Du règne d'Henri IV à celui de Louis-Philippe La folle Histoire des Bourbons
Du règne d’Henri IV à celui de Louis-Philippe
Longtemps, la plus illustre – et la dernière – des maisons françaises n’est que l’une des branches généalogiques du tronc commun des rois Capétiens. Sans héritier mâle, les Valois vont lui donner la Couronne, lorsque le fils de Louis IX s’unit à Béatrice, fille unique d’Agnès de Bourbon et de Jean de Bourgogne. Henri IV accédera au trône de France, pierre angulaire d’une incroyable épopée familiale, dont Louis-Philippe sera le dernier héros. La dynastie règne toujours au coeur d’une Europe (Luxembourg et Espagne), qu’elle a contribué à fonder. Une folle Histoire, on vous dit !
Depuis leur berceau dans l’Allier, les seigneurs puis les ducs de Bourbon constituent un vaste domaine, qui va asseoir leur puissance grandissante. Membres du cercle royal, ils accèdent en quelques siècles au trône de France. C’est en partie grâce à eux, selon Stéphane Bern, que le pays s’est unifié et pacifié.
Quelle trace reste-t-il des rois Bourbons dans l’Histoire de France ?
Ce qui a été incroyable avec cette dynastie, c’est qu’elle n’a pas cessé, dès le Moyen Âge, d’agrandir ses possessions par des mariages ou par la guerre. Pourtant, elle a conservé un attachement profond à son territoire d’origine, le Bourbonnais, lequel correspond à peu près aux frontières de l’Allier. Les membres de cette dynastie possédaient des terres morcelées et lointaines, mais ont toujours voulu unifier leur domaine. C’est ce qu’ils ont apporté à la Couronne: un désir d’unification et de pacification. Devenus rois, ils n’avaient en tête que d’agrandir leur pré-carré, d’organiser le pays au sein de frontières sûres et bien défendues, et de créer un État fort et un peu centralisé. Louis XIV va d’ailleurs abandonner l’ancrage territorial viscéral de la dynastie, au profit de l’absolutisme et d’une « domestication » de la noblesse : les Bourbons deviennent prisonniers de la cour de Versailles. Pour mieux les cerner encore, il faut aussi se rappeler que ce sont de grands séducteurs, Louis XVI mis à part. On pourrait presque parler de ce désir impérieux de séduire, comme de la maladie des Bourbons.
Dans quel contexte accèdent-ils au trône ?
En pleines guerres de Religion et au moment où la dynastie des Valois disparaît. À l’origine, les Bourbons n’étaient qu’une famille seigneuriale parmi d’autres, le mariage entre Béatrice de Bourbon et le sixième fils de Saint Louis, trois siècles plus tôt, a changé leur destin. Devenus princes du sang, ils sont de plus en plus puissants. Le trône de France n’est alors qu’un objectif très, très lointain – Henri II a tout de même trois fils ! Les choses, toutefois, se précisent peu à peu: c’est pour cela que Catherine de Médicis marie sa fille Marguerite au futur Henri IV. Celui-ci se convertit au catholicisme en gage de sa bonne volonté. Dès lors, il organise, centralise et pacifie le royaume, avec l’ambition, comme ses successeurs, de transmettre un État plus fort aux générations suivantes. Henri IV saura, comme Louis XIV plus tard – il était quand même un peu plus rancunier! –, oublier le passé, les insultes faites au prince de Bourbon et placer l’État au-dessus de sa propre personne.
Parmi les Bourbons, quelles figures vous semblent particulièrement attachantes ?
Il y a Henri IV, qui fut un roi exceptionnel, celui de l’unification et de la pacification. Il fonde la dynastie et mène un vrai travail de stabilisation, que poursuivront ses successeurs. J’aime beaucoup Antoine de Bourbon, son père, qui connut de grands malheurs et mourut poignardé, alors qu’il satisfaisait un besoin naturel. Les ducs de Bourbon sont déjà extrêmement intéressants. Leur caractère et leur manière de gouverner, le faste de leur Cour et leurs superbes réalisations préfigurent la façon dont leurs descendants, devenus rois, exerceront le pouvoir. Ils sont fascinants. Il faut visiter leur nécropole, à Souvigny dans l’Allier, un endroit merveilleux.
« Il faut visiter la nécropole des Bourbons, à Souvigny dans l’Allier, un endroit merveilleux. »
Le village est charmant et je suis tombé amoureux de cette église. Pour les ducs de Bourbon, se faire ensevelir là témoignait de leur attachement à ce territoire, où ils sont souverains. C’est depuis cette terre que la famille va s’élever audessus des autres seigneurs.
Qu’en est-il des femmes Bourbons ?
J’admire Anne de France, mariée à Pierre de Bourbon, dit de Beaujeu. Voilà une femme qui, fille et soeur de roi, régente, aurait pu rester à la cour de France et même continuer à gouverner. Elle a préféré, par passion pour le Bourbonnais, s’y investir. Mécène et génie politique, elle anime une Cour brillante à Moulins, fait bâtir châteaux et abbayes : elle éclipse totalement son mari.
De nos jours, les Bourbons règnent encore en Europe…
Oui, c’est une dynastie qui a fait souche et donné naissance à des branches florissantes: les Bourbons-Condé, les Bourbons-Conti, les Bourbons-Orléans… Une véritable galaxie royale. Chacun de ces rameaux avait sa passion de prédilection: les chevaux pour les Condé, les arts pour les Orléans, la chasse pour les Bourbons… Une plaisanterie avant la Révolution disait que celle de Louis XVI était… le peuple! Le petitfils de Louis XIV, le duc d’Anjou, deviendra roi d’Espagne et donnera naissance aux BourbonsSiciles et aux Bourbons-Parme, dont les héritiers règnent aujourd’hui sur le Luxembourg, comme les Bourbons d’Espagne sur l’Espagne justement. Les Bourbons n’ont pas fini de faire l’Europe !
À la mort de Charles X, le droit à la Couronne passe aux Orléans. La rivalité entre légitimistes et orléanistes existe-elle encore ?
À la mort d’Henri d’Artois, comte de Chambord, les Orléans avaient récupéré leur droit à prétendre au trône, avec l’exil des Bourbons. Plus qu’une rivalité familiale, il s’agissait de deux modèles politiques : les orléanistes étaient libéraux, les légitimistes conservateurs. Or, la monarchie ne relève pas d’un choix politique, elle s’impose par le droit. À la mort du dernier prétendant Bourbon, les légitimistes, orphelins, se tournent vers les Bourbons d’Espagne. Mais depuis les Traités d’Utrecht, le vice de pérégrinité interdit à un prince parti fonder une dynastie à l’étranger de prétendre au trône de France. Henri III, qui avait voulu celui de Pologne, ne l’ignorait pas puisqu’il avait essayé de conserver ses droits. Le duc d’Anjou en devenant roi d’Espagne avait renoncé à la France, et ses héritiers après lui. Deux autres arguments l’appuient: sous Louis XV ou Louis XVI, ce sont les Orléans, et non un prince espagnol, qui ont été désignés princes du sang. La loi d’exil en 1886, qui bannissait la famille royale, visait le comte de Paris, pas les princes espagnols. Cette rivalité, devenue dynastique et non plus politique, n’a aucun sens.