Secrets d'Histoire

L'Aveyron, une Histoire sous le signe de la Résistance

- Par Marine Guiffray

Des monts brumeux de l’Aubrac au Rougier de Camarès, des plateaux du Larzac aux vallées du Ségala, l’Aveyron est l’un des rares départemen­ts à avoir conservé les frontières d’une province historique : le Rouergue. C’est la marque d’un pays au caractère fort, à l’image de ses habitants. Ils ont toujours renâclé, au fil de l’Histoire, devant un pouvoir central qui prétendait lui dicter sa loi ou sa religion.

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les habitants de Rodez sont appelés les Ruthénois? Chef-lieu de l’actuel départemen­t créé en 1790, la ville est au coeur de l’Histoire du Rouergue depuis la Gaule celtique. À cette époque, la région est occupée par le peuple des Rutènes, en référence à la divinité celtique qu’ils vénèrent : Ruth. Rodez se confond alors avec l’oppidum de Segodunum, qui devient Ruteni sous l’occupation romaine. Profitant des rivalités entre tribus celtes, les Romains conquièren­t d’abord le sud de la région entre l’an -124 et l’an -118, intégrant l’Albigeois à la Narbonnais­e. Soixante ans plus tard, après sa victoire à Alésia contre l’armée des Arvernes auxquels les Rutènes s’étaient alliés, Jules César étend son pouvoir à toute la Gaule. En Rouergue, la romanisati­on se fait progressiv­ement, dans les villes puis dans les campagnes; la religion chrétienne supplante lentement le druidisme – elle est officielle­ment tolérée à partir du ive siècle –, et la région se modernise. On assiste au développem­ent de l’agricultur­e, de celui de l’artisanat local, comme

les poteries dont on peut admirer des vestiges au musée de Millau et des Grands Causses. Des routes sont tracées, des ponts édifiés et des cités créées: Aubin, Cransac, Flagnac, Savignac…

Au Moyen Âge, l’essor urbain

Imaginez les plaines immenses de l’Aubrac un soir d’hiver, au xiie siècle… Perdu dans ce paysage effrayant, peuplé de loups et de bandits, vous auriez certaineme­nt remercié le ciel d’avoir mis sur votre route la Domerie d’Aubrac. Le monastère-hôpital, dont il subsiste quelques bâtiments, a ainsi offert l’asile à de nombreux voyageurs apeurés. Se sauver dans le sud pour trouver un peu de tranquilli­té? Ils en auraient été bien incapables, tant les reliefs hostiles du Larzac ont aussi fait le bonheur des brigands. Pour sécuriser le causse, on a fait appel aux célèbres chevaliers de l’ordre du Temple puis aux Hospitalie­rs. Les villages de La Couvertoir­ade, Sainte-Eulalie-deCernon, La Cavalerie, le fort de Saint-Jean d’Alcas et la tour du Viala-du-Pas-de-Jaux sont autant de traces de leur implantati­on dans la région. Dans le nord-est de l’Aveyron, les seigneurs et les ecclésiast­iques initient également un vaste mouvement d’urbanisati­on, dès la fin du xiiie siècle. En construisa­nt des bastides, cités organisées autour d’une grande place cernée d’arcades, propices au négoce, ils enrichisse­nt et transforme­nt durablemen­t le territoire du Ségala. Encore aujourd’hui, Villefranc­he-de-Rouergue est l’une des plus importante­s villes du départemen­t.

Occupation, conflits et révolte

La vie en Aveyron n’a pas toujours été aussi reposante qu’elle n’apparaît aujourd’hui. Au xive siècle, dans le contexte de la guerre de Cent Ans, le territoire est occupé par les Anglais pendant une décade entière, de 1360 à 1370. Deux siècles plus tard, il subit de plein fouet les guerres de Religion: les protestant­s incendient l’abbatiale Sainte-Foy de Conques en 1568, modifiant sa silhouette d’origine; et la forteresse réputée imprenable de Najac est assiégée… Les tensions religieuse­s et les affronteme­nts ne commencero­nt à s’apaiser qu’en 1598, avec la promulgati­on de l’Édit de Nantes par Henri IV. Le même roi de France qui, en 1607, rattache la province du Rouergue à la Couronne. En est-ce fini des années sombres pour autant? Non. Aux xvie et xviie siècles, tandis que des marchands et notables fortunés se font bâtir des hôtels particulie­rs dans le centre de la cité de Rodez, les paysans dans les campagnes alentour meurent de faim, écrasés par les impôts. En 1643, à la mort de Louis XIII, c’est la Révolte des croquants : le peuple du Rouergue se soulève à Marcillac et à Villefranc­he. Dans la capitale du Ségala, une place porte désormais le nom de Jean Petit, l’un des principaux instigateu­rs de l’insurrecti­on, et une plaque marque l’emplacemen­t de sa maison détruite. Roué vif, le chirurgien rouergat est devenu un héros dont la notoriété, avec le temps, a largement dépassé les frontières de l’Aveyron. L’Histoire étant souvent bien cruelle, le supplice du pauvre homme a inspiré une chanson populaire, qui a traversé les siècles: « Jean Petit qui danse », c’est lui…

 ??  ?? Notre-Damedu-Désert, sur la commune de Saint-Victoret-Melvieu, au coeur des Raspes aveyronnai­ses. Le nom « Raspes » est tiré de l’occitan « raspar » :
« râper », comme l’action de la rivière sur les roches. Le pays des Raspes a gardé, de son Histoire chargée, des souvenirs patrimonia­ux. Châteaux et édifices religieux embellisse­nt les décors naturels, telle cette chapelle perchée sur un promontoir­e rocheux, dans une boucle du Tarn. Elle a été bâtie, en 1900, à l’emplacemen­t de l’ancienne église désaffecté­e à la Révolution et rasée en 1894.
Notre-Damedu-Désert, sur la commune de Saint-Victoret-Melvieu, au coeur des Raspes aveyronnai­ses. Le nom « Raspes » est tiré de l’occitan « raspar » : « râper », comme l’action de la rivière sur les roches. Le pays des Raspes a gardé, de son Histoire chargée, des souvenirs patrimonia­ux. Châteaux et édifices religieux embellisse­nt les décors naturels, telle cette chapelle perchée sur un promontoir­e rocheux, dans une boucle du Tarn. Elle a été bâtie, en 1900, à l’emplacemen­t de l’ancienne église désaffecté­e à la Révolution et rasée en 1894.
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 ??  ?? Au musée de Millau et des Grands Causses, une trentaine de salles exposent les riches collection­s : paléontolo­gie, archéologi­e, mégisserie et ganterie. Place Foch, 12100 Millau. 05 65 59 01 08. museede millau.fr
Au musée de Millau et des Grands Causses, une trentaine de salles exposent les riches collection­s : paléontolo­gie, archéologi­e, mégisserie et ganterie. Place Foch, 12100 Millau. 05 65 59 01 08. museede millau.fr
 ??  ?? La Domerie d’Aubrac. Fondée au début du xiie siècle par l’abbaye de Conques, elle était destinée à accueillir et à soigner les pèlerins marchant sur la Via Podiensis, vers le tombeau de saint Jacques, à Compostell­e (Galice). Hôpital et monastère étaient soumis à la règle de saint Augustin, axée sur la charité et la fraternité. Depuis 2006, la stèle Alsace-Aubrac (premier plan) signale le site.
La Domerie d’Aubrac. Fondée au début du xiie siècle par l’abbaye de Conques, elle était destinée à accueillir et à soigner les pèlerins marchant sur la Via Podiensis, vers le tombeau de saint Jacques, à Compostell­e (Galice). Hôpital et monastère étaient soumis à la règle de saint Augustin, axée sur la charité et la fraternité. Depuis 2006, la stèle Alsace-Aubrac (premier plan) signale le site.

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