Les Bourbons-Siciles : le crépuscule d’une monarchie
Descendants de Louis XIV par les Bourbons d’Espagne, les Bourbons-Siciles gouvernent les royaumes de Naples et de Sicile pendant près d’un siècle. Cette jeune dynastie ne parvient pas à s’ancrer davantage au pouvoir. Prise dans les séismes politiques provoqués par Napoléon et la réunification italienne, elle perd ses Couronnes au profit de la maison de Savoie.
Au xviii e siècle, l’Italie est une mosaïque de territoires que se disputent surtout les États pontificaux, l’Autriche et l’Espagne. En 1731, Antoine Farnèse, duc de Parme, meurt dans des conditions troubles. Selon son testament, il lègue ses terres à son enfant à naître. Les mois passent mais Henriette d’Este, son épouse, ne met aucun bébé au monde! La nièce du défunt, Élisabeth
Farnèse, reine d’Espagne, revendique alors l’héritage pour son fils Charles. Le cadet du roi d’Espagne n’a que peu de chances de succéder un jour à son père: autant se battre pour lui offrir une autre Couronne. En partant du duché de Parme, Charles conquiert le royaume de Sicile et celui de Naples, alors distincts. La nouvelle maison BourbonDeuxSiciles impose sa domination sur la moitié de l’Italie. Elle aussi, par son ascendance espagnole, descend de Louis XIV. Contre
toute attente, en 1759, Charles est appelé à succéder à son demifrère en Espagne. Il cède alors sa couronne italienne à son fils cadet, Ferdinand. Le petit garçon n’a que 8 ans, lorsqu’il prend ses fonctions. Cela lui laisse le temps de se former pour affronter l’une des périodes les plus troublées de l’Histoire de l’Europe.
Une Italie en pleine mutation
La Révolution française a généré, par le truchement de Napoléon, un remaniement des frontières. Le Corse met la main sur Naples et l’offre à son frère Joseph puis à Joachim Murat, grand militaire marié à sa soeur Caroline. Après maintes péripéties, Murat fuit Naples en 1815. Ferdinand a le champ libre pour récupérer ses terres et fonde, en 1816, le royaume des DeuxSiciles. Il règne alors sur la moitié sud de l’Italie. Face à un monde en pleine mutation, celui qui est dorénavant Ferdinand Ier tient le cap d’une politique conservatrice. Soucieux de mettre en avant son patrimoine historique, à une époque où les intellectuels européens s’émerveillent de l’Antiquité, il fonde à Naples le Musée archéologique. Après sa mort, François Ier, son cadet, lui succède pour cinq années. Ferdinand II, le fils de ce dernier, fait face à son tour à des événements tragiques. Âgé de seulement 20 ans, il prend toute la mesure de sa tâche et réforme les Finances et l’Administration. En 1848, il dote son royaume d’une constitution mais la première guerre d’indépendance éclate. La Sardaigne attaque les possessions italiennes d’Autriche. L’idée d’une Italie réunifiée est en germe. Ferdinand II se range du côté de la Sardaigne et, simultanément, fait face aux assauts indépendantistes en Sicile. Le roi prend la décision de bombarder Messine, tombée aux mains d’une engeance libérale soutenue par l’Angleterre. Pendant plus de huit heures, l’armée fait régner le chaos dans la ville. Ferdinand II, jadis si populaire, gagne le terrible surnom de Re Bomba (« le roi bombe »). Si le souverain a, un temps, rêvé de fédérer l’Italie autour de sa personne, ses espoirs partent en lambeaux. Il est désormais perçu comme l’un de ces rois catholiques issus de l’ancien monde, que l’Europe commence à abhorrer. En 1856, il reçoit un coup de baïonnette donné par un soldat calabrais, à la sortie de la messe de l’Immaculée Conception. Il en réchappe par miracle. Trois ans plus tard, avant ses 50 ans, Ferdinand II apparaît
comme un roi épuisé. Il souffre d’un abcès qu’il refuse de faire opérer. L’infection est si grave qu’il ne peut assister au mariage de son fils François, duc de Calabre, avec MarieSophie, duchesse en Bavière – elle est la soeur de Sissi, impératrice d’Autriche. Le jeune couple se retrouve au pouvoir en mai 1859. François II, dont le charisme est loin d’égaler celui de son père, souffre d’un phimosis, un rétrécissement de l’orifice préputial qui l’empêche de consommer son mariage. Il ne parvient pas à conserver son royaume en déliquescence : les troupes de Garibaldi au service de la maison de Savoie intègrent, sans son consentement, les DeuxSiciles à l’Italie.
Dernier sursaut d’orgueil
François II et son épouse se réfugient à Gaète : la citadelle du Latium dépend des États pontificaux. MarieSophie, du haut de ses 19 ans, devient l’égérie de la résistance. Il fallait la fougue romantique d’une Wittelsbach pour s’opposer au Risorgimento, la réunification italienne. Ce sursaut d’orgueil de la maison BourbonSiciles est son chant du cygne. Le 20 mars 1861, son royaume cesse d’exister. Trois jours auparavant, VictorEmmanuel II, le chef de la maison de Savoie, est titré roi d’Italie. Le royaume des DeuxSiciles a disparu mais la dynastie n’est pas morte. Alphonse, le demifrère de François II, s’est lancé à corps perdu dans les guerres carlistes en Espagne. À partir de son petitfils, Alphonse de Bourbon (19011964), la maison se scinde entre les BourbonsCalabre et les BourbonsCastro. Les deux branches revendiquent toujours la couronne des DeuxSiciles. Qui sait si les surprises de l’Histoire, au gré des alliances avec ce qu’il reste des maisons royales européennes, ne les conduiront pas à nouveau sur un trône ?
Le 17 mars 1861, VictorEmmanuel II, le chef de la maison de Savoie, est titré roi d’Italie. Le royaume des Deux-Siciles a disparu mais la dynastie n’est pas morte.