1810-1818 : quand Désirée n’en fait qu’à sa tête
Après une incroyable élection, Bernadotte devient prince héritier de Suède. Une exceptionnelle ascension qui doit beaucoup aux soubresauts qui agitent l’Europe face au danger napoléonien. Toutefois, rien ne se passe comme prévu et Bernadotte refuse d'être le pantin de Napoléon. Quant à Désirée, le climat suédois et la rigueur empesée de la Cour ne lui conviennent décidément pas.
Le 20 octobre 1810, Bernadotte arrive à Stockholm. Candidat outsider au trône de Suède, il a réussi l’impensable. Il est devenu prince royal, adopté comme héritier par le roi Charles XIII et appelé à lui succéder. Celui-ci étant gagné par la sénilité, il assume de fait la régence. Comment ce pays luthérien a-t-il pu se choisir un Béarnais, soldat de Napoléon et catholique ? L'empereur des Français veut faire l’union des pays scandinaves contre la Russie et l’Angleterre. Il pense donc avoir la Suède dans sa poche, en mettant un pantin à sa tête – il fait de même en Espagne ou à Naples, où il place ses frères et beaux-frères. Les Suédois acceptent Bernadotte, choisi en réalité un peu par défaut, car ils sont persuadés que
celui-ci est dans les petits papiers de Napoléon, en raison de ses liens familiaux. Ils pensent ainsi s’attirer les bonnes grâces de l’empereur et récupérer la Finlande, annexée par la Russie. Grâce à une habile campagne de propagande, Bernadotte devance son concurrent, le prince danois d’Augustenburg, et prend le nom de Charles-Jean.
Une princesse « de loin »
Et la nouvelle princesse de Suède ? Désirée est abasourdie et… pas très ravie par la nouvelle. Elle qui se voyait princesse « de loin », comme elle l’est déjà de Ponte-Corvo, apprend qu’il lui faut aller vivre en Suède. Elle geint, pleure. Rien n’y fait. Bernadotte tente de lui faire entendre raison, arguant qu’on ne refuse pas une Couronne.
Contrainte, elle le rejoint en décembre. Le choc est rude pour la Marseillaise! Le froid, l’absence de lumière, la nourriture – qui rebute son palais de Provençale – et l’étiquette surannée de la vieille cour de Suède viennent à bout de ses bonnes résolutions. Cinq mois plus tard, elle annonce à son époux qu’elle rentre en France, officiellement pour des raisons de santé. Il la laisse partir, soulagé. Désirée, qui n’a pas su se faire aimer, dessert ses ambitions politiques. Elle refuse même d’abjurer la foi catholique, alors que lui s’est converti au luthéranisme sans aucun état d’âme. La récente rencontre de Bernadotte avec la jeune Mariana Koskull, demoiselle d’honneur de la reine, explique sans doute aussi sa mansuétude. Désirée part en juin 1811, laissant derrière elle son mari et son fils, lequel commence son éducation royale. Son absence durera douze années! La petite espionne
Commence une curieuse période pour les époux Bernadotte, qui vivent séparés mais continuent de s’écrire tendrement. Jean-Baptiste devenu le prince Charles-Jean fait son apprentissage de dirigeant. Il envoie ses discours à Désirée, qui les commente. De son côté, elle retrouve avec bonheur la France, sa soeur chérie et… Napoléon, avec qui elle renoue en toute amitié. Mieux, elle rapporte fidèlement ses propos à son mari, qui l’appelle « ma petite espionne ». Elle fait même valoir le point de vue de l’empereur quand celuici lui demande d'intercéder auprès de la cour de Suède. Joue-t-elle un double jeu? Malgré ses
Entre l'empereur et Bernadotte, l’animosité ne fait que croître, désormais pour des raisons de politique extérieure.
bons offices, l’animosité entre les deux hommes ne fait que croître, désormais pour des raisons de politique extérieure. Bernadotte va donner du fil à retordre à l’empereur. Pendant des mois, il évite l'affrontement, paraît se ranger du côté de la France, en participant au blocus contre l’Angleterre. Cependant, il veut aussi la paix avec la Russie. La Suède renonce alors à la Finlande et demande en échange la Norvège, qui appartient au Danemark. Bernadotte veut l’obtenir, sans faire la guerre au pays qui l'a vu naître. Alors, il louvoie, signe des alliances avec l’Angleterre et la Russie; finalement, il participe à la coalition contre Napoléon, en 1813. Il se bat contre les troupes impériales en Allemagne mais refuse de le faire en France. Désirée lui écrit de ne pas se déclarer contre les Français car il a peut-être un rôle à jouer à Paris. Le tsar lui souffle la même chose, anticipant la défaite napoléonienne.
La Suède comme une évidence
Pour Bernadotte, la tentation est grande de se voir à la place de son ennemi! Mais si le prince Charles-Jean se rêve sur le trône de France, il ne veut pas risquer de ne pas être roi de Suède. Le 6 avril 1814, Napoléon abdique, laissant la place libre pour Louis XVIII. Désirée écrit à son mari de venir rapidement à Paris. Ce qu’il fait, mais non en conquérant, à la tête de son armée, juste avec une escorte d’amis. Il se rend compte qu’en France, il n’est pas aussi populaire qu’il le croyait. La Suède s’impose alors comme une évidence. Il va consacrer les quatre années suivantes à l’union avec la Norvège, gagnant une légitimité dont il va avoir besoin car, le 5 février 1818, Charles XIII meurt.
Désirée retrouve avec bonheur la France, sa soeur et… Napoléon, avec qui elle renoue en toute amitié. Désirée Clary, princesse royale de Suède (1810) de François Gérard.