marche pas. La Renaissance a été un épouvantable fracas guerrier, qui a trouvé sa justification dans l’idée d’assurer l’avènement d’un empire chrétien universel, seul capable d’assurer la paix et le salut de l’homme. Ainsi, l’Histoire n’est plus une longue progression mais un retour vers l’idée d’un âge d’or perdu.
Que s’est-il produit dans les faits ?
Les guerres d’Italie, l’opposition entre François Ier et Charles Quint, le jeu perturbateur d’Henri VIII, ont mis un coup d’arrêt à ce rêve. La « realpolitik » qui émerge vraiment à l’époque – François Ier va jusqu’à s’unir avec le sultan turc Soliman le Magnifique pour affaiblir Charles Quint –, est une stratégie à court terme qui n’a pas fonctionné.
Comment les trois grandes puissances de l’Europe (France, Espagne, Angleterre) émergent-elles de ce chaos guerrier ?
Pour François Ier, le bilan n’est pas si mauvais. À l’est, avec Toul, Verdun et Metz, il a élargi et consolidé les frontières du royaume. La France a conservé la Bourgogne et repris Calais aux Anglais, installés là depuis deux siècles. Charles Quint, pour sa part, a mené toutes ses guerres en vain. Son empire, affaibli par l’avancée ottomane, se disloque. Quant à l’Angleterre d’Henri VIII, elle retrouve sa place dans le concert européen, en s’assurant un rôle d’arbitre.