La princesse Palatine, un esprit rebelle à la Cour
La surprenante épouse de Monsieur, frère du roi, avait su charmer Louis XIV par sa franchise et son naturel. Mais ce franc-parler va finalement se retourner contre elle et la marginaliser au moment où la Cour s’installe à Versailles et se « moralise ». Elle choque et dérange, d’autant que son inimitié pour Madame de Maintenon l’éloigne du roi. De profonds désaccords personnels et politiques fragilisent sa position encore plus menacée après le décès de Monsieur en 1701.
Fille de l’électeur palatin CharlesLouis, Élisabeth-Charlotte de Bavière avait épousé en 1671 Philippe d’Orléans, le frère du roi de France. On ne pouvait alors imaginer couple plus mal assorti : elle est aussi simple et spontanée que son mari est coquet et apprêté, aussi robuste et « garçon manqué » qu’il est fin et efféminé. Lucide, elle écrit ainsi à sa tante Sophie de Hanovre : « J’ai, sauf votre respect, un derrière effroyable, un ventre, des hanches et des épaules énormes, la gorge et la poitrine très plates. À vrai dire je suis une figure affreuse, mais j’ai le bonheur de ne pas m’en soucier, car je ne souhaite pas que quelqu’un tombe amoureux de moi. » En effet, Madame déchante vite face à l’influence des favoris de Monsieur, le chevalier de Lorraine et le marquis
d’Effiat notamment. Le couple assure cependant son devoir dynastique et donne naissance à trois enfants, dont Philippe, le futur régent.
Belle-soeur et amie du roi
Si Madame devient assez disgracieuse avec l’âge et l’embonpoint, son esprit, son honnêteté, sa droiture et son amour pour la nature et les activités de plein air lui attirent l’amitié de Louis XIV. D’autant que ce dernier éprouve de la compassion pour le sort de Madame, délaissée et humiliée par son frère et ses favoris. Elle ressent une admiration et un attachement qui ont tout d’un amour refoulé. Mais après 1680, Madame commence à perdre son crédit auprès du roi. Au moment où la Cour s’installe définitivement à Versailles, le couple d’Orléans traverse une grave crise conjugale et le
roi va personnellement intervenir pour rapprocher les deux époux. À Madame, qui envisage d’entrer au couvent, il rappelle ses devoirs : « Ôtez cela de votre tête, car, tant que je vivrai, je n’y consentirai point et m’y opposerai hautement et de force. Vous êtes Madame et obligée de tenir ce poste, vous êtes ma belle-soeur et l’amitié que j’ai pour vous ne me permet pas de vous laisser aller me quitter pour jamais. »
À Versailles, Madame se marginalise
Face à l’influence grandissante de Madame de Maintenon après la mort de la reine MarieThérèse en 1683, Madame prend le contre-pied de l’évolution moralisatrice de la Cour, revendique son manque de féminité voire une grossièreté manifeste, surtout dans son abondante correspondance. Le roi n’hésite pas à lui envoyer son confesseur pour la réprimander. Plusieurs sujets vont contribuer à la disgrâce de Madame. Sa tristesse face au pillage du Palatinat par le roi et Louvois qu’elle tient pour responsables des morts de son père et de son frère; elle se sent par ailleurs insultée par le mariage de son propre fils, Philippe, avec Mademoiselle de Blois, une fille légitimée de Louis XIV et Madame de Montespan, en 1692. Cette union, véritable mésalliance à ses yeux, la désespère, mais elle ne peut s’y opposer puisqu’elle est voulue par le roi. Elle blâme Madame de Maintenon et l’accuse de vouloir affaiblir et souiller le sang des Orléans. Elle l’insulte copieusement dans sa correspondance : « crotte de souris », « vieille conne », « pentocrate », « ripopée », « vieille ordure ». Elle sait pourtant que l’on ouvre sa correspondance et que le roi en prend connaissance.
La paix et la revanche
Cependant, redoutant d’être renvoyée de la Cour après la mort de Monsieur en 1701, elle se réconcilie avec Madame de Maintenon. Louis XIV lui signifie publiquement son retour en grâce et lui permet de rester à Versailles. Elle décide de ne plus se préoccuper de politique et tient les femmes autour de Louis XIV pour responsables de tous ses mauvais choix. Sincèrement troublée à la mort de Louis XIV, elle ne pourra s’empêcher de se réjouir lorsque disparaît Madame de Maintenon en 1719 : « La vieille Maintenon est crevée. C’eût été un grand bonheur si cela avait pu arriver il y a quelque trente ans. »