Secrets d'Histoire

Yolande de Polignac, la plus tendre des amies

Ravissante et pleine d’esprit, elle fut la sans pareille, la confidente des heureux jours comme des plus tristes de la reine Marie-Antoinette. La plus décriée aussi…

- Par Philippe Séguy

Un portrait la représente. Avec sa palette inimitable, Élisabeth Vigée Le Brun a su rendre ses traits délicats, ses yeux myosotis. Vêtue d’une robe claire, la tête coiffée d’un chapeau de paille décoré de fleurs des champs, elle apparaît dans tout l’éclat de sa beauté tranquille. Et fatale. Née à Paris, le 8 septembre 1749, Gabrielle Yolande Martine de Polastron est d’un lignage authentiqu­e qui se perd dans la nuit des temps. Orpheline de mère très tôt, elle est élevée par sa tante d’Andlau. Là, elle

rencontre le bel Hyacinthe, comte de Vaudreuil, de neuf ans son aîné, brillantis­sime sujet et futur confident de Marie-Antoinette.

Quelle ravissante inconnue!

Elle se marie, avant ses 18 ans, avec le comte Jules de Polignac, miliaire de carrière et capitaine qui en a 22. Pas de fortune, mais un très joli nom, il est le fils d’une petite-nièce du cardinal Mazarin. Dans leur modeste château de Claye, le temps s’écoule paisibleme­nt et rien ne parvient à éponger les dettes. Deux enfants naissent pour

la plus grande joie de Yolande, excellente mère. La « comtesse Jules » a une belle-soeur, la comtesse Diane, ambitieuse à mourir et fraîchemen­t nommée dame d’honneur de la comtesse d’Artois. Diane invite Gabrielle et Jules à Versailles. Dans la galerie des Glaces, d’autres sources assurent que c’est dans les jardins du palais, Marie-Antoinette s’interroge sur cette ravissante inconnue, s’approche et lui fait gentiment le reproche qu’elle paraisse si peu à la Cour. Réponse immédiate : « Mais Madame, je n’en ai pas les moyens ! » La répartie est si franche, si désarmante de candeur, que la reine, séduite, va tout faire pour s’attacher la jeune femme. À 19 ans, Marie-Antoinette est plus seule que jamais, son mari la délaisse et ne sait pas l’aimer, elle s’ennuie à périr dans un Versailles hostile. Une amitié profonde naît et la princesse de Lamballe, adorable, mais plus fade, perd son statut de « favorite » en titre. La reine rend visite à plusieurs reprises aux Polignac dans leur château de Claye avant de décider d’installer Yolande… à Versailles! La comtesse Diane, dans l’ombre des dorures, veille à ce que l’ascension de sa bellesoeur profite à l’ensemble du clan Polignac. Dès lors, les faveurs et les pensions pleuvent! Une ascension prodigieus­e débute. Yolande gagne vite l’amitié et la protection du comte d’Artois, le plus jeune frère du roi et Louis XVI reconnaît que son charme léger, sa fraîcheur, savent apaiser la reine et lui rendent son sourire.

Les adieux à la reine

De leur côté, l’abbé Vermond, le confesseur de Marie-Antoinette et l’ambassadeu­r d’Autriche en France, le comte de Mercy-Argenteau, se scandalise­nt de faveurs sans cesse grandissan­tes. L’impératric­e Marie-Thérèse s’en émeut et reproche à sa fille, dans ses lettres, son attitude indigne d’une souveraine. Marie-Antoinette passe outre. Et fait éponger par le trésor royal la dette de 400000 livres de sa tendre amie. Critiques acerbes, pamphlets en rafales; la charge de grand écuyer revient au comte Jules de Polignac. C’en est trop! La faveur si extrême dont bénéficie la belle Yolande ne peut s’expliquer que par l’amour que lui porte la reine; un amour saphique, cela va sans dire. Rumeur née dans le cercle poussiéreu­x des tantes du roi; les filles de Louis XV ont toujours manifesté une franche hostilité à l’Autriche, dénonçant sans cesse, avec leur ami le chancelier de Maupeou, ce rapprochem­ent jugé scandaleux. Les Polignac sont superbemen­t logés. La comtesse Diane, toujours aussi intrigante, est nommée dame d’honneur de Madame Élisabeth, tante du monarque, Camille de Polignac, cousin de Jules, devient évêque de Meaux, Aglaé de Polignac, la fille de Yolande, est dotée pour son mariage à hauteur de 800000 livres. Enfin, consécrati­on suprême, le 20 septembre 1780, Jules est élevé à la dignité de duc et de pair du royaume. Deux ans plus tard, il obtient le privilège des postes, dont les revenus sont formidable­s. Lorsque la princesse de Guéméné, gouvernant­e des enfants de France, compromise par la banquerout­e de son mari, doit donner sa démission, le poste tant convoité revient à la belle duchesse. Dans son appartemen­t de 13 pièces situé à deux pas de ceux de la reine, elle remplit sa nouvelle fonction avec passion et se dévoue corps et âme aux petits princes. La Révolution sonne le glas de la douceur de vivre. Haïs par le peuple, les Polignac doivent fuir. Chose faite le 16 juillet et la reine, en larmes, fera remettre ce billet à la belle duchesse : « Adieu la plus tendre des amies! Que ce mot est affreux, mais il est nécessaire. Adieu ! Je n’ai que la force de vous embrasser ! » Yolande, Jules et leurs enfants se réfugient à Bâle, puis en Italie et enfin à Vienne. On cache à la jeune femme la mort de la reine. En l’apprenant, elle se refuse à vivre et sur sa tombe, seront gravés ces mots : « morte de douleur… »

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 ??  ?? Portrait de Yolande Gabrielle Martine de Polastron, duchesse de Polignac (1749-1793) au chapeau de paille, d’Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), 1782. Il a été dit que MarieAntoi­nette avait offert ce tableau au maître de poste ayant aidé la fuite des Polignac vers Bâle dans la nuit du 16 juillet 1789, pour le remercier.
Portrait de Yolande Gabrielle Martine de Polastron, duchesse de Polignac (1749-1793) au chapeau de paille, d’Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), 1782. Il a été dit que MarieAntoi­nette avait offert ce tableau au maître de poste ayant aidé la fuite des Polignac vers Bâle dans la nuit du 16 juillet 1789, pour le remercier.

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