DENIS CROUZET : LE RÈGNE IMPOSSIBLE
Historien spécialiste du xvie siècle, Denis Crouzet a publié Charles Quint – Empereur d’une fin des temps, aux éditions Odile Jacob (2016, 672 pages, 29,90 €).
Abdication, dislocation de l’empire, échec face aux luthériens… Le règne de Charles Quint n’a pas été un succès. Quelles en sont les raisons ?
Il a été confronté à des jeux de pouvoir qui ont contribué à rendre difficile la cristallisation de son projet impérial, dans la perspective que la fin du monde approchait et qu’il fallait que les chrétiens soient réunis. Sa formation érasmienne lui a sans doute fait sous-estimer que le luthéranisme n’était pas solvable dans l’Église romaine. Par ailleurs, la poussée ottomane l’a contraint à dévier son action. On le voit, quand en 1529, il doit repousser les troupes de Soliman le Magnifique hors de Vienne. Un autre obstacle est la guerre acharnée que lui mène François Ier qui ne peut accepter de le laisser devenir le suzerain de tous les suzerains. Sans parler de l’opposition du pape à une réforme interne de l’Église. Mais la surdimension de son empire a été son principal handicap.
Quelle a été la période la plus faste de son règne ?
Son couronnement à Bologne, en 1530: il lui offre enfin la consécration. C’est aussi un moment de paix avec la France.
Quelles ont été les conséquences de la paix d’Augsbourg ?
Chaque magistrat ou prince devient libre de déterminer la religion observée dans son État. Cela aboutit à une mosaïque religieuse. Les trois cinquièmes des États de l’empire adoptent le luthéranisme. Les antagonismes se calment mais ils ressurgissent en 1618, avec le début de la guerre de Trente Ans. C’est son échec le plus cuisant.
Il a tout laissé faire à son frère et s’est dit que s’il avait échoué, lui si pieux, c’est que Dieu n’a pas reconnu l’empereur providentiel qu’il croyait être. Il a été, comme les autres souverains de l’époque, l’acteur dramatique d’une situation aux problématiques et aux enjeux inextricables.