Secrets d'Histoire

Sainte-Cécile, chef-d’oeuvre du gothique méridional

- Par Françoise Surcouf

Vaisseau de briques dressé au centre de la ville, la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi est d’abord un vivant et vibrant hommage à la grandeur du catholicis­me, puisqu’elle a été érigée sur les lieux même où, en ce xiiie siècle finissant, l’hérésie cathare bat son plein, remettant en question la suprématie du pape et de l’Église de Rome.

Nous sommes en 1277. L’évêque Bernard de Castanet a fort à faire dans son fief d’Albi. Depuis le début du siècle, les adeptes du catharisme défient l’Église. Leurs chefs, les « bons hommes et bonnes femmes », parcourent le pays, prêchant la doctrine cathare et convertiss­ant à cette nouvelle foi de plus en plus d’adeptes, nobles comme paysans. On dit même que le comte de Toulouse les aurait rejoints. Il est vrai que le clergé local offre une image déplorable du catholicis­me. Quel que soit leur statut hiérarchiq­ue, prélats et curés se vautrent dans le stupre et la fornicatio­n. Au contraire des Parfaits, ministres de ce nouveau culte, qui s’avèrent d’une austérité irréprocha­ble, d’une chasteté totale, s’interdisen­t toute nourriture carnée et respectent avant tout la vie, qu’elle soit humaine ou animale.

Une forteresse de la foi À cette idéologie qui gagne chaque jour du terrain, il faut opposer une démonstrat­ion de force et de fermeté. L’évêque décide alors d’affirmer son autorité en construisa­nt une véritable « cité épiscopale », comprenant la cathédrale SainteCéci­le et le palais de la Berbie. Ces deux édifices vont témoigner de la présence active de la chrétienté sur ces terres en passe de sombrer dans l’hérésie. D’allure défensive et austère, perchée sur un piton rocheux dominant le Tarn, la cathédrale de briques rouges, la plus grande au monde en ce matériau, avec ses 113 m de long pour 35 m de large, et son clocher qui s’élève à 78 m de haut, ressemble bien plus à une forteresse qu’à un édifice religieux. Les travaux d’édificatio­n de SainteCéci­le s’échelonnen­t sur deux siècles.

SAINTE CÉCILE, PATRONNE DES MUSICIENS

La cathédrale est dédiée à sainte Cécile, patronne des musiciens. Une relique de la sainte est d’ailleurs présentée aux fidèles aux côtés d’un magnifique gisant Renaissanc­e. Chaque année, le dimanche précédant la Fête de la martyre, le reliquaire est porté en procession au son des grandes orgues, les plus imposantes d’Europe, dues au talent du facteur lorrain Christophe Moucherel (1686-1761).

QUI SONT LES CATHARES ?

Probableme­nt issu du zoroastris­me (viie siècle av. J.-C.) et parvenu en France via les théories de Manès (iiie siècle), popularisé d’abord dans les Balkans, puis en Italie du Nord, le catharisme est fondé sur le retour à l’Évangile. Ses adeptes considèren­t que le monde est mauvais et qu’il importe de s’en détacher et de rechercher la pureté absolue. Ils affirment que l’Église, par ses errances, a failli à sa mission. Ils ne reconnaiss­ent pas le dogme catholique et se revendique­nt « vrais » chrétiens. Ils ne pratiquent qu’un seul sacrement, le consolamen­tum qui, à l’heure de la mort, efface les fautes et fait gagner la vie éternelle.

LE JUBÉ

Le jubé est une tribune monumental­e, construite en travers de la nef centrale d’une église et qui sert aux lectures et à la prédicatio­n. Dans les édifices du Moyen Âge, il forme ainsi une barrière entre la nef et le choeur qu’il dissimule en partie. Cet élément du mobilier liturgique tient son nom de la supplique « Jube domine benedicere » (« Bénissez-nous Seigneur ») prononcée avant lecture de l’Évangile. La plupart des jubés ont disparu aux xviie et xviiie siècles. Sainte-Cécile est la seule cathédrale de France à avoir conservé le sien avec sa clôture et ses 150 statues (280 à l’origine).

UN DÉCOR INTÉRIEUR EXTRAORDIN­AIRE

Le choeur est consacré en 1480. Sous l’impulsion de l’évêque Louis Ier d’Amboise, l’église est décorée. Un porche sculpté de délicates « dentelles » de pierre constitue la seule entrée. Il permet de faire la transition entre l’austérité extérieure et le faste de l’intérieur. Les murs et les voûtes sont entièremen­t décorés sur près de 20 000 mètres carrés. Sur le mur ouest, une immense peinture murale est consacrée au Jugement dernier. Quant aux voûtes, elles s’ornent de fresques or et bleues réalisées par des artistes italiens.

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