La Champagne, terre de guerres et de plaisirs
Des oppida romaines au baptême de Clovis, des guerres de religion aux sacres des rois de France, des Guise à Diderot, la Champagne occupe, tout au long des siècles, une place centrale dans l’Histoire de France, voire d’Europe. Région de passage qui relie l’Italie aux îles britanniques via la Bourgogne et les plaines du Nord, sa situation lui donne rapidement une dimension économique et politique d’envergure.
Les Rèmes, peuple venu de Belgique, s’installent entre Marne, Oise et Ardennes au Ier siècle avant J.-C.
Dominant les Catalaunes de Châlons, les Lingons du plateau de Langres, les Tricasses d’Augustobona (Troyes), les Senones de Sens, et les Meldes de Meaux, ils y fondent Durocortorum qui deviendra Reims. L’urbanisation se fait autour d’une ville par peuple. Mais bientôt, au ve siècle après J.-C., les invasions barbares déferlent sur la future Champagne. Wisigoths, Burgondes et Francs dévastent le pays. Ces derniers, bien décidés à s’y maintenir, s’allient aux troupes gallo-romaines menées par Aetius et parviennent à vaincre les Huns, le 20 juin 451, lors de la fameuse bataille des Champs Catalauniques, près de Châlons. Devenu roi des Francs saliens en 482, Clovis, après avoir remporté la victoire de Tolbiac sur les Alamans, se fait baptiser par l’évêque de Reims, saint Remi, et annexe le territoire. Dès lors, le baptême de Clovis sera considéré comme l’acte fondateur de la France. Ses fils rétablissent l’ordre politique et religieux dans le pays. Mais le traité de Verdun, en 843, divise en trois parts l’empire de leurs successeurs carolingiens, coupant ainsi en deux le territoire champenois. La région devient
une « marche », c’est-à-dire une zone frontalière. Un statut qui fera sa richesse. Les échanges Nord Sud (Italie, Pays-Bas) génèrent de grandes foires qui attirent une clientèle internationale.
De la famille de Blois à Philippe le Bel
Le monachisme se développe. Saint Bernard fonde l’abbaye de Clairvaux en 1115, Abélard celle du Paraclet en 1122. Le Moyen Âge voit se bâtir les cathédrales de Reims, Troyes, Châlons et Langres. C’est le règne de la famille de Blois dont le représentant le plus connu est sans doute le comte Thibaud IV (1201-1253), dit le Chansonnier, à qui la reine Blanche de Castille, mère de saint Louis, inspira un amour qu’il mit en vers et dont on trouve des vestiges empreints sur les décorations murales de ses châteaux, notamment à Provins. Cette indépendance ne va pas durer. Le comté est réuni au domaine royal en 1284 par le mariage de Jeanne de Navarre, issue de la Maison de Champagne, avec Philippe le Bel, lequel devient roi l’année suivante. Cependant, il conserve une existence juridique jusqu’en 1314 sous le règne de Louis X le Hutin. Déjà la Champagne est exsangue. Pour renflouer les caisses du royaume, Philippe le Bel a éliminé Templiers et juifs, ruinant le commerce champenois. L’ordre du Temple, dont la règle a été codifiée par le concile de Troyes en 1129, est très influent et sert de banquier aux grandes foires. Celles-ci périclitent puis disparaissent.
Terre de grandes batailles
La Champagne est ensuite profondément touchée par la guerre de Cent Ans. Ce sont d’abord les grandes compagnies de routiers qui pillent la région, puis les jacqueries, puis les chevauchées (raids) d’Édouard III d’Angleterre et de ses successeurs. Les campagnes se vident, la population se réfugie dans les villes, fuyant peste noire et famine. Après le sacre de Charles VII et la paix retrouvée, la Champagne vit une courte trêve avant que les armées de Charles Quint ne déferlent sur elle, en 1544. Puis éclatent les guerres de religion. L’implantation territoriale des chefs de parti – les fils aînés des Guise gouvernent la province tandis que leurs cadets sont évêques de Reims – place la Champagne au coeur du conflit. Le 1er mars 1562, des soldats de François de Guise massacrent une soixantaine de protestants rassemblés à Wassy, signant le début des hostilités. La France pacifiée, un autre conflit fait rage, la guerre de Trente Ans (1618-1648). Le 19 mai 1643, la bataille de Rocroi, non loin de là, dans les Ardennes, permet à la France d’emporter une victoire éclatante sur l’Espagne. La Fronde (1648-1653) provoque à son tour de violents affrontements. La Révolution aussi va laisser sa marque. Le 20 septembre 1792, les généraux Dumouriez et Kellermann remportent la bataille de Valmy, dans la Marne. Désormais, la région, augmentée de la vallée de la Meuse et du comté bourguignon de Barsur-Seine, est divisée en quatre départements. La Champagne connaît encore bien des vicissitudes : crise du phylloxéra qui, à la fin du xixe siècle dévore le vignoble ou encore les deux batailles de la Marne (du 5 au 12 septembre 1914 et du 27 mai au 6 août 1918). Le bilan de la Première Guerre mondiale est terrible : 35000 morts, 24000 fermes et 20000 maisons ruinées font de Reims la ville la plus sinistrée de France. Il faudra vingt ans aux alliés pour rendre à la cathédrale Notre-Dame toute sa splendeur.