Secrets d'Histoire

Henri IV ou les Bourbons au pouvoir

- Par Coline Bouvart

Alors que les guerres de Religion sèment le trouble dans le royaume, une des plus graves crises dynastique­s va faire vaciller le trône. Les trois fils d’Henri II n’ont pas d’héritier : le premier prince du sang, celui qui doit leur succéder s’ils meurent sans descendanc­e, est le champion du camp protestant, Henri de Bourbon, roi de Navarre. Il a le droit pour lui, mais un royaume à conquérir. Son intelligen­ce politique, son audace et sa capacité à pardonner vont lui frayer un chemin vers le trône.

Henri de Bourbon voit le jour à Pau, le 13 décembre 1553. Selon Jean-Paul Desprat, son biographe, il reçoit à sa naissance un bien précieux: la diversité. Par son père, Antoine de Bourbon, il descend en ligne directe de Saint Louis et occupe, dès l’âge de 9 ans, le rang de premier prince du sang. C’est-à-dire qu’en cas d’extinction de la famille royale, il deviendra l’héritier présomptif du trône de France. En effet, à la mort du connétable de Bourbon, Charles III, la branche aînée des Bourbons s’est éteinte dans le déshonneur de sa trahison. Aussi, les membres de la branche cadette des Bourbons-Vendôme sont-ils devenus princes du sang. Vassal du roi, le Béarnais détient cependant l’autorité suzeraine d’un cinquième du royaume (avec Vendôme, Foix, Béarn, Albret, Armagnac, Alençon, Soissons, Périgord, Limousin). En 1572, à la mort de sa mère Jeanne d’Albret, il devient également souverain de Navarre. Enfin, il grandit entre une mère protestant­e et un père catholique et il oscillera une bonne partie de sa vie entre les deux religions.

La noce n’aura pas suffi

Après le Traité de Saint-Germain (1570), la régente Catherine de Médicis imagine de marier sa fille Marguerite à Henri, afin de sceller la réconcilia­tion entre catholique­s et protestant­s. Malgré la réticence de sa mère, Jeanne d’Albret (elle mourra d’ailleurs juste avant la noce), le roi de Navarre épouse Marguerite de Valois, le 18 août 1572, à Paris. Loin de calmer les esprits, l’événement met le feu aux poudres : le 24 août, lors de la Saint-Barthélemy, des milliers de protestant­s sont massacrés. Le roi se convertit au catholicis­me peu après. Son union, toutefois, ne sera pas heureuse. Il parvient à s’échapper de la Cour et renoue avec

la religion réformée. Dès lors, les rapports avec la couronne de France se compliquen­t, Henri de Navarre prenant la tête du camp protestant.

Un prince du sang contesté

Lorsqu’en 1584 meurt le duc d’Anjou, plus jeune frère du roi Henri III, la question de la succession devient urgente. Des émissaires se rendent secrètemen­t auprès d’Henri de Navarre pour le presser de se convertir au catholicis­me, afin qu’il puisse être désigné comme successeur du roi de France. Pour l’instant, le Béarnais joue la montre et plaide plutôt en faveur d’un programme de tolérance et de coexistenc­e des deux religions. Mais, comme le souligne Jean-Paul Desprat, il ne dit plus qu’il ne se convertira pas. De son côté, Henri III, très attaché aux lois fondamenta­les, est convaincu de la légitimité de son beau-frère comme successeur. Jean-Paul Desprat cite une de ses lettres: « Aujourd’hui, je reconnais le roi de Navarre pour mon seul et unique héritier. C’est un prince bien né et de bon naturel. Mon naturel a toujours été de l’aimer et je sais qu’il m’aime. Il est un peu colère et piquant, mais le fond en est bon. » Autour du roi, pourtant, nombreux sont ceux qui ne partagent pas son avis. Certains préférerai­ent simplement un autre candidat, comme le cardinal de Bourbon (soutenu par les Ligueurs), quand ils ne contestent pas la légitimité même de la loi salique et les droits d’Henri de Navarre, cousin seulement au… 22e degré du souverain.

La guerre des trois Henri

Agacés par l’attentisme royal, ulcérés à l’idée qu’un protestant puisse monter sur le France, les Ligueurs, et les Guise à leur tête, pressent Henri III. Affaibli, ce dernier cède et s’allie à eux contre le roi de Navarre. C’est la guerre des trois Henri: Henri III, Henri Ier de Guise et Henri de Navarre. Si les premiers affronteme­nts tournent au désavantag­e du Béarnais, la situation va bientôt se renverser. Convaincu en son for intérieur qu’Henri de Navarre est son héritier légitime –

à condition toujours qu’il se convertiss­e –, Henri III crée la surprise: il fait assassiner le duc et le cardinal de Guise, l’un après l’autre, les 23 et 24 décembre 1588, au château de Blois.

Le trône des Valois passe aux Bourbons

Les deux Henri survivants scellent leur entente, le 30 avril 1589, à Plessis-lez-Tours. Les retrouvail­les sont particuliè­rement chaleureus­es. Ils mènent ensuite conjointem­ent leurs troupes pour reprendre Paris, tenu par la Ligue. Mais alors qu’il s’est installé à Saint-Cloud pour mener le siège de la capitale, Henri III est poignardé, le 1er août, par un moine fanatique, Jacques Clément. Henri de Navarre accourt à son chevet. Le roi a le temps de demander publiqueme­nt à son entourage de le reconnaîtr­e comme son héritier: « La justice, de laquelle j’ai toujours été le protecteur veut que vous succédez après moi à ce royaume, dans lequel vous aurez beaucoup de traverse si vous ne vous résolvez pas à changer de religion. Je vous y exhorte, autant pour le salut de votre âme que pour l’avantage du bien que je vous souhaite. (…) Je vous prie, comme mes amis, et vous ordonne, comme votre roi, que vous reconnaiss­iez après ma mort mon frère que voici (…). Et que, pour ma satisfacti­on et votre propre devoir, vous lui fassiez serment en ma présence. » Le trône des Valois passe aux Bourbons. Reconnu par son prédécesse­ur, avec le droit pour lui, Henri IV doit toutefois conquérir son royaume.

Une abjuration et un sacre

Dès le 4 août 1589, Henri IV publie la « déclaratio­n de Saint-Cloud » : il s’engage à réunir les États-Généraux et à maintenir le catholicis­me. Les nobles non-ligueurs se soumettent. Il peut alors mener bataille contre la Ligue. Le 25 juillet 1593, à la basilique Saint Denis, il abjure officielle­ment –et définitive­ment – la foi protestant­e. Le 27 février 1594, il est sacré roi à Chartres. Et, alors qu’il avait été excommunié, le pape Clément VIII absout Henri IV puis le reconnaît comme roi TrèsChréti­en. Un Bourbon peut enfin régner.

 ??  ?? Henri IV, roi de France et de Navarre (1823), de Louis Hersent ; musée national du Château de Pau.
Henri IV, roi de France et de Navarre (1823), de Louis Hersent ; musée national du Château de Pau.
 ??  ?? Vue du château de Pau où naquit Henri IV (1814), d’Alexandre Millin du Perreux. Au premier plan, un groupe fait cercle autour de Jeanne d’Albret et d’Antoine de Bourbon, présentant leur nourrisson : Henri, qui deviendra héritier présomptif du trône de France dès 1584.
Vue du château de Pau où naquit Henri IV (1814), d’Alexandre Millin du Perreux. Au premier plan, un groupe fait cercle autour de Jeanne d’Albret et d’Antoine de Bourbon, présentant leur nourrisson : Henri, qui deviendra héritier présomptif du trône de France dès 1584.
 ??  ?? 24 août 1572 – Scène du massacre de la Saint-Barthélemy dans l’appartemen­t de la reine de Navarre (1834), d’Évariste Fragonard. Le massacre des protestant­s dans tout le royaume a suivi de quelques jours le mariage d’Henri III de Navarre (futur Henri IV) et de Marguerite de France.
24 août 1572 – Scène du massacre de la Saint-Barthélemy dans l’appartemen­t de la reine de Navarre (1834), d’Évariste Fragonard. Le massacre des protestant­s dans tout le royaume a suivi de quelques jours le mariage d’Henri III de Navarre (futur Henri IV) et de Marguerite de France.
 ??  ?? La Sainte Ampoule de l’abbaye de Marmoutier, utilisée lors du sacre d’Henri IV, a disparu depuis 1792.
La Sainte Ampoule de l’abbaye de Marmoutier, utilisée lors du sacre d’Henri IV, a disparu depuis 1792.
 ??  ?? Portrait d’époque d’Henri III (1551-1589), anonyme ; musée Granet à Aix en Provence.
Portrait d’époque d’Henri III (1551-1589), anonyme ; musée Granet à Aix en Provence.
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 ??  ?? En 1588, Henri de Guise convoque les États-Généraux pour obtenir la déchéance du roi Henri III. Dès lors, ce dernier n’a qu’une issue, faire tuer son rival. Pour cela, il l’attire dans un guetapens à Blois. Illustrati­ons : La Rencontre d’Henri III et du duc de Guise (1855), de PierreChar­les Comte ; et L’Assassinat du duc de Guise (1834), de Paul Delaroche.
En 1588, Henri de Guise convoque les États-Généraux pour obtenir la déchéance du roi Henri III. Dès lors, ce dernier n’a qu’une issue, faire tuer son rival. Pour cela, il l’attire dans un guetapens à Blois. Illustrati­ons : La Rencontre d’Henri III et du duc de Guise (1855), de PierreChar­les Comte ; et L’Assassinat du duc de Guise (1834), de Paul Delaroche.

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