Madame de Maintenon, la « presque reine » dans l’ombre de Louis XIV
Sa grande vivacité d’esprit l’avait hissée jusque dans les allées du pouvoir : à Versailles, Madame de Maintenon joua auprès de Louis XIV un rôle déterminant. À la fois femme forte et femme d’esprit, elle fut une épouse discrète, oeuvrant dans l’ombre pour la grande gloire du plus puissant souverain d’Europe.
Il avait fallu près de quatre ans à celle qui n’était alors que la « veuve Scarron » pour sortir de la vie cachée où la tenait sa mission secrète : en 1674, alors que les enfants issus des amours licencieuses de Madame de Montespan et de Louis XIV sont reconnus par leur père légitime, leur gouvernante entre dans les faveurs royales et s’installe à Versailles. L’attachement sincère qu’elle portait à ces enfants « de la faute » – notamment au duc du Maine – avait attiré sur Françoise de Maintenon (née Françoise d’Aubigné) l’estime bienveillante du roi qui, face à sa tempétueuse maîtresse Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, trouvait en elle une âme patiente et discrète. Au lendemain de l’affaire des poisons, alors que Louis XIV découvre dans l’affliction les rôles d’intrigants joués par tant de membres de son proche entourage, Madame de Maintenon
sent son destin l’appeler. « Je commençais à voir, expliquera-t-elle des années plus tard à son amie Madame de Glapion, qu’il ne me serait pas impossible d’être utile au salut du roi. Je bornais là toutes mes vues. » Et alors que La Montespan tombe en disgrâce, elle reçoit la distinction de seconde femme d’atours de la dauphine en même temps que la confiance du monarque. Aux yeux de tous, Louis XIV laisse éclater sa considération au grand jour, rendant fréquemment visite à cette femme que la dévotion reconnue éloigne du soupçon de ne devenir qu’une nouvelle éphémère favorite.
Un mariage morganatique
Ensemble, ils entrent en des « conversations infinies », comme l’écrit Madame de Sévigné. Le roi va « causer avec une amitié et un air libre qui rend [la place de Madame de Maintenon] la plus souhaitable du monde ». Leur relation entérine la volonté du roi d’abandonner son mode de vie jusqu’alors dissipé. À la Cour, installée à Versailles de façon permanente depuis 1682, cette résolution s’en ressent : les grands divertissements royaux, fêtes somptueuses offertes par le roi dans les jardins de Versailles,
cèdent la place à des soirées plus élégantes, discrètes et raffinées. Seule la mort de MarieThérèse d’Autriche, cette épouse dont Louis XIV avait tant dédaigné les faveurs, laisse craindre à la désormais marquise de Maintenon la fin des bonnes résolutions du monarque. Françoise s’inquiète que la fâcheuse inclination du roi pour les femmes ne vienne menacer le salut du souverain très chrétien. Et redoute, aussi, de voir sa position faiblir… Ne pouvant rester veuf, le roi décide d’épouser cette compagne tendre, sensible et fidèle au détour d’une messe clandestine. En ce 9 octobre 1683, c’est un mariage de conscience auquel se résout Louis XIV. Tenue sous le sceau du secret, l’alliance révélée ne susciterait que la malveillance de ceux qui, à la Cour, voient d’un mauvais oeil l’ascension sociale de cette femme d’une noblesse modeste, la portée morganatique du mariage et l’influence croissante de cette « épouse non déclarée ».
L’ascension fulgurante de la marquise
L’ascendant de la marquise est bien là. C’est d’abord celui d’une femme sur son mari. « Il faut essuyer ses chagrins, s’il en a, ses tristesses, ses vapeurs, raconte-t-elle. Il lui prend quelquefois des pleurs dont il n’est pas le maître. » Les billets et les rares lettres conservées – beaucoup ont été brûlées par leurs auteurs mêmes – disent tout le souci de l’époux pour sa femme, à qui il confie ses impressions personnelles sur des sujets de tout ordre. Chaque jour, suivant un même cérémonial, le roi lui rend visite en ses appartements, si proches des siens dans le corps central du palais. C’est dans la chambre même de la marquise que le souverain tient parfois conseil et qu’il vient travailler aux affaires du royaume, accompagné de quelques-uns de ses ministres. Alors que la guerre de Succession d’Espagne fait rage, c’est en ce logis que Louis XIV reçoit ses généraux. En intermédiaire diligent, reflet de l’autorité royale, Madame de Maintenon entretient avec la camarera mayor (dame d’honneur) de la reine d’Espagne une correspondance assidue. C’est encore en ces lieux