L'édito de Stéphane Bern
La place réservée aux femmes dans l’Histoire de France ne rend guère justice au rôle qu’elles ont joué au fil des siècles et à la part qu’elles ont prise pour faire rayonner les arts, les lettres et les lois. Relayées au rang subalterne « d’épouse », de « mère » ou de « fille », les princesses, reines et régentes du royaume des lys ont pourtant davantage contribué à défendre, protéger et enrichir la France que les quelques lignes qu’elles occupent dans les manuels scolaires ou les ouvrages encyclopédiques. Les lois saliques du royaume leur ont assigné une place et un rang qui ne leur permettaient pas officiellement d’exercer un quelconque pouvoir. Quant aux favorites et aux maîtresses, ayant un ascendant sur le coeur du roi, et régentant au-delà de ses sens les modes et usages de la Cour, pour ne rien dire de leur influence sur la politique, les historiens leur réservent un traitement qui confine au mépris. C’est un tort que répare Alexandre Maral avec son livre Femmes de Versailles et qui constitue le dossier central de ce numéro de Secrets d’Histoire magazine. Certes, Versailles est né de la volonté d’un homme, Louis XIV, le Roi-Soleil, mais il aspirait à être l’astre solaire autour duquel toutes les étoiles devaient briller. Les femmes, à Versailles, sont ainsi « le plus bel ornement de la Cour ». Si les reines accomplissaient leur devoir de souveraine sans se mêler des affaires de la France, les maîtresses en usèrent différemment, animant les coteries, commanditant les arts, faisant les nominations, favorisant les charges et privilèges des uns, provoquant la disgrâce des autres… Sauf Louis XVI, fidèle à MarieAntoinette dont Mirabeau dira « le roi n’a qu’un homme, c’est sa femme ».
Ce numéro nous propose une incroyable galerie de portraits féminins, et vous allez découvrir combien Versailles prend soudain des allures de gynécée où les femmes règnent sur le coeur des princes qui nous gouvernent… Certes, les femmes n’ont pas le pouvoir, mais assurément elles en exercent un qui est loin d’être négligeable. Il suffit au lecteur de se plonger dans le « règne » de Madame de Maintenon ou de la marquise de Pompadour pour apprécier leur art de tirer les ficelles, d’influencer le roi, de promouvoir un clan, d’orchestrer les disgrâces ou d’ordonnancer les grands travaux… À Versailles, il faut aussi davantage faire connaissance avec trois reines toutes différentes, Marie-Thérèse d’Autriche, Marie Leszczynska et Marie-Antoinette d’Autriche, ainsi que des personnalités souvent méconnues, des filles et belles-filles des souverains, dont la duchesse de Berri si chère à Saint-Simon, la princesse Marie-Adélaïde de Savoie, coqueluche de la Cour ou les redoutables Mesdames filles de Louis XV. Vous allez découvrir un Versailles méconnu dessinant une singulière Histoire de France où s’exerce le règne des femmes.
Ce magazine Secrets d’Histoire vous offre aussi un portrait de Voltaire, le philosophe qui affirmait qu’« à Versailles, l’art le plus nécessaire n’est pas celui de bien parler, mais de savoir se taire » ! Et s’il est question de grands esprits et de grands sentiments, pourquoi ne pas plonger au coeur de la passion qui unit François-René de Chateaubriand et l’une des trois grâces du Directoire, Juliette Récamier? Après lecture de ce numéro, le palais de Buckingham, résidence officielle à Londres de la reine d’Angleterre, n’aura plus aucun secret pour vous, ainsi que le parcours sinueux d’un personnage qui a défrayé la chronique, le duc de Lauzun. Enfin, exposé au château d’Amboise, le tableau de François-Guillaume Ménageot représentant la mort de Léonard de Vinci, il y a juste 500 ans, sera passé au crible de la vérité historique : par quel miracle le génie de la Renaissance a-t-il pu rendre son dernier soupir dans les bras de François Ier… qui se trouvait à Saint-Germain-en-Laye où la reine Claude venait d’accoucher du futur Henri II. À travers une oeuvre d’art, l’Histoire est une enquête étonnante qui, je l’espère, saura vous passionner. Bonne lecture à tous.