Un pharaon réformateur et bâtisseur
Les innombrables objets retrouvés dans la tombe de Toutânkhamon, les inscriptions ou encore les vestiges archéologiques dispersés en Égypte, et audelà, permettent de reconstituer en partie les grands événements et entreprises qui ont marqué les huit années de règne du pharaon.
On le connaît aujourd'hui en tant que Toutânkhamon mais c'est le nom de Toutânkhaton qu'il reçoit à sa naissance, et sous celui de Nebkhéperourê, qu'il est sacré. Ces changements ont des raisons politiques et symboliques. Toutânkhaton signifie littéralement « celui qui est l'image vivante d'Aton ». Or, le pharaon veut rompre avec la politique religieuse de son père, qui avait popularisé le culte d'Aton au détriment de celui d'Amon. Peu après son intronisation, il devient donc Toutânkhamon, c'est-à-dire « l'image vivante d'Amon ». Il rétablit ainsi le culte d'Amon et du panthéon traditionnel. Son épouse, aussi, doit abandonner son nom de naissance pour sceller le retour à une religion traditionnelle: elle est rebaptisée Ânkhesenamon. Comme le veut la coutume, à son intronisation, le pharaon reçoit, en outre, une titulature qui traduit sa puissance. Il est titré : « Qui donne force aux lois, qui apaise les Deux Terres et tous les dieux », « Qui est paré des insignes royaux, qui apaise les dieux », « Souveraine manifestation de Rê », « Vivante image d'Amon, seigneur d'Héliopolis en Haute-Égypte ». La restauration religieuse
Ce que l'on retient du règne de Toutânkhamon, c'est son oeuvre de restauration religieuse, qui marque un tournant dans l'Histoire égyptienne. Malgré sa jeunesse, le souverain s'affirme par les décisions fortes qu'il prend dans ce domaine. La stèle de la Restauration, un texte long d'une trentaine de lignes retrouvé sur le site de Karnak (près de l'actuelle Luxor), fait l'éloge de la politique du pharaon : « J'ai trouvé les temples en ruine, les naos brisés et les cours envahies par les herbes. J'ai restauré les sanctuaires, j'ai reconstruit les temples et les ai dotés de toutes sortes de trésors. » Le culte d'Amon est rétabli, sans pour autant que
« J'ai trouvé les temples en ruine, les naos brisés et les cours envahies par les herbes. J'ai restauré les sanctuaires, j'ai reconstruit les temples et les ai dotés de toutes sortes de trésors. »
celui d'Aton soit proscrit. Toutânkhamon montre ainsi sa tolérance. De nouveaux prêtres sont nommés, on recommence à célébrer des fêtes tombées dans l'oubli. Memphis redevient la capitale administrative du royaume d'Égypte et Thèbes, son centre religieux. Le jeune pharaon rétablit la prospérité et la sérénité.
Les fastes d'un règne
D'après les vestiges archéologiques, même s'il est difficile de discerner ce que l'on peut lui attribuer en propre, il semble bien que Toutânkhamon ait été un bâtisseur, en Égypte, et au-delà. Pendant son règne, de grands travaux de restauration du temple de Karnak sont entrepris. Sur ce même site, on lui attribue la construction du dromos, ensemble monumental constitué par une rangée de sphinx à tête de bélier, longue de 2,7 kilomètres. Des stèles, des éléments architecturaux, des sculptures sont érigées dans le temple d'Amon. Certaines le représentent, accompagné du dieu dont il s'est fait le défenseur et qui en retour est son protecteur. Toutânkhamon aurait fait figurer le dieu Amon à son effigie. Sur le portique du temple, il fait représenter des processions d'Aménophis III, son grand-père : la fête célébrant la venue d'Amon à Louxor est reproduite avec une grande finesse. Des traces de son règne sont signalées à Memphis (près de l'actuel Caire) et dans tout le pays, mais aussi en Nubie
Des répliques de bateaux, aux couleurs vives, ont accompagné le pharaon dans son dernier voyage.
(nord du Soudan) ou en Palestine. Pour un règne qui n'a duré que huit années, tous ces vestiges font penser que le pharaon a été bien actif.
Le temps des loisirs
Devenu pharaon, Toutânkhamon ne renonce pas à se distraire. Il a de nombreux loisirs, comme en témoignent les objets préservés dans sa tombe. Le Nil se prête formidablement à la navigation de plaisance : des modèles réduits de bateaux, aux couleurs vives, l'ont accompagné dans son dernier voyage. Le souverain s'illustre également à la chasse : bravant l'équilibre sur son char, les rênes autour de la taille, un arc entre les mains, il est escorté de serviteurs et de chiens, tandis qu'il poursuit des autruches. Au retour – triomphal, forcément – il reprend les rênes du char et les serviteurs croulent sous le poids des autruches capturées. Frondes, armes de jet, boomerangs, dagues, etc.: les armes découvertes indiquent qu'il pratique les sports de combat. Il ne répugnait pas non plus aux activités plus calmes, comme les jeux, osselets ou senet (une sorte de damier avec des pions). La présence de crotales (des castagnettes) montre qu'il est musicien.
La vie conjugale et familiale
À part son mariage avec Ânkhesenamon, peu de choses nous sont parvenues sur la vie privée et conjugale de Toutânkhamon, connue uniquement par quelques représentations. Sur un petit coffre, par exemple, le roi et la reine dessinés se promènent, tendrement enlacés; ou alors la reine attache un collier au cou de son époux. Une autre scène montre le couple pendant une partie de chasse. Ailleurs, le pharaon, assis sur un tabouret, vise les oiseaux avec son arc, alors que sa femme se tient à ses pieds sur un coussin. Elle l'observe fascinée, se prépare à lui tendre une autre flèche… Les archéologues ont fait une découverte inattendue dans un caisson: deux sarcophages miniatures, contenant chacun un foetus momifié d'une trentaine de centimètres. Les analyses ADN effectuées sur les deux petits corps, et le soin avec lequel ils ont été préservés, indiquent qu'il s'agit vraisemblablement des filles du pharaon. Il n'était pas d'usage de baptiser les enfants mort-nés; aussi, aucun nom ne figure
sur les cercueils. Lorsqu'il décède, en 1327 avant notre ère, Toutânkhamon n'a pas d'héritier. C'est Aÿ, son fidèle conseiller, qui lui succède.
Une mort mystérieuse
Prévoyant, Toutânkhamon avait commencé à faire bâtir son temple funéraire pendant son règne. Sans doute, celui-ci est-il plus court qu'il ne le prévoyait, puisqu'il s'éteint à l'âge de 18 ans sans que sa tombe ne soit achevée. A-t-il été victime du paludisme ou de la malaria comme le laissent penser des prélèvements faits sur la momie? D'une hémorragie consécutive à un coup porté à la tête, qui lui a été fatale? Un scanner a révélé, en tout cas, la présence d'un fragment osseux dans son crâne. A-t-il succombé à une infection, suite à une fracture de la jambe? Les nombreuses cannes et crosses retrouvées dans sa tombe et la découverte qu'il avait un pied bot rendent plausible une santé précaire, sans doute aussi due à la consanguinité de ses parents. Certains évoquent, enfin, un accident de char mais, étant donné ses infirmités, il n'était plus capable de se tenir sur un char… Tout comme sa naissance, les conditions du décès de Toutânkhamon sont loin d'être éclaircies et sans témoignage contemporain à ce sujet, il est difficile de trancher entre toutes ces hypothèses.