L'Aveyron, une Histoire sous le signe de la Résistance
Des monts brumeux de l’Aubrac au Rougier de Camarès, des plateaux du Larzac aux vallées du Ségala, l’Aveyron est l’un des rares départements à avoir conservé les frontières d’une province historique : le Rouergue. C’est la marque d’un pays au caractère fort, à l’image de ses habitants. Ils ont toujours renâclé, au fil de l’Histoire, devant un pouvoir central qui prétendait lui dicter sa loi ou sa religion.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les habitants de Rodez sont appelés les Ruthénois? Chef-lieu de l’actuel département créé en 1790, la ville est au coeur de l’Histoire du Rouergue depuis la Gaule celtique. À cette époque, la région est occupée par le peuple des Rutènes, en référence à la divinité celtique qu’ils vénèrent : Ruth. Rodez se confond alors avec l’oppidum de Segodunum, qui devient Ruteni sous l’occupation romaine. Profitant des rivalités entre tribus celtes, les Romains conquièrent d’abord le sud de la région entre l’an -124 et l’an -118, intégrant l’Albigeois à la Narbonnaise. Soixante ans plus tard, après sa victoire à Alésia contre l’armée des Arvernes auxquels les Rutènes s’étaient alliés, Jules César étend son pouvoir à toute la Gaule. En Rouergue, la romanisation se fait progressivement, dans les villes puis dans les campagnes; la religion chrétienne supplante lentement le druidisme – elle est officiellement tolérée à partir du ive siècle –, et la région se modernise. On assiste au développement de l’agriculture, de celui de l’artisanat local, comme
les poteries dont on peut admirer des vestiges au musée de Millau et des Grands Causses. Des routes sont tracées, des ponts édifiés et des cités créées: Aubin, Cransac, Flagnac, Savignac…
Au Moyen Âge, l’essor urbain
Imaginez les plaines immenses de l’Aubrac un soir d’hiver, au xiie siècle… Perdu dans ce paysage effrayant, peuplé de loups et de bandits, vous auriez certainement remercié le ciel d’avoir mis sur votre route la Domerie d’Aubrac. Le monastère-hôpital, dont il subsiste quelques bâtiments, a ainsi offert l’asile à de nombreux voyageurs apeurés. Se sauver dans le sud pour trouver un peu de tranquillité? Ils en auraient été bien incapables, tant les reliefs hostiles du Larzac ont aussi fait le bonheur des brigands. Pour sécuriser le causse, on a fait appel aux célèbres chevaliers de l’ordre du Temple puis aux Hospitaliers. Les villages de La Couvertoirade, Sainte-Eulalie-deCernon, La Cavalerie, le fort de Saint-Jean d’Alcas et la tour du Viala-du-Pas-de-Jaux sont autant de traces de leur implantation dans la région. Dans le nord-est de l’Aveyron, les seigneurs et les ecclésiastiques initient également un vaste mouvement d’urbanisation, dès la fin du xiiie siècle. En construisant des bastides, cités organisées autour d’une grande place cernée d’arcades, propices au négoce, ils enrichissent et transforment durablement le territoire du Ségala. Encore aujourd’hui, Villefranche-de-Rouergue est l’une des plus importantes villes du département.
Occupation, conflits et révolte
La vie en Aveyron n’a pas toujours été aussi reposante qu’elle n’apparaît aujourd’hui. Au xive siècle, dans le contexte de la guerre de Cent Ans, le territoire est occupé par les Anglais pendant une décade entière, de 1360 à 1370. Deux siècles plus tard, il subit de plein fouet les guerres de Religion: les protestants incendient l’abbatiale Sainte-Foy de Conques en 1568, modifiant sa silhouette d’origine; et la forteresse réputée imprenable de Najac est assiégée… Les tensions religieuses et les affrontements ne commenceront à s’apaiser qu’en 1598, avec la promulgation de l’Édit de Nantes par Henri IV. Le même roi de France qui, en 1607, rattache la province du Rouergue à la Couronne. En est-ce fini des années sombres pour autant? Non. Aux xvie et xviie siècles, tandis que des marchands et notables fortunés se font bâtir des hôtels particuliers dans le centre de la cité de Rodez, les paysans dans les campagnes alentour meurent de faim, écrasés par les impôts. En 1643, à la mort de Louis XIII, c’est la Révolte des croquants : le peuple du Rouergue se soulève à Marcillac et à Villefranche. Dans la capitale du Ségala, une place porte désormais le nom de Jean Petit, l’un des principaux instigateurs de l’insurrection, et une plaque marque l’emplacement de sa maison détruite. Roué vif, le chirurgien rouergat est devenu un héros dont la notoriété, avec le temps, a largement dépassé les frontières de l’Aveyron. L’Histoire étant souvent bien cruelle, le supplice du pauvre homme a inspiré une chanson populaire, qui a traversé les siècles: « Jean Petit qui danse », c’est lui…