Sainte-Cécile, chef-d’oeuvre du gothique méridional
Vaisseau de briques dressé au centre de la ville, la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi est d’abord un vivant et vibrant hommage à la grandeur du catholicisme, puisqu’elle a été érigée sur les lieux même où, en ce xiiie siècle finissant, l’hérésie cathare bat son plein, remettant en question la suprématie du pape et de l’Église de Rome.
Nous sommes en 1277. L’évêque Bernard de Castanet a fort à faire dans son fief d’Albi. Depuis le début du siècle, les adeptes du catharisme défient l’Église. Leurs chefs, les « bons hommes et bonnes femmes », parcourent le pays, prêchant la doctrine cathare et convertissant à cette nouvelle foi de plus en plus d’adeptes, nobles comme paysans. On dit même que le comte de Toulouse les aurait rejoints. Il est vrai que le clergé local offre une image déplorable du catholicisme. Quel que soit leur statut hiérarchique, prélats et curés se vautrent dans le stupre et la fornication. Au contraire des Parfaits, ministres de ce nouveau culte, qui s’avèrent d’une austérité irréprochable, d’une chasteté totale, s’interdisent toute nourriture carnée et respectent avant tout la vie, qu’elle soit humaine ou animale.
Une forteresse de la foi À cette idéologie qui gagne chaque jour du terrain, il faut opposer une démonstration de force et de fermeté. L’évêque décide alors d’affirmer son autorité en construisant une véritable « cité épiscopale », comprenant la cathédrale SainteCécile et le palais de la Berbie. Ces deux édifices vont témoigner de la présence active de la chrétienté sur ces terres en passe de sombrer dans l’hérésie. D’allure défensive et austère, perchée sur un piton rocheux dominant le Tarn, la cathédrale de briques rouges, la plus grande au monde en ce matériau, avec ses 113 m de long pour 35 m de large, et son clocher qui s’élève à 78 m de haut, ressemble bien plus à une forteresse qu’à un édifice religieux. Les travaux d’édification de SainteCécile s’échelonnent sur deux siècles.
SAINTE CÉCILE, PATRONNE DES MUSICIENS
La cathédrale est dédiée à sainte Cécile, patronne des musiciens. Une relique de la sainte est d’ailleurs présentée aux fidèles aux côtés d’un magnifique gisant Renaissance. Chaque année, le dimanche précédant la Fête de la martyre, le reliquaire est porté en procession au son des grandes orgues, les plus imposantes d’Europe, dues au talent du facteur lorrain Christophe Moucherel (1686-1761).
QUI SONT LES CATHARES ?
Probablement issu du zoroastrisme (viie siècle av. J.-C.) et parvenu en France via les théories de Manès (iiie siècle), popularisé d’abord dans les Balkans, puis en Italie du Nord, le catharisme est fondé sur le retour à l’Évangile. Ses adeptes considèrent que le monde est mauvais et qu’il importe de s’en détacher et de rechercher la pureté absolue. Ils affirment que l’Église, par ses errances, a failli à sa mission. Ils ne reconnaissent pas le dogme catholique et se revendiquent « vrais » chrétiens. Ils ne pratiquent qu’un seul sacrement, le consolamentum qui, à l’heure de la mort, efface les fautes et fait gagner la vie éternelle.
LE JUBÉ
Le jubé est une tribune monumentale, construite en travers de la nef centrale d’une église et qui sert aux lectures et à la prédication. Dans les édifices du Moyen Âge, il forme ainsi une barrière entre la nef et le choeur qu’il dissimule en partie. Cet élément du mobilier liturgique tient son nom de la supplique « Jube domine benedicere » (« Bénissez-nous Seigneur ») prononcée avant lecture de l’Évangile. La plupart des jubés ont disparu aux xviie et xviiie siècles. Sainte-Cécile est la seule cathédrale de France à avoir conservé le sien avec sa clôture et ses 150 statues (280 à l’origine).
UN DÉCOR INTÉRIEUR EXTRAORDINAIRE
Le choeur est consacré en 1480. Sous l’impulsion de l’évêque Louis Ier d’Amboise, l’église est décorée. Un porche sculpté de délicates « dentelles » de pierre constitue la seule entrée. Il permet de faire la transition entre l’austérité extérieure et le faste de l’intérieur. Les murs et les voûtes sont entièrement décorés sur près de 20 000 mètres carrés. Sur le mur ouest, une immense peinture murale est consacrée au Jugement dernier. Quant aux voûtes, elles s’ornent de fresques or et bleues réalisées par des artistes italiens.